PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Rencontre mensuelle de PRISME 10/11/2004
avec Jean-Louis AUDUC
à l’occasion de la sortie de son livre paru chez Nathan- Nov 2004

« Parents, ne restez pas sur le trottoir de l’école »

A/ Suite aux divers déplacements de PRISME en régions, les participants ont d’abord dialogué autour du rôle des régions dans le champ de l’éducation et de leurs relations avec les familles et surtout les élus locaux

– L’état des lieux

La plupart des régions rencontrées ont bien des difficultés à s’approprier le dossier Education essayant simplement d’appréhender celui de leur compétence scolaire.
Les aspects gestionnaires prennent le pas sur la possibilité d’utiliser leurs territoires comme un espace de conquête d’innovations en matière de politiques éducatives. Les régions apparaissent toujours comme des espaces de gestion du patrimoine et non d’initiatives sociales. Cette transformation est à construire et l’éducation peut constituer un levier important.

– L’aménagement du territoire

Si les collectivités territoriales considèrent l’établissement scolaire de type collège ou lycée comme pôle de développement d’un quartier, ce sont, pourtant, les maires qui ont la maîtrise du foncier : le réel pouvoir se trouve donc dans à travers la relation région/ville. L’équilibre entre région/département/commune est à trouver .
Si une commune ne souhaite pas qu’un GRETA puisse s’ouvrir elle peut ne pas trouver de terrain pour ce faire !

– Analyse de la maîtrise de l’espace

Les enjeux de la formation sont portés par le rôle qui est donné à l’organisation des espaces, d’accueil en particulier et à ceux dédiés à toutes les transitions.
Exemple : les lycées sont de la compétence de la région mais les trottoirs autour du lycée, tout comme les parkings autour de l’établissement sont de la compétence de la commune.

Et l’articulation espace scolaire/espace social renvoie aux familles
Les parents étant les usagers de l’école, leur entrée dans l’école constitue un élément de la essentiel démocratie. C’est pourquoi, JL Auduc les exhorte :Parents, ne restez pas sur le trottoir de l’école !

B/ Réflexion/échange sur les rapports entre l’Ecole et les familles

S’il est inutile de rappeler la fracture au niveau de la société globale ainsi que la rupture entre les parents initiés et les autres, il convient donc de renouer l’alliance parents/école pour conserver l’Ecole, comme lien social par excellence.
Comment? En retissant un niveau de connivences autour de l’école car :
– c’est un plus pour la réussite des enfants,
– c’est un plus pour le métier d’enseignant,
– il n’y a pas de parents démissionnaires.

Il n’y a pas aujourd’hui de consensus entre les parents et l’école car leur vision correspond à celle qu’ils avaient quand ils étaient eux-mêmes élèves. Une enquête du CEREQ révèle qu’en moyenne une mère d’un enfant de 6ème, âgée de 40 ans, possède le BEPC alors qu’aujourd’hui 50% d’une classe d’âge a un bac +2.

Il faut oser dire ce qu’on fait dans l’Ecole et la rendre visible pour les acteurs éducatifs, en premier pour les parents.

C/ De l’orientation comme explication du non dialogue

Pour 73% des familles la classe décisive, le nœud, est en 4ième car cette classe est leur référence en rapport avec leur propre scolarité.

Autre élément de réflexion : s’il y a 6% d’appel à la décision de redoublement à Paris, il y en a seulement 1,8% en banlieue. Il faut aussi savoir que dans les commissions d’appel un tiers seulement des appels sont favorables.
L’orientation préconisée par les professionnels n’est pas vécue comme une orientation partagée par les familles Il y a un discrédit de la parole de l’école et une non-croyance dans l’orientation donnée par l’institution..
De plus, on constate que les redoublants perdent en compétences dans la seconde année. On constate aussi que les redoublements en troisième représentent une partie importante de ceux qui n’ont pas eu leur choix d’orientation. Notons à ce propos que 50% des élèves n’ont pas leur premier vœu.
Le discrédit de la voie professionnelle vient du fait qu’il n’y a pas d’explications mais aussi du fait que à peine 50% des enfants ont leur premier choix dans leur affectation.

Dans la voir générale le même constat peut être fait ; il n’y a pas d’adaptation entre l’orientation voulue et l’affectation. Cela entraîne de l’amertume.

Au niveau de l’enseignement public, on ne tient pas un langage de vérité :perte de confiance. Dans le privé, les parents semblent moins démissionnaires, non parce qu’ils dépensent 10 euros/mois mais parce qu’on ne leur propose que les filières voisines de l’environnement immédiat.

En fin de collège, quand il est question de l’autonomie du jeune, l’école doit rendre le rôle de responsable aux parents. Mais quand on convoque les parents, il faut bien comprendre que le jeune est mal parce qu’on entre dans son espace privé. Tout comme notre monde ne sait pas gérer les conflits, notre Ecole ne sait pas gérer les moments de ruptures, ce qui constitue la genèse de bombes à retardement.

Rapport aux territoires

Il faut bien voir les relations parents/enseignants comme fonctionnant sur un même territoire et comprendre les relations parents/enseignants comme gestion d’un territoire commun géré par la commune, ce qui donne un sens au dialogue et à la médiation dans et hors de l’école et redéfinit le pouvoir de l’autorité locale.

Mais il faut bien considérer que la médiation est une position invivable, à cause de la segmentation de l’action publique. Quelle est la bonne échelle de territoire, de prise de décision qui convient dans le champ de l’éducation ?

il faudrait restructurer le système pour qu’il soit explicable ; si on ne parvient pas à expliquer, l’école va devenir de plus en plus ségrégative avec le soutien des classes populaires d’ailleurs.

Rapports avec les associations

Les associations de parents d’élèves, en crise actuellement, ne représentent pas un élément assez important du nécessaire dialogue parents/école.
Pour qu’elles puissent être en capacité d’interroger l’Ecole, il conviendrait que les associations représentatives de parents d’élèves:
– se dotent d’outils d’analyse et de visée prospective,
– appréhendent davantage la crise des jeunes par rapport aux incivilités, à la violence…
– pensent pas à former les parents au dialogue social (voir l’exemple de l’Irlande) et à resituer leur action d’usager de l’Ecole comme acteur social et non seulement comme parent d’élève

Les associations de parents d’élèves font de la fausse participation dans leur fonctionnement actuel ; les maires et l’école ont un rôle très important d’explicitation car ils ont la légitimité pour le faire ! Une école plus transparente redonnera du sens au mot démocratie.

Rapport à l’information

Pas besoin de grands intellectuels ( ce sont eux qui ont amené cet état de fait et qui ont intérêt à ce que les choses perdurent pour que leur minorité soit la seule à comprendre le fonctionnement de l’école), de grands chercheurs déconnectés du territoire.
Un modèle de ce qui pourrait améliorer le dialogue est l’émission « savoir plus santé » où l’explication de l’animateur est complétée par une personne reconnue par « son » terrain. Elle pourrait servir d’exemple pour faire comprendre l’Ecole ; (le dernier outil dans ce style ayant maintenant une dizaine d’années fut réalisé par Jean Roucou pour l’ONISEP en interministériel. On peut le faire et. le refaire !)

Rapport la langue

Cette crise est générale en Europe, spécialement dans les pays d’immigration, notamment à cause des questions de l’appropriation de la langue. Dans certains pays, les films à la télévision sont sous-titrés ce qui permet d’apprendre à lire très tôt (Finlande); on constate qu’en France, la programmation des chaînes télévisées n’a aucune visée éducative ; nous ne demandons pas une télévision pour bac+7 ou 8… !

Conclusion

Comme les changements n’ont pas été accompagnés par l’institution on voit s’ouvrir des structures privées de soutien scolaire et surtout se multiplier les discours sur la volonté du retour au passé (même sans référence à la réalité de cette époque !)

Il faut arriver à ce que les parents disent « notre école » et non d’une manière impersonnelle l’Ecole !
Nécessité de développer des espaces de dialogue dans l’Ecole entre professionnels, jeunes et familles sur des thèmes communs et non « faire la leçon » aux parents !

Nous sommes tous des coéducateurs qui peuvent développer un projet participatif donnant vie à un espace d’information/formation commun où chacun apprend de l’autre et reconnaît tous les savoirs . L’émancipation individuelle passe par la promotion collective et non par la juxtaposition des situations et le partenariat pour contourner la segmentation de l’action publique. Dans le meilleur des cas !

C’est probablement au moment de l’adolescence que bon nombre de difficultés importantes se font jour. C’est pourquoi les initiatives avec le collège doivent être prises. Et les conseils généraux inscrire la gestion des établissements dans le cadre du développement de politiques éducatives et sociales.

Au lycée professionnel notamment nécessité d’ouvrir une négociation pour que les parents soient acteurs du devenir de leurs enfants. Une définition de l’utilité sociale du parent doit se développer en parallèle du discours sur l’autonomie du jeune et de…l’établissement. Et alors la question qui se pose : comment gérer la présence des parents en un lieu où bon nombre des élèves sont majeurs ? Quel est le rapport entre autonomie de l’établissement, pédagogie sociale et rapport d’autorité des enseignants ?

Savez-vous que cette question fondamentale n’est pas dans le projet de loi Fillon ?

Rédaction par Jean sur la base des prises de notes de Delphine et Françoise

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