In Vous Nous Ils – le 24 mai 2013 :
Accéder au site source de notre article.
Dès la rentrée prochaine, 10 académies expérimenteront le dispositif « ABCD de l’égalité », mis en place par le ministère de l’éducation nationale en collaboration avec le ministère des droits des femmes. Objectif : lutter contre les stéréotypes sexués à l’école. Entretien avec Patrick Bacry, en charge de la mission Egalité filles-garçons dans l’académie de Créteil.
En quoi consiste le programme « ABCD de l’égalité », qui sera expérimenté notamment dans l’académie de Créteil à partir de septembre ?
Il s’agit de déconstruire les stéréotypes filles-garçons, qui régissent la société tout entière. L’école n’est que le réceptacle du problème mais les enseignants jouent un rôle important. Ils peuvent inconsciemment contribuer à entretenir certains clichés. Ainsi, en matière d’orientation, les filles sont par exemple sous-représentées dans les métiers de l’informatique et dans les écoles d’ingénieurs alors qu’elles sont très nombreuses à suivre des études médicales. L’objectif est de changer de discours pour ne fermer aucune porte. Cette initiative « ABCD de l’égalité » intervient dans un contexte favorable : la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons a été signée en février pour la période 2013–2018. Le gouvernement a également décidé de nommer un haut fonctionnaire à l’égalité des droits dans chaque ministère. Et, au niveau européen, des recommandations ont aussi été faites, et des campagnes menées sur l’accès des filles aux filières scientifiques.
Quelle forme prendra ce dispositif ?
Toutes les écoles ne participeront pas à l’expérimentation. Néanmoins, rien que dans l’académie de Créteil, environ 150 classes s’inscrivent dans le projet. Les inspecteurs du 1er degré, les conseillers pédagogiques de circonscription et les professeurs des écoles seront formés et accompagnés au cours de l’année scolaire 2013–2014. Il s’agit de les sensibiliser pour que les filles et les garçons soient traités sur un pied d’égalité dès l’école maternelle. À cet effet, le CNDP, partenaire du dispositif, mettra en ligne des outils et des documents accessibles à tous les formateurs et enseignants concernés.
Quel est le besoin de provoquer une prise de conscience chez les enseignants ?
Il n’est en aucun cas question de partir en croisade contre les pratiques des enseignants mais au contraire de favoriser une réflexion sur celles-ci. Beaucoup n’ont pas, ou très peu, entendu parler de cette question de l’égalité au cours de leur formation initiale. Et, sans en avoir conscience, ils peuvent adopter des attitudes et avoir des attentes différentes avec leurs élèves filles et garçons, considérer dans leurs annotations qu’un garçon « peut mieux faire » alors qu’une fille, elle, « fait tout son possible ». Une différence de traitement à laquelle il s’agit d’être attentif.
Par quels moyens concrets, les enseignants peuvent-ils agir ?
Ils peuvent parfois revoir l’organisation de la classe et la répartition physique des élèves. Des situations étonnantes sont observées par les chercheurs : il est intéressant de se servir de leurs grilles d’observation pour bâtir un système plus égalitaire. Les professeurs des écoles peuvent ainsi distribuer différemment la parole en classe, en veillant à avoir la même attitude selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon. Dans les enseignements disciplinaires, on peut s’attacher à redonner leur place aux femmes parfois « oubliées » par les manuels. Enfin, dans la cour de récréation, les enseignants peuvent également influer sur son organisation, et par exemple favoriser les jeux collectifs, comme le football, entre les filles et les garçons.
Charles Centofanti