Université d’Été de PRISME – 2011
Le 7 Juillet au Cnam de Paris
Table ronde : les territoires apprenants : quelles sont les initiatives qui peuvent apporter un éclairage nouveau ?
Animé par Olivier Masson : Chargé de mission JPA
Alain Bollon : Expert international en évaluation des système éducatifs auprès de l’Unesco
Daniel Janichon : Docteur en sciences de l’éducation
Daniel Janichon :
J’ai réalisé une enquête sur les piliers 6 et 7 du socle commun, les compétences sociales, civiques, l’autonomie et l’initiative. Le questionnement a porté plus particulièrement sur le volet attitudes du triptyque connaissances/capacités et attitudes. Cette enquête a été menée dans 3 collèges touchant 300 élèves de 3ème, auxquels j’ai demandé de se positionner face à diverses situations liées à ces compétences.
Les compétences sociales les mieux maîtrisées par les élèves sont le respect de soi et la solidarité. Les compétences en autonomie semblent plus difficiles à acquérir par les élèves, même si, selon les CPE et les chefs d’établissement, la cité scolaire favorise l’autonomie des élèves.
D’autre part, si les filles répondent plus favorablement que les garçons aux attentes du socle dans l’un et l’autre domaine, le respect et la solidarité semblent caractériser davantage les élèves défavorisés, tandis que l’autonomie et la capacité à faire des choix sont plus répandues parmi les élèves qui résident la commune du collège. Les élèves les plus sociaux et les collégiens les plus autonomes ne sont donc pas les mêmes…Mais peut-on, dans l’absolu, favoriser à la fois les unes et les autres de ces compétences du socle ?
Les résultats ont été présentés aux élèves mais pas sous la forme aboutie des données, seulement le pourcentage des élèves qui souscrivent à tel ou tel injonctions du socle et les proportions chez les uns et les autres sans interprétation statistiques, ces élèves de 3ème n’étaient plus au collège où ils avaient été interrogés, alors je l’ai fait par le biais des sites des lycées qu’ils devaient fréquenter l’année suivante et en communiquant les données au CDI des lycées concernés. 80% des élèves souhaitaient voir ces résultats.
C’était l’autonomie vu par le socle qui était évalué : la soif d’apprendre
Olivier Masson :
Ce qui apparaît fortement c’est que le rôle du milieu social et celui des parents est plus important que celui que peut jouer l’établissement, qui ne veut pas dire que l’établissement n’a aucune influence.
Où se trouvent les compétences ?
Alain Bollon :
Je travaille sur l’évaluation depuis quarante ans et à un moment donné il a bien fallu se pencher sur le concept des compétences. Comment on fait la preuve de ce qui marche et de ce qui ne marche pas.
Aujourd’hui je travaille sur des micros système, c’est deux personnes et je dois accompagner des gens qui viennent de l’étranger, qui sont cadres dans leurs pays mais qui veulent faire valider en France des diplômes. Comment faire de la VAE avec des cadres non français qui veulent avoir l’équivalent d’un master en 6 mois ?
Deuxième exemple de micro système : j’accompagne dans une grande entreprise le DRH qui dit que son entreprise est menacée, on sait que dans les 15 ans on ne change pas notre objet principal de production on disparaît, donc on ne sait pas quelle compétence développer plus tard on sait seulement qu’il faut que l’on change de registre de capacité, donc la commande c’est aidez-nous à préparer le changement sauf que on ne sait pas vers quoi il faut changer.
Un autre micros système : accompagner des gens qui accompagnent l’accompagnement scolaire
Dans les micros, le territoire est partagé, il est conscrit.
Après on a les « mésos », les systèmes moyens. Dans la banlieue de Grenoble la Direction du travail doit mettre en place un document qui s’appelle « manuel de mise ne place de la gestion prévisionnelles des emplois et des compétences sur les territoires ». Comment essayer de trouver des zones entre l’offre de formation et ce que le territoire propose et ce que le territoire va faire dans les 15 ans qui viennent ?
Un autre exemple de territoire moyen, il y a eu récemment le travail sur le livret expérimental de compétence, mais ni les chefs d’établissement ni les élèves n’ont compris et la Direction en charge du dossier leur a répondu qu’il n’était pas payé pour ça ! Et donc j’ai 50 établissements qui me demandent de les accompagner sur comment on évalue les compétence extra scolaires et comment on évalue les compétences collectives des enseignants et comment on évalue les compétences que pilotent les chefs d’établissements. J’ai accepté de piloter trois établissements qui travaillent ensemble.
Dernier exemple de système « méso » : le conseil général de Savoie demande d’être accompagner pour savoir comment on fait pour évaluer notre politique et surtout comment les piloter ?
Le cœur de l’évaluation c’est quand même de produire de la valeur, c’est de rendre les acteurs responsables, je parle des deux acteurs : le jeune et l’autre.
Et le troisième niveau qui est plutôt le mien, c’est le niveau « macro », ce sont les grands territoires. Je part au Pérou pour aider à évaluer des projets sur la réduction de la pauvreté et dans les pays sud américains la réduction de la pauvreté se fait par le développement des capacités et des compétences des femmes, notamment des femmes exilées sauf que au Pérou le projet a démarré depuis 3 ans et on demande d’évaluer à la fin.
Dans les grands projets européens qui financent la façade méditerranéenne, il y a le projet de mise à niveau des systèmes, en Algérie ou au Liban, on a réussi à imposer à l’Europe de piloter simultanément quatre ans de travail sur la formation initiale et en même temps mise place de niveaux de formation professionnelle et la mise ne place des universités. Comment la personne qui travaille sur l’ensemble de tous ces systèmes s’en sort en étant capable de gérer elle-même son propre choix ?
Alors comment cela se passe-t-il en ce moment autour des compétences ? C’est un passage obligé, il n’y a pas de négociations. La deuxième remarque c’est que la dominante en ce moment sur les compétences c’est la plasticité des concepts, de la notion, il y a un flou et avec les compétences il faut tout de suite mettre derrière d’autres concepts comme le développement, l’évaluation, les territoires, le pilotage.
Moi et mes équipes on nous dit venez évaluer mais on évalue jamais à la place de quelqu’un d’autre. Nous on veut bien vous aider à monter l’évaluation à partir de laquelle on va pouvoir porter un jugement, un regard interne. On nous dit de venir les aider à évaluer les compétences des acteurs et les compétences collectives. Les territoires sont compétents. Les acteurs sont compétents.
La compétence c’est une construction qui permet de résoudre des problèmes qui ont du sens. La compétence est un acte, qui s’actualise, qui s’effectue. Vous ne voyez pas la compétence directement il faut créer des circonstances dans laquelle elle va s’actualiser sauf que quand vous la voyez nous n’en voyez qu’une petite partie et c’est une partie potentialité, à l’UNESCO on a décidé d’appeler potentialité les capacités. Résoudre des problèmes, analyser un événement, argumenter une décision c’est dans le champ des capacités. Expliquer pourquoi on a fait tel ou tel projet pendant 5 ans par rapport à l’ensemble des collègues c’est le champ des compétences.
Les territoires sont très importants, si il n’y a pas d’espace symbolique, physique, repérable, vous n’avez pas de compétences. Il faut absolument mobilisé ses ressources internes/externes pour agir dans un contexte porteur de sens. A l’Unesco on dit pourquoi ne pas mettre d’éléments d’évaluation sur les compétences. Les compétences sont évaluables. A part l’Éducation Nationale, regardez comment les entreprises recrutent ! On est dans le champ de l’évaluation des compétences.
L’étymologie du mot compétence en latin c’est cum petere – porter avec soi.
Si vous êtes vivant vous êtes compétent. Vous êtes porteur d’un certain nombre de ressource mais comment faire pour les actualiser ?
Quand on travail avec les référentiels métiers et quand il dépasse la douzaine de compétences, ce ne sont plus des référentiels. Il y a eu un projet européen qui était « que doit maîtriser un enfant qui quitte le collège » : 7 compétences pluridisciplinaires étaient ressorties, et on demanderait à l’élève de nous dire quelque chose sur la construction et sur son degré de maîtrise des compétences, à partir du moment où il rentre en 6ème on l’aide à construire une biographie cognitive, son livret de capacités.
En général pour évaluer les compétences, on les contrôle en mettant des notes, mais pour en arriver là qu’est-ce qu’il a fait ? C’est la question des compétences. Dans le champ de la connaissance, dans le champ de la technologie, il y a bien fallu dans tout ce qui était possible, que l’on sélectionne la plus pertinent. Est-ce qu’il peut dire quelque chose sur sa trajectoire, entre le moment où il a commencé à construire la compétence et le moment où il a actualisé.
Imaginez que le socle commun, au lieu d’avoir 121 thèmes, qu’il n’y en ait que 6 ou 7 regroupés de manière interdisciplinaires. C’est derrière la compétence que l’on valide les acquis de l’expérience.
Quand vous accompagner quelqu’un vous lui demandez de décrire ses expériences, c’est-à-dire de revivre des situations sauf que la validation se fait sur l’évolution.
La compétence n’est pas un concept scientifique. C’est un concept pragmatique et une notion : tout le monde en parle et se comprend mais personne ne peut expliquer ! Il se construit dans l’action, l’action est toujours première. Il permet de faire des choix, de prendre de la décision, d’échanger. Il faut trouver des zones de compromis. L’équipe avec laquelle on travaille, qui pilote permet la construction de l’individu. Si on arrive à une formulation opérationnelle sur laquelle on puisse construire, faire évoluer et évaluer on accepte. Savoir quelque chose et savoir le mettre en œuvre dans un contexte.
Pourquoi on travail par projet ?
C’est parce que l’on est dans l’incertitude et la complexité. Si vous prenez un amphi de 100 élèves, 27% à la fin de l’année seront en état de continuer
La compétence est toujours en mobilité.
La compétence est dans un contexte autour de la personne, individuel, social et donc quel est le bon territoire pour se construire, se développer ? Il faut partir de la personne entre l’entrée à l’école et l’entrée dans la vie active.
Puisse que la compétence ne s’arrête jamais, on est en développement perpétuel, est-ce vous accompagnez pour la réussite scolaire ou pour la réussite tout court ou accompagner pour le développement ? Ce ne sont pas les mêmes professionnalités.
Quand vous êtes sur de tout vous faites du programme et du contrôle alors que quand vous évaluez vous n’êtes pas sur de se que vous allez trouver. Le concept d’évaluation est en difficulté parce que l’on confond l’outil terminal (la note) avec le processus qu’est l’évaluation. Évaluer c’est comparer puis prendre une décision, la note n’est que un outil.
Un vrai projet d’établissement c’est 5 à 7 ans. Un projet éducatif national s’est de l’ordre de quinzaines d’années.
L’idée du socle c’est que l’élève peut dire comment s’est passé son acquisition de la compétence. C’est une approche systémique. Il faut prendre 6 ou 7 compétences, pas plus. Il faudrait une régulation des notes : 50% de notes, 50% d’évaluation. Les parents sont des éducateurs, 50% des compétences seulement sont apprises à l’école
Il faut associer la notion de compétence avec des termes comme pilotage, mise en œuvre, évaluation. Piloter c’est attendre l’avis et l’argumentation des principaux bénéficiaires pour prendre des décisions.
Dans un grand projet, au Liban par exemple, on met tout de suite en place un groupe permanent d’évaluation construit par les acteurs et tous les trois mois ils viennent dire où ils en sont sur les compétences et surtout voilà où on en est sur les capacités, c’est-à-dire le degré de cohérence avec le projet.
La validation est une procédure sociale qui constate mais qui n’explique pas. La validation est dans le champ de la conformité. Il faut que les gens qui valident soient reconnus par l’institution, alors que l’évaluation possède la plus value de la valeur ajoutée. Évaluer c’est expliciter la qualité d’un changement. Certifier c’est être reconnu par un ensemble de pairs qui vous accepte.
Les collègues qui valident le socle sont en difficultés. C’était mis en place pour que les élèves puissent porter un regard critique sur leurs connaissances et pour que les parents comprennent.
Il n’est pas normal que dans un pays comme le notre qui a des moyens que des élèves puissent quitter le système scolaire sans aucune trace. Vous n’avez pas le droit de laisser des enfants (convention de l’ONU) sans les avoir renseigné sur la qualité de leur apprentissage. On pourrait avoir des niveaux de compétences intermédiaires.
Si vous contrôlez tout le système ne bouge plus. La procédure ne doit l’emporter sur le savoir. Il faut une articulation entre le contrôle et l’évaluation.
Si on veut que les jeunes s’émancipent et apprennent autrement, émancipation voulant dire devenir autonome et donc se construire ses propres lois à l’intérieur d’un système qui se régule, alors cela veut dire échapper à celui qui vous accompagne. Si je les accompagne dans la construction de leurs compétences, ils vont faire preuve d’esprit critique.
Le socle est une réponse provisoire du système, il faut construire des projets pluridisciplinaires et après aller pointer dans le socle les compétences nommées dans celui-ci.
Olivier Masson :
La compétence principale à développer chez l’élève est de « porter un regard critique sur ce que j’ai appris et comment et en quoi je vais l’utiliser à l’avenir ». Rappel d’une parole de Perrenoud : « l’outil de transfert est la conceptualisation, il s’agit donc de faire agir ».