Comment se passe la mise en oeuvre de nouveaux programmes ? Comment les enseignants vivent-ils le passage en Rep + ? Au coeur du quartier populaire de la Goutte d’Or, l’école maternelle de la rue Emile Duployé accueille tous ces bouleversements avec sérénité. Les enseignantes se préparent ensemble à accueillir le changement avec curiosité mais aussi recul. Celui que l’on peut avoir quand la confiance est là.
Personne n’évoquera le fait de rentrer un 31 août. Autour de la table, six jeunes enseignantes déjà regroupées par niveau, un collègue moins jeune, 6 ATSEM (agent territorial de maternelle) et la directrice, Véronique Vinas. Chacun a déjà réinvesti les murs de sa classe bien avant la réunion. L’école maternelle de la rue Emile Duployé est nichée entre des logements sociaux dans un quartier populaire parisien. Elle accueille près de 150 enfants dans 7 classes. Le bâtiment est moderne, coloré et il y a de l’espace avec un gymnase, des salles de motricité, une bibliothèque. Il y a même un jardin « fédérateur » car les petits jardiniers se passent les consignes de la main verte.
Une bonne partie de la réunion de rentrée est utilisée pour organiser l’année. On revient sur des points de sécurité ou de fonctionnement. On se partage les services de cours. On échange sur les maladies des enfants. On fixe le calendrier de l’année.
Accueillir les nouveaux programmes
Mais la rentrée sert aussi à échanger sur les nouveaux programmes. Quand aura-t-on une version imprimée demande une enseignante ? La directrice rappelle le courrier envoyé par la ministre et mentionne les documents d’accompagnement qui viennent d’être publiés sur Eduscol. Ceux-là ne sont pas passés inaperçus mais on les voudrait aussi imprimés. L’annonce d’un livret numérique fait un flop. On souligne tout ce qui manque dans les documents publiés. Et on revient au concret. Avec les nouveaux programmes il va falloir revoir les livrets d’évaluation.
Il y a du bon dans ces nouveaux programmes , estime la directrice, Véronique Vinas. Pour elle c’est l’occasion de revenir sur des pratiques perdues depuis 2008. « Ils rendent à l »enfant et aux apprentissages entre pairs une place perdue », explique-t-elle. « Les pratiques d’expression, les arts, ont été réduits ces dernières années par l’obsession de produire du travail scolaire ». C’est la « primarisation » de l’école maternelle qu’elle lit encore dans la disposition du matériel scolaire dans les salles de classe. Pourtant l’école est déjà bien ouverte sur les pratiques culturelles. « Les enseignants se saisissent volontiers des opportunités », explique V Vinas. Autour de la table, les enseignants échangent sur les mérites comparés des bibliothèques du quartier. Il est question de sorties au musée, à l’opéra et d’un voyage de toute l’école au château de Versailles.
Jeudis libres en Rep+
L’autre nouveauté de la rentrée c’est la mise en place des REP, les nouveaux réseaux d’éducation prioritaire. L’école maternelle est REP+, la catégorie la plus soutenue, et elle a préfiguré le nouveau dispositif l’année dernière. Cette année les enseignants touchent une nouvelle indemnité et bénéficient de 18 demi-journées pour du travail d’équipe et de 3 journées de formation. 4 ZIL (remplaçants) sont affectés à l’école pour remplacer les enseignants sur leur demi-journée libérée.
Le temps de formation suscite des réactions. Les formations proposées l’an dernier n’ont pas laissé de bons souvenirs. « On va passer à la trappe », craint une enseignante à la lecture de l’énoncé d’une formation. M@gister, le service de formation à distance, n’a pas bonne presse. Dans l’école, beaucoup de formations ont été commencées puis abandonnées en cours de route car jugées incomplètes ou médiocres. « Ca pourrait peut-être aller en formation initiale mais pas en formation continue ».
Restent les 18 demi journées. « Ce temps là reconnait du travail qui était déjà fait par les enseignants mais bénévolement « , explique V Vinas. Ce temps offert sert à monter des projets d’équipe, souvent par niveau. L’école est aussi très investie dans la relation avec les parents. Un café des parents fonctionne dans l’école ainsi qu’un « atelier socio-linguistique » qui aide les parents les plus éloignés de l’école à en comprendre les règles et les attentes. On y apprend par exemple comment utiliser les albums que les enfants ramènent à la maison quand on ne sait pas lire le français. Le temps libéré sert aussi aux échanges avec le Rased bien installé dans l’école. Ou encore à préparer des travaux en commun avec l’école élémentaire du quartier en grande section.
Force tranquille rue Duployé
Toutes ces nouveautés sont accueillies avec beaucoup de calme. Les enseignants sont sereins. C’est « force tranquille » rue Emile Duployé. La recette de ce bien être ? La stabilité. Enseignants et Atsem ne bougent pas. Presque tous sont là depuis l’ouverture de l’école il y a 6 ans. « On travaille ensemble depuis toutes ces années. Il y a un esprit d’équipe qui donne envie de rester », explique Florence une enseignante de petite section. Les couples enseignante – Atsem sont reconduits. Ainsi la stabilité gagne les activités périscolaires qui sont confiées aux Atsem. « Pour les enfants c’est moins dérangeant et les Atsem connaissent les règles de l’école », explique Florence. Le périscolaire prolonge d’autant mieux le temps scolaire que l’école a suffisamment de locaux pour que les uns n’empiètent pas chez les autres. La stabilité alimente aussi la confiance des parents. Du coup, la composition des classes est un peu plus socialement hétérogène que prévue. Rue Emile Duployé le rentrée c’est zéro problème.
François Jarraud
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