1ère proposition : abandonner la terminologie Rythmes scolaires (et même rythmes éducatifs).
Argumentaire : Ce terme n’existe dans aucun document officiel, même dans le plus récent, à savoir la circulaire N°2008-082 du 5-6-2008, il y est question de « l’aménagement du temps scolaire » et plus particulièrement de l’organisation du temps d’enseignement scolaire et de l’aide personnalisée, dans le premier degré. Pour être honnête, il apparaît dans l’annexe au projet de loi de finance, pour les projets annuels de performance, concernant l’enseignement scolaire, en 2011, dans lequel il est dit : « S’ouvre également le grand chantier des rythmes scolaires. La conférence nationale dont le comité de pilotage a été ins-tallé en juin disposera de toute l’année pour consulter et élaborer des propositions adaptées aussi bien au système éducatif qu’à son inscription dans la société française. Parallèlement se mettra en place l’expérimentation « Cours le matin, sport l’après-midi » dans 124 établissements, 83 collèges et 41 lycées. Plusieurs classes de ces établissements bénéficieront d’un nouvel emploi du temps. ». Y tient-on vraiment ?
En fait, en 1976 le Professeur Thomazi reprenait les conclusions de Alain Reinberg, dans son ouvrage Les rythmes biologiques, qui disaient : « le temps scolaire quotidien ou annuel doit s’adapter aux rythmes biologiques et physiologiques de l’enfant ». Deux enquêtes successives furent alors adressées au Conseil Économique et Social, le premier ayant comme rapporteur le recteur Pierre Magnin, le second le professeur Émile Lévy. Le JO n°11 du 27 mars 1979, publie les avis et rapports adoptés par le CES, sous l’intitulé « Organisation des rythmes scolaires et aménagement général du temps ». C’est le professeur Lévy, médecin et donc sensibilisé aux rythmes biologiques, qui rapporte sur la séance du 14 mai 1980 (JO n° 9 du 3 juillet 1980) intitulée « les rythmes scolaires ». Pour information c’est ce rapport qui préconise un allongement de l’année scolaire de 35 à 36 semaines.
Néanmoins les avis rendus sont de souhaiter que soit tenu compte « de l’intérêt prioritaire de l’enfant, que la fatigue scolaire soit évitée et que les divers éléments de classe soient mieux équilibrés ou plutôt répartis de « manière harmonieuse » ».
Si je tenais à faire ce rappel c’est bien pour insister sur le fait que les « rythmes scolaires » ne s’intéressent qu’aux emplois du temps au sein de l’école, est-ce cela que l’on veut encore aujourd’hui ?
En revanche la loi d’orientation du 14 juillet 1989 rappelle que « l’organisation du temps scolaire comporte des insuffisances persistantes ». Elle souligne que « la modernisation du système éducatif français passe par une politique du temps scolaire qui respecte les besoins des enfants et des adolescents tout en étant attentive aux intérêts légitimes du personnel, des familles, des collectivités locales et de la vie économique ».
Enfin puisque sur le site de la concertation a été mis (à juste titre) un texte sur les comparaisons internationales, que les français ont intitulé : rythmes scolaires, on ne peut que constater que ce texte se réfère à la publication transversale d’Eurydice, Organisation of school time in Europe : Primary and général secondary éducation, 2010-2011 school year. Or il apparaît que les données mobilisées permettent d’appréhender trois caractéristiques des rythmes scolaires :
– la quantité totale du temps scolaire, selon l’âge des élèves et le cycle scolaire, mesurée en nombre d’heures par an ;
– l’étalement de ce temps sur le calendrier annuel, à travers le nombre de semaines et de jours scolaires par an, mais aussi la fréquence et la durée des périodes de congés ;
– la charge hebdomadaire et quotidienne : nombre de jours d’école par semaine, durée moyenne de la semaine scolaire et de la journée d’école, et durée des séquences d’ensei-gnement.
Où donc est-il question de rythmes ?
Nous sommes au Ministère de l’Éducation nationale, en train de réfléchir à la refondation de l’école, il me semble qu’on ne peut ignorer que les mots ont du sens. S’obstiner à ne parler que de rythmes scolaires, même élargis aux rythmes éducatifs, ferme presque automatiquement la porte aux réflexions à mener autour du partenariat nécessaire à installer pour réfléchir sur l’organisation des temps de vie de l’enfant et du jeune.
Si nous refondons, abandonnons ce terme inadapté et réducteur.
2ème proposition : Une organisation des temps de vie de l’enfant et du jeune suppose que soient généralisés les Projets Éducatifs de Territoire.
Argumentaire : Il ne peut être question de modifier les emplois du temps scolaire pour faire que l’école française ressemble à l’école allemande. Si l’école finit plus tôt qu’elle ne le fait actuellement, les temps ainsi libérés ne doivent en aucun cas être obligatoirement des temps libres. Toute famille ne pouvant reprendre l’enfant à la sortie de l’école doit pouvoir compter sur son accompagnement par la collectivité au sein de temps éducatifs aménagés, à charge pour le Territoire, accompagné pour ce faire par l’état (en particulier en interministériel), d’aménager au mieux ces temps afin qu’ils participent au développement harmonieux de l’enfant. Cela ne peut s’entendre qu’avec des activités de qualité encadrées par des animateurs de qualité, formés et/ou experts. Des recrutements permettant une résorption du chômage des jeunes peuvent ainsi être prévus.
Il ne faut pas non plus oublier tous les Projets Éducatifs Locaux ou Globaux qui ont déjà fait leurs preuves dans de nombreuses collectivités et qui pourraient servir de modèles de base en vue de généralisations et d’appuis pour s’ouvrir à un partenariat avec l’Éducation nationale.
Sans préjuger de la finalité des travaux et des décisions qui seront rendus par le Ministre, les collectivités, communes et départements, durablement impliqués sur leurs territoires au titre des projets éducatifs locaux militent pour une réforme ambitieuse dans laquelle elles pourraient prendre une place plus importante au-delà des expérimentations menées ici ou là.
3ème proposition : Imposer un cadrage national permettant un pilotage territorial.
Argumentaire : Il faut impérativement préserver l’Éducation nationale, c’est donc au niveau du cadrage à respecter que cette préservation sera assurée.
Mais on ne peut ignorer l’existence de différences importantes dans les territoires, en particulier au niveau des besoins de la population, mais également au niveau des ressources disponibles. Il faut donc que ces territoires puissent avoir l’opportunité de proposer un aménagement le mieux à même de répondre à ces besoins différents. Ce sont des décisions qui devront être prises en commun entre l’Éducation nationale et les collectivités locales, ainsi qu’avec les représentants de parents d’élèves. Il serait bon que ces décisions soient prises après qu’un diagnostic et un bilan aient été menés au niveau de la collectivité, diagnostic s’intéressant aux attentes et aux besoins de la population, sans oublier d’y intégrer les enfants et les jeunes, mais aussi un diagnostic et un bilan concernant les ressources possibles à mettre à disposition de tout nouvel aménagement des temps de vie des enfants. À la fois il faut faire accepter le fait que les moyens financiers mis en place dans les collectivités pour subventionner toute association sont des moyens qui doivent servir à tous les enfants de la commune, pas uniquement à ceux qui se sont inscrits à l’association, ce qui nécessite une réflexion sur les mutualisations possibles à mettre en œuvre. Mais il faut également un engagement de l’état (interministériel ?) garantissant à toutes les communes un minimum vital pour faire fonctionner, à identité de qualité, un projet d’aménagement des temps de l’enfant. On doit penser là principalement aux moyens permettant le recrutement de personnels qualifiés disponibles pour intervenir sur les temps libérés par l’école. La définition d’un cadre national réformant l’organisation des temps éducatifs devra nécessairement prendre en compte l’enjeu des politiques éducatives locales alors que la problématique de leur financement a été maintes fois relevée, inquiétant parents et organisations syndicales sur les risques d’une école à plusieurs vitesses. Dans ce cadre il ne faudra pas oublier que tout aménagement des temps doit s’accompagner d’aménagement des espaces.
Ainsi un cadrage qui imposerait une semaine de classe d’au moins cinq jours éducatifs, chacun de ces jours comprenant des temps scolaires et des temps éducatifs, laisserait cette souplesse indispensable aux collectivités pour aménager au mieux de leurs concitoyens les temps de vie de tous les enfants et adolescents mais aussi celui des familles.
Cadrer l’organisation autour des jours permet de casser l’idée de demi-journées équivalentes entre elles, nous y reviendrons dans la proposition concernant la journée scolaire et éducative. Mais cela permet aussi, et c’est particulièrement important dans le cadre de la refondation de l’école, de pointer l’importance d’une continuité éducative dans le temps de l’enfant, d’éviter de saucissonner ses temps journaliers, sans jamais leur donner la cohérence nécessaire pour le développement harmonieux de l’enfant.
Il semble qu’un tel cadrage de l’aménagement des temps de vie des enfants et des jeunes doit s’accompagner d’une loi cadre par rapport à un service public de la Petite Enfance, de l’Enfance et de l’Adolescence.
4ème proposition : Revoir les formations initiales et continues de tous les personnels qui auront à s’engager dans un projet d’aménagement des temps de l’enfant.
Argumentaire : Beaucoup d’erreurs éducatives sont faites par manque de connaissances, que ce soit chez l’enseignant ou le professionnel acteur de l’éducation qui intervient à côté de l’école, mais aussi chez les parents. Or on ne peut bien aménager les temps que si on connaît le fonctionnement des rythmes biologiques chez l’enfant et l’adolescent, mais aussi les effets des pratiques pédagogiques sur la distractibilité de l’enfant.
Ainsi il paraît indispensable que des modules de formation soient inscrits dans la formation des enseignants comme dans celles de tout animateur social ou tout éducateur, concernant les rythmes biologiques. Sans doute d’ailleurs ces modules pourraient-ils être proposés en commun aux différents professionnels en formation, ce qui leur permettrait d’échanger et d’avoir sur ce plan une culture commune. Il en est de même pour certaines pratiques éducatives, comme par exemple l’observation des comportements des enfants, les erreurs pédagogiques à ne pas faire face à un enfant fatigué ou ayant des difficultés à se concentrer.
Pour les enseignants, la pédagogie doit reprendre sa place au sein de leur formation initiale, mais surtout les différentes pédagogies utiles à connaître, pour leur laisser ensuite le choix de celle avec laquelle ils adhèrent le plus. C’est ainsi qu’ils pourront capter le mieux possible l’écoute et l’attention de leurs élèves, en évitant à ceux-ci une fatigue inutile.
De même doit être intégrée une formation sur les pratiques à mettre en place pour développer la motivation intrinsèque des élèves, pour donner du sens aux savoirs à transmettre, pour séquencialiser efficacement les contenus du programme tant au cours d’une journée qu’au cours de la semaine. Leur apprendre aussi à œuvrer pour que les enfants soient capables de réaliser par eux-même les transferts d’apprentissage, tant au sein des contenus scolaires qu’entre contenus scolaires et contenus extra-scolaires, ce qui permettra de faire du lien entre les apprentissages formels et non-formels. Toutes ces pratiques permettent de minimiser les fluctuations de l’attention ainsi que la fatigue inhérente à l’ennui ou l’angoisse de ne pas savoir faire.
Pour les professionnels intervenant sur les autres temps que scolaires, une formation est nécessaire aussi, outre celle qu’ils auraient en commun avec les futurs enseignants, sur les pratiques pédagogiques à mettre en œuvre devant un groupe d’enfants qui ont souvent besoin de ces temps là pour déstresser, pour se décontracter tout en prenant plaisir à découvrir de nouvelles activités. Ils doivent aussi apprendre à mettre en place une organisation permettant qu’au cours de ces activités, les enfants apprennent à découvrir en eux de nouvelles compétences, de nouvelles potentialités, mais apprennent aussi à respecter l’autre et à respecter les lieux et matériels mis à disposition tout comme ils le font en classe. C’est ce qui permet, entre autres, de donner de la cohérence entre ces différents temps, mais c’est aussi ce qui permet de développer chez chaque enfant son estime de soi.
Enfin on ne doit pas ignorer que les parents doivent impérativement recevoir certaines informations, si ils veulent vraiment participer à l’élaboration et à la mise en oeuvre du projet d’aménagement des temps de vie de leurs enfants. Pour ne pas être seule à le répéter, je citerai Jacques Paty, qui dans l’ouvrage coordonné par Montagner (l’enfant, la vraie question de l’école, 2002, O. Jacob), rédige un chapitre sur Les rythmes veille-sommeil : vulnérabilité chez l’enfant et l’adolescent. Il y écrit (p.77) que les rythmes veille-sommeil constituent un enjeu du développement de l’enfant, ils en sont une composante essentielle comme organisateurs et témoins de l’adaptation au milieu de vie. Il dit également qu’on ne peut concevoir une gestion optimale des variations cognitives en fonction des heures de la journée sans prendre en compte les réalités des rythmes veille-sommeil. Il affirme encore (p.97) qu’un des facteurs principaux des perturbations du sommeil et de la vigilance chez le jeune enfant sont la désadaptation de ses rythmes de vie par rapport à ses rythmes endogènes, (c’est ce qui se passe dès que l’enfant se couche plus tard au cours de la semaine, nda), et que les perturbations du sommeil et des rythmes biologiques sont une des composantes fondamentales du stress.
Quant à Sadeh (2004) il étudie le développement du sommeil en relation avec le développement psychosocial de l’enfant. Il montre que la prévalence du sommeil de mauvaise qualité et des troubles liés au sommeil est très élevée chez les enfants, que le sommeil de mauvaise qualité est associé à des problèmes de régulation des comportements chez les enfants, que ces problèmes persistent longtemps s’ils ne sont pas traités. Il insiste sur l’importance d’une formation complète sur ce sujet pour les professionnels s’occupant des enfants comme pour les parents.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire en atelier, cela a fait sourire, mais je répète que changer toute l’organisation des temps de vie de l’enfant à l’école et autour de l’école n’aura pas les effets escomptés si un travail n’est pas mené en parallèle autour de ce problème bien réel. De plus sachons que certains enfants prennent en grippe l’école, parce que « à cause d’elle on est obligé d’aller se coucher tôt ! ».
5ème proposition : Construction de partenariats Éducation nationale-partenaires éducatifs.
Argumentaire : Au sein des collectivités et des territoires, un projet éducatif doit encadrer l’aménagement de tous les temps éducatifs des enfants (scolaires et non scolaires), ce qui impose que ce projet soit rédigé concomitamment entre les enseignants, les partenaires éducatifs, les collectivités et les parents. Mais une fois la rédaction du projet réalisé, il faut que le partenariat enseignants-animateurs se poursuive, qu’il y ait des échanges bien réels entre les activités scolaires et celles réalisés dans les temps éducatifs libérés. Il n’est nullement question de confondre les activités professionnelles des uns et des autres, mais l’école a tout à gagner si elle peut compter, en complément de sa transmission de savoirs et de connaissances, sur des acquisitions faites par les enfants en dehors de leurs temps d’élèves. C’est dans les échanges entre ces professionnels que des transferts d’acquisitions pourront se réaliser et permettre aux enfants d’acquérir plus rapidement une autonomie dans son travail scolaire. L’activité faite en arts plastique dans les temps éducatifs peut tout à fait venir en interactions avec celle qui est faite en classe, et/ou se faire sur d’autres modalités, il en est de même pour toute activité dite d’éveil, que ce soit la musique, ou encore l’EPS. Pour l’enfant, ce sera une richesse de faire des activités qui se ressemblent sous des formes et avec des encadrements différents. Il perçoit mieux dans ces conditions, ses réelles capacités.
La loi doit à présent reconnaitre aux communes et aux départements leur qualité d’acteurs éducatifs aux côtés de l’Education Nationale tout comme l’importance et le développement des projets éducatifs locaux pour assurer l’égalité éducative territoriale attendue par tous.
Mais pour qu’un tel partenariat existe et perdure, outre la bonne volonté des différents professionnels, il faut que puisse être institutionnalisé un temps de rencontre.
Il semble tout aussi important pour que cette construction réussisse que ce dossier soit porté en interministériel, pas uniquement par l’Éducation nationale car la Culture, la Jeunesse et Sports et Éducation populaire, mais aussi la Famille, entre autres, ont évidemment non seulement des suggestions à apporter mais également des moyens possibles à mettre à disposition.
L’école est en grande souffrance, les enseignants également, il est impératif de leur redonner des raisons de se remotiver pour leur métier, c’est le pari qui doit être fait avec des décisions politiques à prendre qui permettront que se construisent des partenariats entre les acteurs de la communauté éducative, pour un mieux-être des enfants mais pas uniquement.
6ème proposition : L’organisation de l’année doit tenir compte des saisons et éviter les pertes de jours de classe rendant inefficaces les apprentissages.
Argumentaire : Chacun (syndicats, associations de parents, mouvements d’éducation populaire) s’arcboute sur un concept sans fondement scientifique : découper l’année en 7/2. J’ai longuement expliqué dans le document joint pourquoi ce découpage est non fondé (aucune évaluation scientifique possible à mener avec un avant et après puisqu’il n’a été appliqué qu’en 1986-1987)[1], il est important, si on refonde l’école, de proposer un calendrier annuel qui permettra réellement aux enfants, – et aux enseignants – d’être le plus disponible possible aux apprentissages quel que soit le moment de l’année.
La saison d’hiver est connue pour être plus difficile à vivre que les saisons de printemps et d’été, en partie parce que l’ensoleillement (et donc la luminosité naturelle) est beaucoup moins importante, ce qui induit des états dépressifs (telle que la dépression saisonnière) beaucoup plus fréquents, y compris chez certains jeunes. De plus l’organisme de tout un chacun est également en plus grande difficulté à cette période de l’année : les absences, tant d’adultes que d’enfants, sont plus importantes. Est-il raisonnable d’imposer un découpage identique à ce moment là et en plein printemps, quand les jours ont rallongé et que le risque de dépression saisonnière s’est éloigné ? Mais de même, est-il raisonnable d’imposer un calendrier gruyère en avril et mai parce que le respect du 7/2 fera qu’on pourra revenir de vacances pour immédiatement se retrouver sur un pont du mois de mai ou sur un découpage de la semaine imposant plusieurs coupures de deux jours consécutifs ? 2 semaines consécutives de vacances n’ont de sens, sur le plan biologique, que si les parents respectent le sommeil de leur enfant (oui, encore !). Les enfants européens sont-ils plus en difficulté scolaire que les enfants français ? Pourtant Eurydice (2010) nous montre que dans la plupart des pays européens les « petites vacances » intermédiaires dépassent rarement une semaine.
Enfin l’organisation scolaire dans son ensemble, y compris avec les examens divers et variés, doit préserver totalement le mois de juin comme étant un mois de cours, un mois d’apprentissage. Certes cela concerne plus massivement les collégiens et les lycéens, mais c’est quand même un fait établi qu’on perd à cette époque entre 15 et 20 jours pleins de classe, sans compter les départs plus précoces en vacances pour certaines familles, y compris en primaire. Pourquoi vouloir rallonger l’année si déjà on ne profite pas pleinement des 36 semaines actuelles ? J’ai d’ailleurs fait le compte sur l’année 2011-2012, en primaire, avec les jours fériés en plus des congés, l’année n’a pas comptabilisé 144 jours de classe mais seulement 138 ou 139 jours (selon les zones) ! Soit un programme de 2008 prévu pour 936 heures de classe à réaliser en 828 h. dont il faut de plus retirer 69 heures de récréation !
L’idée serait donc de permettre des pauses plus longues et peut-être plus fréquentes pendant la saison d’hiver, (3 semaines pour le changement d’année civile par exemple, au moment où les jours sont les plus courts, on rentre à l’école alors qu’il fait noir, on en ressort alors qu’il fait déjà noir), et de s’en tenir à plusieurs plages de 1 semaine de vacances, à partir du printemps, pour que les semaines ainsi programmées puissent englober les jours fériés, ce qui faciliterait la garde des enfants pour les parents qui travaillent tous les deux. C’est un calendrier tout à fait programmable sur trois ans.
Petite remarque, toutes les enquêtes montrent que de moins en moins de familles prennent de longues vacances, même les plus privilégiés utilisent davantage plusieurs fois dans l’année une période courte de vacances. Une telle organisation ne devrait donc même pas ne pas satisfaire l’industrie du tourisme.
Pour les collégiens, il serait bon de repenser l’organisation de l’année de cours comme l’a fait Aniko Husti (1996, changer de rythme dans le secondaire) en expérimentant le Temps mobile. Comme l’affirment Giordan et Saltet, « changer le collège, c’est possible » (2010). Ainsi dans leur collège, des séquences à durée variable, de quelques minutes pour une consultation ou un exercice à des demi-journées entières pour mener à bien un séminaire ou un atelier en commun, sont prévues. Des « stages », c’est-à-dire des durées longues de plusieurs jours, favoriseront une immersion indispensable en matière de langue ou pour mener à bien un projet culturel.
L’emploi du temps n’est plus découpé en tranches horaires d’une heure et constitué par une succession de cours disciplinaires où l’élève reste passif. Divers dispositifs pédagogiques sont introduits, tout à la fois pour favoriser le désir d’apprendre, l’acquisition de nombreux savoirs et l’expression de la personnalité de chaque élève. Le dispositif éducatif mis en place favorise les conditions d’une autodidaxie et permet à chaque apprenant de se « frotter » à différents contextes porteurs de sens. Cela suppose évidemment des équipes pédagogiques qui se concertent régulièrement et des horaires d’ouverture du collège plus amples que ceux des emplois du temps préconçus.
En ce qui concerne les horaires d’ouverture et de démarrage des séquences pédagogiques il est important d’avoir à l’esprit qu’à l’adolescence (entre 12 et 20 ans) s’installe un « retard de phase » des horloges biologiques qui entraine un recul d’une heure à une heure trente de l’heure d’apparition du sommeil. Ceci cumulé aux temps de déplacement souvent plus importants qu’au primaire, il serait bon de ne pas imposer un démarrage trop précoce. Mais il est tout aussi important de mener à bien une éducation à la santé auprès des adolescents pour leur apprendre à bien dormir : non on ne s’endort pas devant des écrans lumineux, non on ne fait pas régulièrement des grasses matinées (la sieste est préférable après un coucher tardif), non on ne mange pas n’importe quoi n’importe quand.
Pour les périodes phagocytées par les examens principalement au lycée mais au collège également, cela pose, notamment, le question de la lourdeur des modalités d’examens terminaux. Il conviendrait de les limiter en termes d’épreuves terminales grâce, entre autres, au recours à des modalités de validation des acquis et compétences étalées dans le temps, débouchant sur l’obtention d’unités capitalisables.
Enfin si l’année doit être rallongée, pourquoi toujours voir ce rallongement par une sortie repoussée en fin d’année scolaire plutôt que par une rentrée plus précoce ? Pour des questions de température extérieure (le plus souvent !), il serait préférable de réserver le mois de juillet aux vacances, tant pour les départs des gens du Nord sur les côtes de leur belle région que pour les gens du Sud qui ont à ce moment là des températures au sein des classes assez insupportables.
7ème proposition : L’organisation de la semaine- Ne pas fermer la porte à divers possibles, y compris semaine avec samedi matin ou même semaine sur 6 jours.
Argumentaire : Certes les sondages trompeurs laissent à penser que tout le monde préfère l’école le mercredi matin. Pourtant plusieurs points doivent être pris en considération si l’on considère vraiment qu’on cherche la meilleure organisation pour tout le monde. Nombreux sont les travailleurs qui travaillent, au moins le samedi matin si ce n’est le samedi toute la journée. Les enseignants reconnaissent volontiers, quand ils s’expriment en tant qu’enseignant et non en fonction d’un souhait d’ordre personnel, que le samedi matin est un moment particulièrement agréable du point de vue du climat scolaire, mais aussi de la disponibilité des enfants pour les apprentissages, y compris ceux qui viennent boucler le programme de la semaine – j’en ai eu confirmation récemment de la part d’un représentant de la FSU-. Les parents qui travaillent toute la semaine reconnaissent volontiers que le contact avec l’école est largement facilité quand il y a classe le samedi matin, ainsi que le contact entre parents. Les parents séparés, même s’ils réclament d’avoir un week-end complet dès le vendredi soir, admettent volontiers que cela les coupe de l’école.
Une enquête du Credoc de 2001 (serait-elle à refaire ?) indiquait qu’à la question « au cours des 12 derniers mois, combien de fois êtes-vous personnellement partis en WE ? », les ¾ des répondants ont indiqué être partis entre 0 (49%) et 2 fois.
Pour les collectivités il est plus facile d’organiser des centres de loisirs sur la journée du mercredi que de ne les organiser que sur l’après-midi de ce même jour, elles ont à penser à la restauration des enfants ce midi là, ce qui n’est pas le cas du samedi midi.
Sur le plan biologique, cette coupure de deux jours dérégule vraiment l’horloge du rythme veille-sommeil des enfants, aujourd’hui dès le plus jeune âge, et ne leur permet donc pas d’être au mieux de leur efficacité dès leur retour le lundi en classe. Cette dérégulation tient au fait que les couchers plus tardifs entrainent, chez les enfants à partir de 7-8 ans, un retard de leur lever, or des travaux récents ont encore confirmé que le plus important pour le bien-être est une heure de lever spontané régulière : en effet, la libération du cortisol (hormone du stress pour dire vite, régulateur avec la mélatonine des cycles circadiens) qui se fait à ce moment là doit se faire le plus possible à heures fixes. En effet la sécrétion de cortisol est indépendante des horaires de sommeil, son taux diminue en début d’après midi et il connaît un pic en été et un creux en hiver.
Delvolvé et Jeunet ont étudié en 1999, les effets de la durée du week-end sur l’état cognitif de l’élève en classe au cours du lundi. Leurs résultats mettent en évidence que le taux global de rappel ainsi que la profondeur du stockage des informations sont meilleurs lorsque les élèves ne se sont interrompus qu’un jour et demi.
Sur une année de 36 semaines nous avons 36 lundi (sans compter que le problème est le même quand les enfants reviennent en classe après deux jours d’interruption en cours de semaine, dûs à des fêtes nationales multiples et variées), c’est dire encore que depuis 2008, pour une grande majorité d’élèves, près de 20% de leur temps d’apprentissage est inefficace.
J’ai participé à une recherche pour le Ministère de la Recherche et de la Technologie en 2004, en partenariat avec un laboratoire de Louis Pasteur à Strasbourg, le CNRS et des enseignants du SNuipp-FSU, sur « l’optimisation du temps scolaire ». Nous avons comparé les résultats d’enfants de CE2 et CM2 inscrits dans des milieux socio-géographiques favorisés et défavorisés et fonctionnant sur des organisations temporelles différentes : école sur 4 jours, école sur 4 jours et demi avec samedi matin de classe, écoles en CEL avec mercredi ou samedi matins, école en 6 jours[2]. Les résultats les plus intéressants sont que nous avons montré qu’en semaine de 6 jours et au niveau des différents CEL implantés en milieux défavorisés les enfants regardent significativement moins la télévision, se couchent plus tôt, dorment mieux, sont plus en forme au lever, prennent plus volontiers un petit déjeuner, comparativement à leurs pairs scolarisés dans une école traditionnelle. Subjectivement ces enfants se déclarent en forme et ont, de plus, la sensation de bien réussir les épreuves d’efficience, signe de bonne estime de soi. En revanche nos résultats sont très en défaveur de la semaine de 4 jours, milieu favorisé comme défavorisé. Et nous montrons que si les parents disent apprécier que leur enfant n’ait pas école tout le week-end, dans le même temps ils défendent une organisation étalée de la semaine scolaire car ils la perçoivent comme favorable au bien-être et aux apprentissages de leur enfant ! Doit-on s’appuyer sur les sondages interrogeant de façon « sèche » les parents ?
Quoi qu’il en soit il apparaît très important que des aménagements globaux des temps de l’enfant soient mis en œuvre, par le biais de projets éducatifs, permettant à la fois de distribuer au mieux sur la semaine les temps d’apprentissage scolaires et d’organiser les temps éducatifs de manière à améliorer sensiblement le vécu scolaire de tous les enfants. Mais on voit également qu’il ne faut pas fermer la porte à la possibilité d’ouvrir les écoles le samedi matin pour les établissements et collectivités qui le souhaiteraient. En clin d’œil, n’oublions quand même pas que la semaine de classe avec le samedi matin a été le modèle majoritairement appliqué dans les écoles françaises de 1969 à 2008 !
8ème proposition : Organiser la journée en Jour éducatif comportant des temps éducatifs scolaires et des temps éducatifs non scolaires et permettant d’organiser différemment les matinées d’apprentissage et les après-midis que ce qui se fait actuellement
Argumentaire : En 1906 déjà, Binet, (co-créateur d’un test permettant de dépister des difficultés d’apprentissage) déclarait : « Le travail du matin est celui qui produit le maximum de rendement, il faut donc réserver la classe du matin pour le travail le plus difficile. Il faut interrompre les exercices toutes les heures par des récréations afin de ne pas trop épuiser l’attention. Il faut éviter de trop longtemps prolonger le même type de travail ». Rappelons qu’en 1830, en fonction de décisions locales, la classe primaire peut durer de 6h du matin à 7h du soir avec deux heures de pause de 11h à 13h. Le règlement de 1887 fixe la durée des classes à trois heures le matin et à trois heures l’après-midi, avec un horaire hebdomadaire de trente heures et une interruption totale du jeudi pour l’instruction religieuse. Ce règlement prévoit l’insertion d’une récréation toutes les heures pour les élèves du cours élémentaire et du cours moyen et pour les élèves du cours supérieur une récréation d’un quart d’heure le matin et l’après-midi. Une répartition des disciplines est même prévue pour l’ensemble de la journée de classe.
Depuis on a souvent entendu que la journée devait tenir compte de la courbe dite classique par François Testu, concernant les fluctuations de l’attention. Mais on a souvent oublié d’ajouter que cette courbe porte sur des mesures très particulières, à savoir un éveil de l’attention, pas même une attention soutenue, ce qui est quand même le plus souvent requis à l’école pour mener à bien des apprentissages complexes. Testu lui-même a montré que la courbe de ces fluctuations attentionnelles varie en fonction de l’âge de l’enfant, qu’elle n’est pas le fait des activités intellectuelles dépendant par ailleurs des compétences de l’enfant, du niveau de difficultés de la tâche, qu’elle dépend également d’un nombre important de facteurs comme la motivation, le milieu de vie de l’enfant (ce qui a encore été démontré récemment par Ponce et Alcorta, 2012). Nous-même avons publié à plusieurs reprises des travaux montrant que l’analyse des rythmes attentionnels doit tenir compte, entre autres, de l’âge, du type de tâche (tant contenu que niveau de complexité), des modalités sensorielles activées (auditive ou visuelle), du climat de la classe, des capacités de remobilisation par la motivation entre autres. Dans un article de 1998 que j’avais intitulé « appel pour une chronopsychologie anti-gourou », je rappelais déjà les illusions créées par le fait de ne tenir compte que de la place dans la journée des heures de cours, sans tenir compte des espaces, des contenus d’activités, des pratiques pédagogiques, des temps de transport, des modes éducatifs familiaux, des rythmes alimentaires et du temps de restauration, des loisirs…
C’est dire qu’il est plus important de considérer que les pratiques d’enseignement et l’organisation des séquences pédagogiques vont jouer un rôle important dans le maintien attentionnel de l’enfant au cours de la journée, sachant par ailleurs que l’alternance efficace de séquences pédagogiques (entre les séquences coûteuses cognitivement et les autres) va avoir un effet très positif sur la mobilisation des enfants pour les apprentissages.
Ainsi serait-il intéressant de proposer un allongement des matinées, qui permet beaucoup mieux ce type d’alternances, y compris en y intégrant des activités d’EPS ou d’art plastique ou de pratiques scientifiques, plutôt que de ne consacrer les matinées qu’aux maths et au français. Cela impose également une réflexion sur l’organisation des pauses (récréations) qui ne doivent surtout pas être considérées comme la cocotte minute dont on va retirer la soupape : on doit préparer les enfants à aller en récréation, en leur proposant quelques minutes de relaxation, afin que ces moments de détente ne deviennent pas des champs de bataille. Cela suppose un aménagement spatial de la cour de récréation (voir les travaux de Fortin), si on allonge la matinée, deux récréations seront alors bienvenues, ce qui permettra trois périodes d’activités alternées.
L’autre intérêt d’un allongement de la matinée permet d’accorder du temps au moment de la pause méridienne mais aussi de donner du temps aux ateliers éducatifs qui prendront le relais après le temps scolaire : c’est particulièrement important si on veut que ces ateliers permettent aux enfants de découvrir réellement des activités nouvelles, de montrer aux autres – enfants comme adultes – qu’ils ont des compétences même quand ils ne sont pas les meilleurs, loin s’en faut, à l’école, de permettre que des parcours éducatifs soient mis en place et pas uniquement une succession d’activités ponctuelles. C’est une bonne occasion de faire participer les associations et clubs de la collectivité locale, ce qui leur permettra de faire découvrir ce qu’ils font et de donner envie à des enfants de s’y inscrire en dehors de l’école. Du temps ainsi accordé permet de mettre en place des activités telles que la découverte et la protection de l’environnement, la construction d’un journal, d’une pièce de théâtre, d’un castelet de marionnettes (avec la pièce accompagnante), etc. Les associations relevant des mouvements d’éducation populaire ont une très bonne expertise en la matière dont il conviendrait de bénéficier au mieux.
Il serait important de profiter de tels projets éducatifs pour permettre également que les activités extra-scolaires habituelles des enfants (choisies et financées par les familles) puissent être organisées dans ce cadre, ce qui éviterait les activités sportives tardives de fin de journée en particulier chez les enfants de l’école primaire. De même cela permettrait de donner une cohérence temporelle à toutes les activités actuellement parcellisées pour un enfant donné.
Penser à intégrer dans un tel projet des temps permettant que les devoirs les plus complexes soient réalisés avant la sortie de l’établissement scolaire des enfants ce qui réduirait les conflits familiaux en ne laissant aux parents que les leçons à réviser et une supervision du travail fait et réduirait d’autant également les inégalités d’apprentissage.
9ème proposition : organiser la pause méridienne au mieux des besoins des enfants et des jeunes.
Argumentaire : D’aucuns réclament une pause méridienne d’au moins 90 mns. Certes cela est important pour les collégiens et lycéens qui, bien souvent, n’ont qu’une heure entre deux cours. Important également pour les enfants de primaire qui parfois, se sont vus imposer un temps de soutien pédagogique au cours de cette pause, ce qui n’est pas la meilleure façon de leur faire rattraper le retard acquis dans les apprentissages.
Mais il faut rappeler que cette pause méridienne correspond à une baisse de la vigilance physiologique, indépendante de la digestion, vraie à tout âge, c’est en fait le milieu du cycle circadien qui apparaît donc 12 heures après le creux de la nuit. On a vu que le taux de cortisol connaît également une baisse à ce moment là de la journée.
C’est dire qu’il ne suffit pas de donner une obligation de durée pour ce temps, il faut aussi impérativement prévoir un aménagement des espaces, des contextes de vie, des possibilités de relaxation (voir Mainguy, 2011, la relaxation pour goûter la saveur du temps), prévoir un encadrement formé pour ne pas pousser à l’activisme et au contraire pour assurer la sécurité aux enfants qui ne veulent « rien faire ». Y compris chez les collégiens et lycéens, permettre des lieux de rencontres et échanges entre copains, des lieux de lecture, de jeux choisis. Sans compter qu’il est indispensable que le lieu de restauration soit aménagé de sorte à ne pas devoir prendre le repas sous la pression du temps ou dans un bruit de fond difficilement compatible avec le besoin de décontraction, de déconnexion. L’idéal serait que l’aménagement de ce lieu bien repensé donne envie à certains enseignants d’y rester et de pouvoir ainsi partager un temps d’échanges agréable avec ses collègues.
10ème proposition : et la maternelle ?
Argumentaire : dans le cadre national tel que proposé, l’école maternelle peut parfaitement se retrouver. Par exemple allonger les matinées permet de libérer bien du temps sur les après-midi et d’ainsi laisser libres tous les enfants qui le souhaitent, de faire la sieste, sans perturber les temps d’apprentissage. C’est d’autant plus important que toutes les études ont montré que l’après-midi, les enfants de petite et moyenne sections, pour le moins, ne sont jamais au même niveau d’efficacité attentionnelle qu’ils ne le sont le matin.
L’organisation de la restauration est pour ces enfants, cruciale, car il n’est malheureusement pas rare d’entendre certains petits dire qu’ils n’aiment pas l’école uniquement à cause de la cantine. De même l’organisation des pauses dans la journée est fort importante. Et assurer un personnel formé à la petite enfance pour encadrer tous les temps hors de la classe est fondamental.
Et il est indispensable de réfléchir à l’extension des classes passerelle, comme celles qui se sont construites sur la base d’un partenariat entre l’Éducation nationale et les crèches, ce qui revient à la réflexion à mener sur un service public de la petite enfance. Ces classes doivent être conçues pour respecter le mieux possible le rythme de développement des enfants, tous les enfants de deux ans ne sont pas identiques entre eux, ne serait-ce que du point de vue de leur maturation affective. Il faut en tenir compte si on veut que la scolarisation de ces enfants soit d’emblée réussie. Ce qui impose plus encore une réflexion sur la formation des professionnels qui vont encadrer ces classes, qu’ils soient éducateurs de jeunes enfants, assistantes maternelles ou enseignants. Des modules communs de formation là plus encore, doivent être pensés en formation initiale comme en formation continue.
Il est important de pouvoir redévelopper une scolarisation dès deux ans pour toute une catégorie d’enfants, mais il faut entendre que l’un des enjeux éducatifs pour ce groupe d’âges est que tous les acteurs constituant leurs multiples environnements de vie parviennent à communiquer, à partager des informations utiles, à s’unir pour créer les conditions de co-éducation les plus efficaces pour un bon développement de chaque enfant.
11ème proposition : Et les zones rurales ?
Argumentaire : Il est probable qu’une réflexion devra être menée quant à une rénovation de la politique éducative en milieu rural.
Comme s’interrogent les membres de l’association Prisme (Libération, 31 juillet 2012), « quelles formes d’accompagnement des jeunes et de leur famille dans les « territoires rurbains » ayant, de plus en plus, des caractéristiques sociales semblables à des quartiers dits « politiques de la ville » ? Pour eux une véritable refondation implique des réponses fortes et nouvelles à ces questions, dans une forme nouvelle de coopérations transversales. Tous ces actes de refondation qui engageront l’action de l’État et son ministère de l’Éducation nationale engageront aussi l’action des collectivités territoriales dans leurs choix de politique éducative.
C’est pourquoi il paraît indispensable – condition de la réussite de « la refondation de l’école » – que les projets de loi marquant une nouvelle phase de la décentralisation soient examinés et discutés en concomitance avec le projet de loi d’orientation et de programmation de l’école ».
J’ajoute qu’il me semble important qu’on reréfléchisse à la scolarisation des enfants dans certains milieux dont l’accès est rendu très difficile pendant toute une longue période de l’année, à savoir l’hiver. Cette difficulté d’accès impose aux enfants un déplacement très long en transport scolaire, à un moment de l’année où la fatigue est déjà plus importante. C’est mettre ces enfants en plus grandes difficultés par rapport à leur scolarisation.
Aussi serait-il important de revoir l’ouverture de classes uniques, ou pour le moins de classes multi-âges. Écoutons Bernard Collot, (2012) pour qui, dans l’école traditionnelle, la question des rythmes scolaires, ne peut pas être résolue. « C’est le scolaire qu’il faut changer » dit-il. il ajoute : « J’ai pu écrire que dans ma classe unique ou dans une école du 3ème type, le problème des rythmes de l’enfant n’existait pas. Ni dans la quotidienneté, ni dans la durée. [….]. Plus qu’une révolution scolaire, c’est un changement de paradigme éducatif que nous devons urgemment réaliser ».
À suivre …
Quoi qu’il en soit il est indispensable de diminuer les durées des temps de tansport scolaire en zones rurales par exemple en instaurant des circuits plus courts par la multiplication des points de départs ce qui permet des trajets habitat-école et/ou établissement scolaire d’une durée raisonnable. Pour ce faire, articuler les possibilités offertes par les cars, les taxis collectifs, les TER. Ce qui implique la prise en compte de cette dimension dans le cadre des financements publics de la mise en place des projets éducatifs territoriaux.
Il faut quand même ajouter que des expériences d’aménagement des temps de l’enfant ont été réalisées dans des zones rurales et ont permis d’améliorer la qualité de vie de ces enfants. Un vrai travail de diagnostic des ressources disponibles doit être mené dans ces zones. Et surtout penser que plus l’organisation des temps sera bien réalisée, mieux ils pourront recruter des professionnels formés. C’est évidemment plus difficile à faire quand on doit recruter des personnes (y compris bénévoles) sur des temps totalement émiettés, une heure le matin, une heure le midi, et éventuellement une heure, au mieux, en fin de journée. Car pour ces personnes il faut en général rajouter un temps de déplacement important. Mais il faut aussi être inventifs, de nombreuses activités peuvent être proposées en milieu rural en particulier relativement à l’écologie, à l’environnement, à la découverte de la faune et de la flore. Dans les lieux où des expériences d’aménagement ont été réalisés, on a aussi fait venir dans l’école les activités auxquelles les enfants ne pouvaient aller : bibliobus, ludothèque ambulante, cinéma ambulant.
12ème proposition : le financement
Argumentaire : nous sommes bien consciente que la généralisation de projets éducatifs territoriaux ne pourra se faire sans un minimum de moyens, mais ce sont bien des choix politiques qui sont à faire.
Nous avons déjà dit qu’il faudra réfléchir pour le moins aux moyens en personnels que l’état pourra mettre à disposition, par exemple pour les associations relevant de l’éducation populaire qui s’engageraient dans la construction de ces projets. Dans ces associations il est particulièrement important de penser aux formations à donner à tous les bénévoles impliqués dont on ne peut que reconnaître le rôle fondamental, formations qu’il faudra prendre en charge.
Mais il faudra aussi qu’un travail soit accompli au sein des collectivités afin de mettre à disposition de tous les enfants tous les moyens déjà engagés par cette collectivité et donc d’optimiser ces moyens. Ce sont évidemment des choix politiques qu’il faudra faire accepter à l’ensemble du monde associatif, mais il semble important de démontrer que ces choix pourront finalement rendre service à tout le monde. Si les enfants découvrent, au cours des temps éducatifs, une activité sportive, artistique ou culturelle, y prennent plaisir et s’y sentent compétents, ils pourront souhaiter la poursuivre sur d’autres temps, dans l’association ou le club lui-même.
C’est donc un travail en terme de communication qui doit être accompli entre tous les mouvements associatifs et les collectivités.
Sans doute faudra-t-il aussi mener une réflexion sur le fait que certaines familles n’auront plus à payer une garde ou un centre de loisirs pendant que leur enfant sera scolarisé.
La question du financement de cette politique éducative locale est donc bien posée alors que les conséquences budgétaires pour toutes les communes seront, en fonction de l’ampleur de la réforme, à évaluer. Les communes ne pourront évidemment pas assumer seules l’augmentation prévisible des charges liées à l’augmentation des temps éducatifs non scolaires et devront être fortement soutenues par l’état, garant d’un minimum d’équité.
Les financements d’aujourd’hui, en fonds propres, complétés par la politique de soutien des CAF (prestation de service ordinaire et prestation de service au titre des contrats enfance jeunesse) ne paraissent pas suffisants même pour les communes déjà durablement engagées de manière volontaire dans les projets éducatifs de territoires.
Le périmètre de la réforme, minimaliste ou ambitieuse, conditionnera donc aussi celui des nouvelles obligations des communes pour tous les accueils en temps éducatifs non scolaires (pause méridiennt, parcours éducatifs après l’école, étude…) et par conséquent leur impact financier.
La simplification des procédures et la mise en œuvre d’une politique interministérielle, par un cadrage national, en lien avec les collectivités, dépassent, et de loin, le « simple » débat autour de la semaine de quatre ou cinq jours.
D’autant plus qu’il faudra aussi accepter que des projets bien construits et bien menés permettront à moyen terme de réelles économies tant au niveau de l’état que des collectivités : améliorer le bien être de tous les enfants dès le plus jeune âge et le plaisir d’aller à l’école fera faire des économies sur les frais de santé des personnels, sur les besoins de prise en charge dans l’après coup des enfants développant certaines difficultés, sur le taux de redoublement (étude de la DEP, 2004, l’abandon du redoublement permettrait 1,1 milliard d’euros d’économies), sur le décrochage. La fatigue et le stress ont aussi un coût : celui des maladies plus nombreuses des enfants, de l’absentéisme des enseignants mis à rude épreuve, celui des parents qui doivent garder leurs enfants malades. De plus les expériences passées ont montré que le fait de développer d’autres rapports entre les enfants, mais aussi entre l’école et les familles, a réellement un impact sur le climat d’école, sur la vie dans le quartier, sur la violence au sein de l’établissement.
Sans compter qu’à long terme, des enfants qui apprennent mieux, qui sont heureux d’aller à l’école, font un pays plus performant, plus compétitif, plus créatif. On pourra alors espérer un retour sur investissement.
Dernière proposition : laisser le temps aux temps.
Argumentaire : On ne peut croire que construire de tels projets pour une réelle refondation de l’école pourra se faire sur quelques mois. La mise en place des partenariats indispensables nécessite du temps, pour la réflexion, pour les diagnostics à réaliser, pour convaincre chaque acteur qu’il a tout à gagner dans un changement de fond, pour associer les jeunes à la réflexion qui les concerne en premier lieu. La construction de parcours éducatifs ne peut se faire non plus en quelques semaines.
Il ne serait donc pas raisonnable de déclarer que tous les aménagements nouveaux doivent être mis en place à la rentrée 2013, car alors on n’aura à nouveau que des aménagements faits à la marge, juste modifié des emplois du temps mais certainement pas la mise en œuvre de projets éducatifs territoriaux.
Depuis plus de 20 ans de nombreuses formes d’aménagement des temps de l’enfant ont été créées à travers des dispositifs qui ont eu tendance à se recouper. Il est temps que ce dossier obtienne enfin le changement qui lui revient mais surtout avec une chance de voir un nouvel aménagement des temps de vie de l’enfant perdurer.
Pour autant il est indispensable que très rapidement un cadre national, comme j’ai pu le proposer, soit posé sur lequel tout aussi rapidement les collectivités, les associations, l’Éducation nationale pourront s’appuyer pour construire au plus vite le projet éducatif circonstancié : cela permettra à toutes les collectivités de s’engager (prise de compétences et obligations à définir) pour amplifier le lien entre l’école et la commune. Il ne serait pas aberrant d’imposer que partout où il est possible à mettre en œuvre ce soit le cas pour la rentrée 2013 mais d’accepter un délai d’un an pour les collectivités et/ou les territoires dans lesquels un temps de concertation, de diagnostic et de réflexion sera nécessaire. Il y va de l’intérêt de l’enfant.
Je termine en donnant la parole à différents collègues qui finalement expriment pour parties ce que j’ai développé au long de ces propositions :
Selon Meirieu, il faut être à la fois jacobin et girondin, jacobin sur les finalités de l’organisation du temps scolaire et girondin sur les modalités : « si l’Éducation et l’École doivent rester nationales, elles doivent admettre des scénarios d’organisation différents ».
Selon Philippe Claus (IGEN), « le temps scolaire n’est plus organisé », mais laissé au « bon vouloir » des équipes enseignantes des écoles, alors que l’efficacité pédagogique d’un système éducatif dépend de la manière dont celui-ci alterne les moments où il est fait appel à l’intelligence abstraite ou concrète et l’effort physique ».
Pour Pierre Merle : « Mieux vaut penser le temps scolaire en termes d’éveil, d’apprentissage, de formation, de découverte des savoirs ».
Il n’y a plus qu’à se mettre au travail.
[1] comme l’a signalé Georges Fotinos, une seule étude a été réalisée par la DEP : celle-ci avait évalué les effets du passage à deux zones lié au découpage en 7/2. Pas d’effets sur le bien-être des enfants.
[2] Pour ces écoles, les projets ont été construits en partenariat avec les équipes pédagogiques.