Compte-rendu d’une rechercheCompte-rendu Rencontre mensuelle du 11 Mai 2005-05-22 avec Véronique Bordes
qui présente l’une de ses recherches menée avec Alain Vulbeau « L’Alternative Jeunesse »*
Pour commencer, il faut préciser que Véronique Bordes est doctorante en sciences de l’éducation à Paris 10 Nanterre et qu’elle travaille sur les relations entre les jeunes et les institutions locales. Dans ce cadre, elle réalise une approche pluridisciplinaire : sociologie, ethnographie etc…
La recherche présentée s’interroge sur la vie des jeunes dans la ville.
Pour ce faire, le lieu ressource Profession Banlieue (Saint-Denis) a réuni un groupe composé de jeunes habitant la Seine Saint Denis se révélant tous élus dans des conseils locaux de jeunes, issus de l’immigration et habitant dans les grands ensembles, des élus, des représentants d’institutions comme la SNCF, la DIV et le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative et deux chercheurs, Alain Vulbeau et Véronique Bordes se positionnant en écrivain public..
Le groupe s’est réuni quatre fois. Après avoir retranscrit les propos, les chercheurs se rendent compte que les filles s’expriment peu alors que les garçons semblent monopoliser la parole. Pour parer à ces faiblesses, ils vont constituer un groupe « spécial filles ».
Quels sont les grands thèmes qui dominent les discussions ?
On se rend compte que la question de la discrimination revient sans cesse. Il parait intéressant de noter ici que tous les jeunes participant à ces réunions, ont tous fait des études et ont suivi un cursus universitaire.
Au cours des discussions, il ressort que les jeunes restent toute leur enfance et leur adolescence entre eux, c’est un « entre soi adolescent ». Notons que cet entre soi est à la fois difficile et souhaité. En effet, ils se retrouvent entre eux au niveau du primaire, du collège, ils ne s’autorisent pas à sortir du quartier.
Nous constatons également que les filles, contrairement aux garçons sortent très vite du quartier. Le problème de l’orientation est aussi mentionné et vu comme une dévalorisation de la part des jeunes eux-mêmes. Dans une même optique, ils expliquent que plus ils sont diplômés, plus le diplôme parait contre-productif. Certains enseignants chercheurs constatent que certaines filles préparent des diplômes, mais ne se présentent pas à l’examen. On peut se demander pourquoi ?
Au niveau du territoire, comment ça se passe ?
Un exemple de la difficulté pour les jeunes de sortir d’un territoire de l’entre soi reste l’organisation des vacances durant lesquelles, souvent, les jeunes se retrouvent, même s’ils partent loin. Leur territoire semble donc se déplacer avec eux, ce sont « les couloirs du territoire ».
La question qui se pose également, notamment lorsque l’on se penche sur l’engagement des jeunes, c’est : comment les adultes laissent-ils une place aux jeunes ?
JG précise que les jeunes semblent trouver dans les conseils locaux un moyen de s’exprimer, d’exister. Nous pouvons dire que pour certains, et en particulier les filles, cet engagement est calculé alors que, pour d’autres, cela arrive par hasard.
JLP s’interroge alors sur le sous-bassement démographique de cette étude.
VB explique qu’il y avait environ 30 jeunes qui venaient régulièrement, mais ces derniers ne sont pas significatifs des jeunes du quartier. En tout cas, il apparaît que le conseil local de jeunes peut être un révélateur.
JLP et DB demandent à Véronique Bordes si elle a pu déceler un certain nombre de caractéristiques qui pourraient expliquer la « réussite » de ces jeunes.
Selon Véronique Bordes, les filles sont plus à la maison, « tenues » et doivent réussir. De même, les garçons qui font partis du groupe ont été assez tenus.
JLA précise les propos de Véronique Bordes, grâce à une étude qu’il a réalisée. En fait, en partant des discours de jeunes scolarisés au collège en ZEP et issus de l’immigration, il est revenu sur leurs parcours jusqu’à l’IUFM et s’est penché sur la vision qu’ils avaient de l’école.
Il se rend compte qu’il y en a 288 qui réussissent le concours sur 1500 dont 90% de maghrébins. Ces jeunes sont généralement de familles stables alors que pour les français, issus généralement de familles monoparentales
Leurs parents ont valorisé les résultats scolaires. Sinon, on peut noter que l’effet maître est très important. Ces derniers veulent complètement changer l’école, ils ont un regard d’exigence et accusent certains enseignants, proviseurs de laxistes. Ils rejettent les équipements de proximité et la sectorisation qui ne font que renforcer la stigmatisation.
JG pointe du doigt que ces jeunes ne demandent pas la mixité, au contraire. Si elle est réalisée, par exemple pour le jeunes qui vont à l’université à Paris en demandant une dérogation, nous pouvons voir que pour ces jeunes, il y a un véritable choc culturel, voire une incapacité qui peut conduire à l’échec.
FB précise que l’on dit beaucoup de chose sur la mixité sociale alors que les études montrent bien que ce n’est pas la solution.
La question qui se pose alors est celle de la mobilité. En effet, quelle est la mobilité pour les parents et pour les enfants ? Il y a un double coût, par exemple à aller étudier à paris, un coût financier et un coût symbolique.
JR note que la notion de ghetto des riches et de ghetto des pauvres ne choque plus et est en train de passer, c’est une avancée qui peut permettre de mettre en lumière un certain nombre de discriminations.
JLA met alors en évidence qu’il parait capital de faire attention à la reprise du discours et de bien justifier les mots que l’on utilise. Pour finir, il met en relief que les familles berbères ont une relation à l’école importante. En utilisant ces termes, il veut souligner que ces derniers mettent un espoir très important dans l’école.
« L’Alternative jeunesse » Publication dans la collection « Les savoirs de la ville » aux Editions de l’atelier,127 pages, mars 2004, 14 euros