In La Gazette – le 26 juin 2014 :
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Inégalités territoriales, services sous-dotés, formations inégales, statistiques inexistantes… L’état des lieux dressé par la mission d’information du Sénat sur la protection de l’enfance révèle un nombre importants de carences et émet des préconisations pour redresser la barre. Une proposition de loi sera déposée pendant l’été.
« La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance est une bonne loi » s’empressent de souligner les sénatrices Muguette Dini (UDI-UC) et Michelle Meunier (PS) en préambule de la présentation de leur rapport le 25 juin 2014. Un rapport qui décrit un assez grand écart entre l’esprit de la loi et le principe de réalité.
Créée en décembre 2013 par la commission des affaires sociales du Sénat, la mission d’information sur la protection de l’enfance était chargée d’étudier la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et de formuler des propositions d’amélioration du dispositif actuel.
Pratiques hétérogènes – La batterie d’auditions réalisée en début d’année a permis en premier lieu de relever « d’importantes disparités territoriales » dans la mise en œuvre de la loi. En cause, une coopération entre les acteurs jugée insuffisante, accompagnée, en prime, d’un fonctionnement cloisonné des services qui grèvent l’efficacité des dispositifs. L’affaire Marina avait tragiquement illustré en 2009 le manque de dialogue et de coopérations entre institutions.
Pour homogénéiser ces « pratiques disparates », le rapport préconise la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), interface de coordination, d’évaluation et d’orientation entre Etat et collectivités.
En outre, relève Muguette Dini, « nous avons découvert que des outils identiques existent sous plusieurs appellations différentes selon les départements ». De quoi brouiller largement la collecte des données… Or, là aussi il y a insuffisance, voire réel dysfonctionnement. Et la sénatrice de pointer ce problème de gouvernance, la quasi absence de chiffres : « C’est le plus terrible, tempête-t-elle, nous n’avons pas de statistiques ! »
Afin de progresser dans la connaissance, « très parcellaire », de la population des enfants protégés, la mission préconise d’améliorer le dispositif de remontées des données départementales à l’Observatoire national de l’enfance en danger (Oned), sans toutefois donner plus de précisions.
Carence de médecins – Pierre angulaire de la protection de l’enfance, la prévention souffre d’une « insuffisance de moyens attribués à la protection maternelle infantile (PMI) et à la santé scolaire». En premier lieu, insiste Muguette Dini, « il faut remotiver les médecins à participer à la PMI, car les départements témoignent de carences de médecins, afin de pouvoir s’appuyer sur un médecin de PMI référent ». Elle plaide en outre pour une meilleure protection juridique des médecins : « Aujourd’hui, un médecin peut être poursuivi par la famille en cas de signalement ».
D’autre part, font valoir les sénatrices, « aucun mécanisme d’alerte ou d’outil statistique ne permet aux services d’urgence des hôpitaux de détecter un nombre anormalement élevé de visites d’un enfant. »
Le mécanisme de repérage des situations de danger introduit dans la loi de 2007 et piloté par les cellules départementales est toutefois salué par la mission… qui note des améliorations possibles comme le renforcement de la participation du secteur sanitaire.
Au niveau de la prise en charge, si la mission reconnait une progression avec la loi de 2007, l’outil d’accompagnement et de prise en charge, appelé « projet enfant » est très en deçà de son homologue québécois : « Le ‘projet enfant’ est très insuffisant, presque une coquille vide, avance Michelle Meunier, alors qu’au Québec, il s’agit d’un réel outil d’accompagnement, de prise en charge et de soutien au développement de l’enfant. »
Une proposition de loi à la rentrée – Enfin, les préconisations concernant la sécurisation du parcours des enfants suivent les propositions du rapport d’Adeline Gouttenoire rendu le 11 avril 2014, notamment sur leur préparation à la sortie du dispositif lorsqu’ils atteignent la majorité.
Les sénatrices proposent en outre une réflexion sur l’intervention des travailleurs sociaux pendant les week-end : « alors même que les services sociaux sont fermés le week-end, les enfants qui rentrent dans leur famille biologique pendant ce temps peuvent subir des maltraitances, pour lesquelles ils ont été retirés. » Une des pistes envisagées serait d’organiser des visites surprises le week-end, « ce qui n’existe pas aujourd’hui » regrette Muguette Dini
Selon les sénatrices, les préconisations du rapport nourriront une proposition de loi qui sera présentée pendant l’été. « L’inscription à l’ordre du jour est d’ores et déjà acquis car cette proposition de loi est très attendue par la secrétaire d’Etat à la Famille (Laurence Rossignol, ndlr) » se réjouissent, confiantes, Muguette Dini et Michelle Meunier.