Que « perd » une école qui sort de ZEP ?
Pour une fois que l’éducation prioritaire fait l’objet de débats, presque quotidiens, dans la presse, on devrait se réjouir. Mais ces débats ne portent pas sur la mise en œuvre et les conditions de réussite d’une éducation prioritaire refondée et atteignant enfin ses objectifs ! Ils sont déclenchés par les protestations contre les « sorties de ZEP ».
Ces protestations sont centrées sur le nombre d’élèves par classe, avancent que celui-ci devrait connaître une augmentation catastrophique et oublient le plus souvent ce qui est l’essentiel de l’éducation prioritaire refondée.
Le nombre d’élèves par classe :
1 – L’écart entre les REP et les autres écoles est de deux élèves par classe (entre 3 et 4 pour les REP+). Donc les alarmes prédisant un passage de 22 à 30 élèves par classe dans les écoles sont sans fondement.
2 – Mais surtout, l’attribution des moyens « proportionnelle à la difficulté sociale » supprimera les effets de seuil entre écoles selon qu’elles font partie ou non de l’éducation prioritaire. La ministre vient d’annoncer qu’elle s’appliquerait dès Janvier 2015 avec effet à la rentrée de septembre.
Alors certains demandent : Si « sortir de l’EP, ça ne va rien changer », pourquoi les faire sortir ?
Que perd donc une école qui n’est pas reconduite dans le nouveau dispositif de l’éducation prioritaire refondée ?
L’éducation prioritaire refondée n’est plus dans la logique du « donner plus à ceux qui ont moins » mais dans la logique « de faire plus et mieux pour ceux qui sont menacés par la relégation sociale ». Les moyens de l’éducation prioritaire ne sont pas d’abord destinés à faire baisser le nombre d’élèves par classe mais à permettre la prise en charge de tous les élèves par une évolution des pratiques professionnelles, un accompagnement et une formation continue.
Au cœur de l’éducation prioritaire, les REP+ (350 à la rentrée prochaine), des moyens spécifiques sont affectés à ces objectifs : 4 professeurs référents par réseau, un coordonnateur, du temps pour le travail en commun et la formation continue, un accompagnement dense.
Les REP ordinaires (près de 750) se caractérisent par le fonctionnement en réseau écoles-collège, avec un projet de réseau, des partenariats dans le cadre de la politique de la Ville, l’extension progressive du dispositif « plus de maîtres que de classes », un coordonnateur d’éducation prioritaire et un pilotage renouvelé.
Voilà donc ce que perd une école qui n’est pas reconduite dans le nouveau dispositif de l’éducation prioritaire refondée. Ce n’est pas ce qui a motivé les protestations.
Rappelons aussi que la présence de nombreux enfants des classes populaires n’est pas une anomalie et que l’école de la République doit aussi pouvoir les faire réussir.
Alors, puisqu’il ne s’agit pas de concentrer les moyens budgétaires comme les medias le rapportent à tort, pourquoi des sorties du dispositif ? Parce que les ressources les plus rares, ce sont les ressources en ingénierie de formation, les pilotes, les formateurs, les collègues capables d’accompagner l’évolution de la culture professionnelle et des pratiques pédagogiques, de la vie des établissements et de leurs relations au milieu environnant et aux familles.
Alors, débattons de ces évolutions et de la mise en œuvre effective de la nouvelle éducation prioritaire ! Ce n’est pas gagné d’avance !
Tribune libre de François-Régis Guillaume
membre du Bureau de l’OZP