In Educavox – le 16 octobre 2013 :
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La question des rythmes scolaires est plus que jamais d’actualité. Après une revue des différentes études scientifiques sur le sujet, il apparaît que le problème est plus complexe que la simple opposition entre l’organisation sur 4 jours et celle sur 4.5 jours. Dès lors on peut se demander si finalement la remise à plat des rythmes scolaires ne risque pas de conduire l’éléphant à la mise au monde d’une souris…
De nombreuses études Testu (2008), Montagner et Montagner (1996) montrent que non seulement la disponibilité cognitive des élèves dépend du moment de la journée mais qu’elle varie également tout au long de la semaine. Dans cette optique, la semaine de 4.5 jours provoquerait moins de fatigue chez l’élève car plus respectueuse de son rythme chronobiologique. Mais si l’on examine de plus près les raisons de cette fatigue accrue des écoliers fonctionnant sur un rythme de 4 jours, on s’aperçoit que c’est le coucher tardif du mardi soir et du week-end qui retarde leur horloge biologique. On mettrait donc en place l’école le mercredi pour obliger les parents à coucher leur progéniture plus tôt…
On peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’un dispositif d’une telle ampleur comme simple levier éducatif à l’intention des parents.
L’argument de la piètre réussite scolaire des élèves face à nos cousins européens est également invoqué pour justifier l’adoption d’un nouveau rythme de classe. Devolvé et Jeunier (1999) et Devolvé et Davila (1994) ne notent aucun impact d’une organisation scolaire plutôt qu’une autre sur la réussite des élèves à l’école primaire (seule l’organisation en 4 jours de 6h30, depuis longtemps abandonnée, semble pénaliser les élèves et ce uniquement à partir du mois de juin…).
De plus, Leconte (2009) rappelle que les rythmes scolaires ne peuvent à eux seuls impacter la réussite des élèves et que d’autres facteurs seraient à considérer de plus prêt, telle que la motivation.
Il semble en effet curieux, lorsque l’on recherche une plus grande efficience des élèves de ne pas se pencher sur les travaux sur le sentiment d’efficacité personnel (Bandura, 1997), ou encore sur ceux concernant la mémoire encyclopédique (Lieury, 2004) qui constituent, eux, des leviers important sur la réussite scolaire des élèves.
En définitive, il ne s’agit peut être pas tant de reconsidérer les rythmes scolaires mais plus généralement les rythmes de vie des enfants, le temps scolaire n’en étant qu’une composante (20% de leur temps hebdomadaire). Repenser les rythmes scolaires peut être une piste de travail intéressante pour la communauté éducative mais elle ne doit en aucun cas focaliser toutes les attentions ni tous les moyens au risque d’être fortement déçu par les fruits que cela portera.
Julien Masson
Professeur des écoles
Chercheur associé Laboratoire de Psychologie des acquisitions et des interactions en contexte – PACO – EA 4431. Université Paris Ouest Nanterre La Défense.
Testu François. Rythmes de vie et rythmes scolaires : aspects chronobiologiques et chronopsychologiques. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2008
Claire Leconte, Testu François. Rythmes de vie et rythmes scolaires : aspects chronobiologiques et chronopsychologiques, Revue française de pédagogie [En ligne], 166 | janvier-mars 2009, mis en ligne le 04 octobre 2010, consulté le 28 janvier 2013. URL : http://rfp.revues.org/1337
Devolvé, Nicole et Jeunier, Benoît , Effets de la durée du week-end sur l’état cognitif de l’élève en classe au cours du lundi, Revue française de pédagogie, n° 126, janvier 1999
Devolvé, Nicole et Davila, W., Effets de la semaine de classe de quatre jours sur l’élève. Les rythmes scolaires en Europe, Enfance, n° 5, 1994
Bandura Albert, Self-efficacy : the exercise of control. New York : Freeman, 1997
Lieury, Alain, Mémoire et réussite scolaire, 3ème édition, Dunod, 2004
Montagner, Hubert, Montagner Erwan, En finir avec l’échec à l’école : l’enfant : ses compétences et ses rythmes, Paris, Bayard Editions, 1996
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