Etude Harris Interactive pour l’Assemblée Nationale, la Fondation pour l’innovation politique et la Fondation Jean Jaurès
Enquête réalisée en ligne du 6 au 11 mars 2015. Echantillon de 2 000 personnes, représentatif de la population française âgée d’au moins 15 ans, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région d’habitation de l’interviewé(e).
Paris, le 19 mars 2015 – Suite aux attentats qui ont touché la France en janvier dernier, notamment le journal satirique Charlie Hebdo, et dans un contexte politique durablement marqué par un éloignement des Français de la « chose publique » et la perception d’une individualisation croissante de la société, le Président de la République a demandé au Parlement de mener une réflexion sur les moyens de promouvoir l’engagement citoyen. Dans ce contexte, le Président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone, a confié une mission à la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et la Fondation Jean Jaurès, comprenant la réalisation d’un dispositif d’étude en deux volets1 par Harris Interactive, visant à explorer notamment la relation des Français à la notion d’engagement citoyen, le sens qu’elle peut encore incarner à leurs yeux, ainsi que le dialogue qu’elle entretient avec l’idée d’appartenance à la République.
Que retenir de cette première enquête ?
- 9 Français sur 10 indiquent avoir le sentiment d’appartenir à la République française, même si seul un sur deux (56%) partage « tout à fait » cette opinion. Cette appartenance se définit à leurs yeux avant tout par le respect de trois piliers de la société : la loi, les valeurs de la devise républicaine – liberté, égalité et fraternité -, ainsi que les Droits de l’Homme et les libertés essentielles (individuelles, de conscience, de presse, d’association de réunion, etc.). Plus de 9 sur 10 soulignent également la nécessité de maîtriser la langue et la culture françaises, de respecter la laïcité et d’avoir envie de « vivre ensemble ». Néanmoins, 10% des citoyens déclarent ne pas ressentir cet attachement, proportion encore plus importante parmi les catégories les plus modestes (20% parmi les personnes vivant au sein d’un ménage disposant d’un revenu net mensuel inférieur à 1 000 euros) et les individus se reconnaissant moins dans la représentation politique (19% parmi les personnes indiquant ne se sentir proches d’aucune formation politique).
Reste que « faire partie de la République » se définit également, pour un Français sur deux, par le fait d’être « né en France ». Et que si ce modèle ne s’est pas construit sur ces bases, il s’agit aujourd’hui d’une définition délivrée par les Français à considérer, notamment par ceux appartenant aux catégories populaires (56%), peu ou pas diplômés (61%), résidant en zone rurale (57%) et se sentant proches de l’UMP (59%) et surtout du FN (82%). - Tout comme leur propension à se déclarer pessimistes pour l’avenir de la société mais optimistes pour leur propre futur, seule une minorité de Français trouve que leurs compatriotes peuvent se définir comme engagés (40%) alors qu’ils sont 67% à se définir eux-mêmes comme tels. Cette tendance majoritaire à se considérer comme une personne engagée apparaît par ailleurs dans le portrait-type que les Français dressent d’une telle personne. Ce portrait repose avant tout sur les deux piliers de la citoyenneté et du dynamisme : cette personne vote (94%) et s’engage avec enthousiasme (87%). En outre, les parents considèrent plus particulièrement qu’une personne engagée doit avoir des enfants (83% contre 73% pour l’ensemble des Français), les urbains qu’elle habite en ville (82% parmi les Franciliens, contre 71% en moyenne), les catégories populaires qu’elle est modeste (66% contre 62%), les plus jeunes qu’elle est peu âgée (74% des 15-24 ans, contre 52% en moyenne), ou encore les plus diplômés qu’elle est très diplômée (67% des Français ayant un diplôme supérieur à Bac +2, contre 50%). Relevons que les Français se définissant comme les plus distants de la République se considèrent très majoritairement comme peu ou pas engagés (84%, contre 32% parmi l’ensemble de la population), indiquant une forme de corrélation entre ces deux dimensions.
- Interrogés sur les conséquences de l’engagement citoyen, les Français soulignent le caractère altruiste de ce comportement, permettant avant tout de rencontrer des gens (94% des Français indiquent partager cette opinion), de contribuer au lien social et au sentiment d’appartenance (90%) et plus généralement à construire une société plus solidaire (88%). Au-delà des bénéfices plus « individuels » que les citoyens peuvent retirer de cette attitude (développement de compétences, épanouissement, voire « bonne conscience »), l’ouverture vers l’autre se trouve en effet au cœur de la définition même que les Français donnent à l’engagement qui, après la notion d’action (62%), apparaît comme proche des thèmes du partage (44%), du rassemblement (37%) et de l’aide (37%).
- Cependant, notons que les actions que les Français considèrent le plus comme un engagement, et qu’ils adoptent, apparaissent plutôt comme des actions menées à un niveau individuel ou dans un cercle ou avec un objet restreints : voter, trier ses déchets, s’occuper de proches en difficulté, privilégier l’économie locale… En revanche, les formes d’engagement collectives « traditionnelles » figurent parmi les attitudes qui correspondent le moins à l’idée d’engagement que portent et qu’adoptent les Français aujourd’hui, à savoir adhérer à un parti politique ou à un syndicat. Etre bénévole dans une association relève davantage du champ de l’engagement pour les Français mais dans une proportion toutefois moindre que les actions individuelles précitées.
- Dans une société souvent décrite comme individualiste, l’engagement apparaît « indispensable » aux yeux de 79% des Français, et même « d’actualité » pour près de 9 sur 10 (89%). Cette actualité s’avère d’autant plus présente que des millions de citoyens se sont réunis partout en France il y a deux mois dans les longs cortèges rendant hommage aux victimes des attentats. Ces mobilisations républicaines sont considérées comme une forme d’engagement citoyen par plus des trois quarts des Français (76%). Bien que pour 75% d’entre eux il s’agissait alors avant tout d’un moment d’émotion ponctuel, plus de la moitié des citoyens indique avoir ressenti depuis lors une envie de s’engager (53%). Nuançons néanmoins cet élan par le fait que seuls 16% déclarent avoir « tout à fait » envie de s’engager suite à ces événements et que davantage de Français mentionnent avoir ressenti le besoin de se tourner vers leurs proches (66%, dont 23% tout à fait).
Si l’idée de la République apparait fédératrice, on peut voir quelques tensions apparaitre : seuls 56% déclarent avoir « tout à fait » le sentiment d’appartenir à la République, un Français sur deux place au même niveau nationalité française et appartenance à la République. Derrière ces chiffres, deux attitudes semblent se dégager : une développée par les personnes issues des catégories supérieures, plutôt âgées, plutôt urbaines portant positivement la République. Une autre, en miroir inversée, plus distante.
L’engagement en découle naturellement. Le lien intime entre regard à l’égard de la République et attitude à l’égard des autres se forme. Et l’on voit ainsi que si les marches du 11 janvier ont été marquées par l’émotion, elles ont naturellement permis la réaffirmation de la valeur de l’engagement sans nécessairement mobiliser nettement de nouvelles franges de population.
Remarquons, enfin, que l’engagement est assez désidéologisé. On s’engage pour des actions qui apparaissent concrètes et dont le but personnel comme la mission collective peuvent s’appréhender comme un projet tangible. Ce qui n’empêche pas les valeurs portées par l’engagement d’être absentes. En France, pays dont les Français continuent d’espérer qu’il puisse jouer un rôle majeur et d’exemplarité internationale, on peut tout aussi bien considérer l’engagement comme une action en faveur des Droits de l’Homme que du soutien scolaire. Deux registres d’action en faveur de la grandeur de la France et de son avenir dont le but apparait clairement appropriable.
1Le premier étant ici proposé, le second à l’issue des auditions réalisées par les deux fondations.
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