De quel coté penche la balance ? La mobilisation pour les banlieues était bien le thème du « Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté » qui s’est tenu le 26 octobre aux Mureaux. En traversant le périphérique pour une banlieue populaire, le premier ministre voulait marquer la volonté gouvernementale de lutter contre les inégalités sociales. Mais il l’a fait en affichant aussi sa « fermeté républicaine ». Ainsi il associe la lutte contre la « radicalisation » à un dispositif social selon une formule qui signe son gouvernement. Les mesures éducatives prises aux Mureaux sont-elles si sociales qu’elles en ont l’air ?
Pour l’éducation, la principale mesure c’est l’établissement de secteurs multi collèges. « Pour améliorer à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements », dit le communiqué du CIEC, « le code de l’Éducation prévoit dorénavant que « lorsque cela favorise la mixité sociale, un même secteur de recrutement peut être partagé par plusieurs collèges publics situés à l’intérieur d’un même périmètre de transports urbains ». La définition de secteurs communs à plusieurs collèges, avec les collectivités territoriales volontaires, peut permettre une véritable avancée en globalisant la répartition d’un ensemble d’élèves entre plusieurs collèges ». Le gouvernement envisage le déploiement de cette mesure dans 10 « territoires pilotes » à la rentrée 2016. La mesure peut permettre de réduire la ségrégation scolaire en affectant les élèves de façon plus équilibrée entre les collèges.
Marque-t-elle vraiment une volonté ministérielle forte de lute contre les inégalités ? Ce n’est pas l’avis du sociologue Choukri Ben Ayed. Le 7 octobre, évoquant cette mesure, il nous disait : « L’Etat se contente de déléguer ses responsabilités au niveau local sans se soucier de la façon dont le local s’approprie ces politiques. En dépit du discours national, c’est uniquement le local qui est concerné. Le national se décharge sur le local et prescrit peu de choses sur les dispositifs. On a un transfert de compétences dans un cadre flou avec un texte qui fait référence à la bonne volonté locale. Il oriente peu les acteurs qui sont assez dépourvus pour appréhender leurs responsabilités. De fait appliquer la réforme appartient au conseil départemental. Le recteur n’a pas les moyens de faire appliquer le décret ».
La seconde mesure concerne un « parcours d’excellence » vers le supérieur pour les collégiens Rep. » Des parcours d’excellence vers l’enseignement supérieur seront mis en place pour les collégiens de Réseau d’éducation prioritaire (REP+) et les lycéens professionnels. Sur la base de l’expérience réussie du dispositif PEI (Programme d’études intégrées) initié par Sciences Po Lille et porté maintenant par le réseau des Instituts d’études politiques (IEP), un cahier des charges national sera établi pour permettre la mise en place, d’ici la rentrée 2017 et dans les 350 collèges REP+, de parcours d’excellence conduisant des collégiens de 3e volontaires à préparer leurs poursuites d’études et l’accès à l’enseignement supérieur ». Le CIEC annonce la nomination d’un délégué ministériel aux parcours d’excellence chargé de faire appliquer cette orientation en lien avec les établissements scolaires, les établissements d’enseignement supérieur, les grandes associations partenaires du ministère, les collectivités territoriales, ou encore les branches professionnelles.
On retrouve là l’idée des élèves méritants qui pourraient obtenir un droit d’accès aux filières élitistes. Le programme de Sciences Po ne s’est pourtant pas traduit par une réelle ouverture sociale réelle du recrutement de cette institution. Et cette idée d’extraire les meilleurs pour les porter vers l’excellence rappelle étrangement la politique d’un gouvernement précédent dont le souci social était des plus limité.
Surtout elle ne doit pas faire paravent au défi réel des Rep+. Pour le ministère, la réalité des Rep+ devrait être que les élèves aient des enseignants formés devant eux dans des classes suffisamment peu chargées pour que le travail scolaire soit réellement fait par tous. Aujourd’hui ce n’est toujours pas le cas et les inégalités de l’offre éducative nationale restent criantes.
Les mesures prises par le gouvernement en faveur de l’éducation prioritaire vont dans le bon sens qu’il s’agisse des horaires aménagés des enseignants pour permettre le travail en équipe et la formation ou de la revalorisation des enseignants. Ce sont des mesures dont la crédibilité va dépendre des moyens qui y sont mis et de la volonté gouvernementale de les faire appliquer. Il faudrait oser les renforcer pour assurer le droit à tous les enfants à une égalité devant l’éducation. Ce n’est pas exactement le discours des Mureaux…
François Jarraud
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