Cet article de Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen-CFDT, conclut le dossier « La guerre du collège n’aura pas lieu », paru dans le mensuel Profession Éducation n° 240 (octobre 2015).
Dans l’enseignement secondaire, chaque re?forme est l’occasion de rejouer la bataille opposant « pe?dagos » et « de?fenseurs des disciplines ». Aux premiers, on attribue le ro?le de « bricoleurs inconscients » qui mettent en pe?ril la valeur des enseignements et la culture nationale, quand les autres se drapent dans les habits de protecteurs des humanite?s, des langues vivantes, et de la rigueur acade?mique. Et comme en France nous adorons rejouer la querelle des anciens et des modernes, il se trouve toujours quelque intellectuel pour alimenter la dispute et lui donner un vernis culturel. Le proble?me est que cette fac?on de poser le de?bat ne sert qu’a? occulter le ve?ritable enjeu de la re?forme du colle?ge, et le vrai clivage politique qui se?pare les uns des autres.
L’enjeu de la re?forme du colle?ge, comme de toute re?forme scolaire, ne re?side pas dans l’e?nonce? de ce qu’on pre?tend enseigner, mais dans la re?alite? de ce qui est re?ellement acquis par les e?le?ves. L’E?cole doit abandonner sa culture de l’indicateur chiffre? : ce n’est pas le nombre des items d’un programme scolaire, ni le volume des horaires disciplinaires qui font la qualite? de l’enseignement. La qualite? de la relation pe?dagogique, voila? ce qu’il faut « mettre au centre », et cela suppose de donner le maximum de marges de manœuvre aux e?quipes e?ducatives. Celles-ci disposent en effet de la connaissance des e?le?ves et de leur milieu, ainsi que du meilleur savoir-faire pour concevoir et choisir les innovations pertinentes. Le choix que soutient le Sgen-CFDT, c’est donc de mettre l’organisation de la scolarite? au service du projet e?ducatif, et non l’inverse. C’est aussi de donner aux e?quipes e?ducatives la capacite? de de?terminer l’organisation des enseignements et de choisir les contenus. C’est enfin de de?terminer collectivement la politique e?ducative mene?e dans leur e?tablissement, dans des instances (conseil d’administration et conseil pe?dagogique) re?nove?es pour e?tre enfin re?ellement colle?giales et de?mocratiques. Une mutation qui n’est encore qu’initie?e, parce qu’elle demande un changement re?el de la culture de l’institution soclaire.
Mais le de?bat sur la re?forme du colle?ge rece?le aussi un vrai clivage politique. A? co?te? de ceux qui fustigent des innovations pe?dagogiques, les tenants de la re?action scolaire la plus brutale sont a? la manœuvre. Ce qu’ils proposent est bien d’abandonner l’ambition du colle?ge unique pour revenir a? un colle?ge se?gre?gatif, qui distingue les e?le?ves « me?ritants » a? qui on donne toujours plus de moyens, de ceux qui doivent borner leurs espe?rances parce que leur milieu social d’origine n’est pas « porteur ». Veut-on multiplier les options a? l’acce?s toujours socialement diffe?rencie?, ou bien accroitre les moyens offerts a? tous ? Veut-on un enseignement uniforme parce que conc?u pour un e?le?ve ide?al, qui ressemble toujours beaucoup a? l’e?le?ve issu des milieux favorise?s, ou diversifie? parce qu’adapte? aux e?le?ves re?els, ceux que la Re?publique nous demande de former et d’e?duquer ? Veut-on suivre une logique de tri en se contentant d’une obligation de moyens, ou une logique de formation en s’imposant une obligation de re?sultat ? Comme souvent, savoir poser les bonnes questions, c’est aussi savoir y re?pondre.
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