Pierre Léna nous livre son regard sur la réforme du collège, à partir de l’expérience de La main à la pâte, qu’il a cofondée. Cosignataire d’une tribune dans Le Monde, en défense de la réforme, il s’inquiète de la mise en œuvre de cette « réforme révolutionnaire », car « si, par malheur pour le pays et ses enfants, cette réforme échouait, il faudrait sans doute plus d’une décennie pour en tenter une autre. »
Après des années d’actions timides, je me réjouis qu’un gouvernement affirme sa volonté de revoir en profondeur le collège et son articulation avec l’école, quand chaque année s’y joue la destinée de sept millions d’enfants. Mais je me désole d’observer une mise en œuvre aussi préoccupante. L’ambition c’est bien, mais il faut s’en donner les moyens. L’expérience de La main à la pâte, qui fête ses vingt ans ces jours-ci, m’autorise sans doute quelque opinion, sur l’enseignement scientifique et au-delà.
Notre école n’atténue pas les inégalités de naissance ou de milieu social, elle les creuse surtout au collège, à grands frais pour la nation. La réforme propose deux remèdes, qui veulent réagir enfin à cet échec : plus d’autonomie pour les professeurs, moins de cloisons entre disciplines. De nouveaux programmes et horaires doivent les traduire en cadre de travail. Le postulat sous-jacent est qu’en faisant du collège un lieu de vie collective et de découverte, moins structuré par le seul horizon du lycée général, les adolescents y épanouiront mieux la diversité de leurs talents et y trouveront matière à orientation positive. Le travail interdisciplinaire aidera ceux dont le contexte familial ne donne pas les codes culturels de la réussite scolaire, codes qui ne se résument pas pour eux à un accès au latin ou au grec. Rien ici d’incompatible avec la poursuite de l’excellence pour tous.
Ces justes intentions demandent une révolution dans les modalités de travail de bien des professeurs. Pour en avoir fait, avec l’enseignement intégré de science et de technologie en classes de 6e et 5e, la modeste expérience depuis une décennie, je vois les défis à relever. Notre actuel système de décompte de temps de travail des enseignants est incapable de prévoir du temps de concertation entre eux, lequel ne résulte le plus souvent que de leur seule bonne volonté. La réforme entrouvre une petite porte, avec une affectation globale d’heures à chaque collège, dont l’usage découlera de décisions collectives.
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