Université d’Été de PRISME – 2011
Le 8 Juillet au Cnam de Paris
F – Table ronde : Prenant la mesure de l’évolution des compétences scolaires, éducatives, sociales et territoriales, comment les acteurs peuvent-ils organiser les différentes formes de territoires apprenants?
Pascal Nicolle, Consultant « Gestions locales »
Yannick Bodin, Sénateur de Seine et Marne
Marie Richard, Vice-président du Conseil Général de Seine et Marne, Maire de la Ferte Sous Jouarre (77)
Fabien Benedic, Maire Adjoint d’Argenteuil (95)
Pascal Nicolle :
Que mettez vous derrière le terme de territoires apprenants ? Et quel est votre vécu ?
Fabien Benedic :
Je vais vous parler de l’expérience d’Argenteuil (95) qui est une ville apprenante et essaie d’être une ville éducatrice. Prisme nous a accompagnés depuis 2009 dans cette démarche. Pour une ville l’éducation c’est la restauration scolaire, l’école primaire, la mise à disposition de personnel. On a cherché à mettre en place un projet éducatif local répondant aux besoins du terrain. Le territoire c’est la ville d’Argenteuil mais ce n’est pas que la municipalité, mais avec les acteurs associatifs, institutionnels.
La définition du territoire apprenant c’est déjà apprendre à se connaître et à coordonner les actions dans une complémentarité qui permettent d’arriver au bout d’un processus. Il y a la notion de développement pour la réussite éducative, la notion d’apprendre en continu, et plus on sait travailler ensemble plus on apprend et plus on est performant.
Marie Richard :
Si on prend les indicateurs de réussites éducatives d’un territoire (taux de réussite au Bac, poursuite d’études supérieures) on sera amené à constater que les territoires apprenants sont ceux dont les collectivités locales s’impliquent le moins parce que l’Education Nationale et les familles y ont un rôle actif qui mène à la réussite. Les territoires pour lesquels les collectivités locales s’impliquent sont des territoires de décrochage, où l’objectif et l’ambition d’égalité des chances deviennent des enjeux majeurs et ne sont pas accessible de pleins droits aux jeunes. Ce sont ces territoires là que l’on peut qualifier de territoire apprenant de fait.
Elue locale je suis partie avec une immense bonne volonté en me disant que j’avais une responsabilité éducative et j’ai été amené à réfléchir sur le service public national et la compétence des collectivités territoriales parce que j’ai eu affaire à des syndicats qui ne donnaient pas de valeur à notre intervention de collectivité locale, comme une compétence de facilitation, et pas seulement comme un acteur de second rang pour qui apporter des éléments matériels. Toute intervention éducative était récusée comme n’étant pas de notre ressort ou même pire susceptible de faire entorse aux principes des qualités républicaines. Alors que plus les effectifs d’enseignants fondent, et plus les collectivités ont à intervenir.
Yannick Bodin :
Une mission d’information a été mise en place par la commission des affaires culturelles et éducation du Sénat intitulée « organisation territoriale du système scolaire et évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation ».
Les expérimentations que nous avons pu voir, qui semblaient être celles qui fonctionnaient étaient celles dont l’initiative était partie du local.
Le face à face maître/élève est fini.Toutes les expérimentations étaient mises en place par des équipes pédagogiques éducatives au sein desquelles sont associées les parents d’élèves et les collectivités territoriales. Si il n’y a pas les collectivités territoriales représentées par les élus il n’y a pas d’expérimentations locales.
Il y a des autoévaluations sur le plan local mais non de la part du Ministère de l’Education Nationale.
A partir du moment où on ne travaille plus seul, mais dans une dimension de territoire, cela pose le problème des métiers, des statuts.
Fabien Benedic :
A Argenteuil, nous avions un projet politique. Il n’est pas toujours facile de s’entendre avec tous les acteurs. Il faut être prudent car les acteurs n’ont pas attendu la collectivité pour travailler. Le but n’est pas de marcher sur les plates bandes des uns et des autres, il y a un travail de communication à faire en premier. Il faut acquérir rapidement une crédibilité auprès de l’Education Nationale sans faire de pédagogie à sa place. Il faut montrer aux associations que ce n’est pas parce que la ville va travailler avec elles que les subventions vont être diminuées. Il faut rassurer et présenter la finalité du projet. Il y a eu un diagnostic territorial fait par Prisme au départ. On a associé tout le monde, c’était une démarche participative avec des rencontres collectives et individuelles.
Argenteuil est la première ville du Val d’Oise, la ville voulait assurer l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire et mettre en place des actions en prenant compte des besoins et attentes du terrain.
Le projet était de favoriser la réussite scolaire, l’accès à la culture et aux sports, favoriser des échanges entres acteurs. L’objectif étant de travailler ensemble pour un projet commun partagé avec des valeurs communes, le projet passe.
Nous avons travailler selon trois axes : créer une dynamique de territoire, favoriser la réussite éducative et lutter contre les inégalités.
Marie Richard :
La Ferté Sous Jouarre est une petite ville en Ile-de-France. J’ai l’extrait d’un rapport sur la pauvreté en zone rurale, et aussi en Seine et Marne, les plus pauvres migrent de l’ouest vers l’est. Les populations précarisées s’installent dans les secteurs où il n’y a ni transport, ni service public. L’enjeu de réussite éducative doit être réfléchi, préparé et anticipé sur ces secteurs.
Dans mon canton les indicateurs de qualification été mauvais, et donc nous avons pensé qu’un lycée de proximité pourrait être de nature a requalifier le territoire. Un an après l’ouverture du lycée Samuel Beckett, nous étions effondrés parce que les résultats du premier Bac étaient catastrophiques (56%). C’était le seul lycée qui ne drainait que des collèges très faibles alors que tous les autres lycées de l’Académie avaient une mixité sociale. Les professeurs ne s’installent pas sur place. Cette année nous avons trois mentions au Bac. Cette image d’excellence apporte beaucoup à un territoire. On est maintenant à 72% de reçus au Bac, on a basculé du bon côté.
Dans le projet éducatif local, il y a aussi l’offre de formation et sa qualité qui joue un rôle déterminant.
Ce lycée devait être modulable car il faut repenser les structures qui abritent le système éducatif parce que il y a des mouvements de population et l’important est la souplesse et la mise en réseau.
Ou s’arrête le rôle de la collectivité et ou commence celui de l’Education nationale.
Yannick Bodin :
Nous avons, au Sénat, eu des échanges lors de rencontres européennes sur la manière dont notre système scolaire était organisé et on avait du mal à leur expliquer. Par exemple quand on leur dit que après 5 années d’école primaire les élèves rentrent en 6ème ils comprennent mais quand ces élèves passent en 5ème ils se demandent pourquoi on compte à l’envers ! Quand on leur explique que c’est la 6ème année avant le Bac, ils trouvent cela curieux alors que l’on leur a expliquer que dans le budget de l’Education nationale il y a d’un côté le primaire et le secondaire de, l’autre.
Il faut mettre le socle commun en place réellement et ne plus parler d’école primaire et de collège mais de réseau des établissement du socle commun. Dans notre mission d’information nous avons dégagé une piste : autour de chaque collège, il y a un réseau d’écoles primaires et qu’il y a un échange au niveau des enseignants et des équipes pédagogiques, en particulier la rupture que nous avons constaté entre le cours moyen 2ème année et la classe de 6ème. Cela est organisé sur un territoire qui implique les collectivités locales et les parents.
En France, on a longtemps critiqué les enquêtes PISA au lieu de s’interroger. Cette année les résultats ont été pris tels qu’ils sont. Cette question de mise en réseau des établissements dans le cadre du socle commun si elle est appliquée sur au moins dix ans est intéressante. On pose le problème de la bivalence (primaire/collège) des professeurs et parler aux syndicats. Quand on nous dit que 20% d’élèves qui rentrent en 6ème qui ne savent pas lire et écrire, on considère que c’est la faillite de notre système éducatif. On nous dit que 150000 élèves disparaissent à l’âge de 15 ans chaque année, alors qu’il y en a 500000 qui passent le Bac. On sait qu’il y en a beaucoup qui sortent du système après le lycée et aussi de l’apprentissage. On a conscience aujourd’hui de l’échec de ce système donc il faut modifier certaines choses. Ce rapport a été adopté par la majorité présidentielle, les communistes ont voté contre et les socialistes ont voté contre parce que l’on aurait voulu parler du projet pédagogique. Mais il y a des pistes.
Pascal Nicolle demande à l’audience comment cela se passe sur leur territoire.
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Je représente la FCPE. Comment les parents d’élèves ont-ils été sollicités à Argenteuil ?
Fabien Benedic :
L’information sur les manifestations était publique, publiée dans le journal municipal invitant les parents, les éducateurs de participer.
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Brice Lesaunier : Je suis consultant en initiatives sociales et directeur de l’association innov’action en Seine et Marne. L’école se donne trop d’importance. Elle ne peut pas seule accompagner les jeunes pour pouvoir être responsable de l’environnement dans lequel ils vivent. Dans l’association on a expliqué aux jeunes qu’ils pouvaient être des médias interactifs et devenir des vecteurs d’information.
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Martine Fourier : La ville de Nanterre a mis en place un dispositif après l’école, deux soirs d’aide aux devoirs personnalisés et deux soirées d’activités culturelles. Ce dispositif touche 60% des enfants de primaire. Les enfants circulent dans les institutions et les associations qui se sont coordonnées pour les accueillir et leur parler. C’est bien une démarche d’ouverture apprenante entre les enseignants, les intervenants municipaux et associatifs. Cela a triplé le nombre d’inscription à l’école de musique, aux activités théâtrale locale. Ce dispositif a des effets bénéfiques sur des pratiques culturelles des enfants.
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Je suis président d’une association en Haute Savoie. Dans le cadre du projet éducatif local, on a voulu monter un travail sur les questions numériques et les pratiques des jeunes de 3ème du collège technique. On fait venir des professionnelles. Un questionnaire a été donné aux jeunes pour connaître leur pratique puis on leur en a proposé d’autres. Ensuite nous proposions une formation pour les adultes, les parents pour aider par exemple à faire un exposé avec internet, mais l’Education Nationale n’a pas voulu prêter la salle informatique et cette formation n’a pas eu lieu.
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Question aux élus : s’il devait y avoir une priorité concernant une mise réseau des compétences sur vos territoires, quelle serait-elle ?
Fabien Benedic :
Le développement de l’enseignement supérieur à Argenteuil. Les jeunes manquent d’ambition, plus c’est loin plus c’est coûteux plus il y a une barrière. Nous développons un pôle universitaire.
Yannick Bodin :
Les communes savent qu’elles devront s’investir localement dans le cadre d’une politique générale de décentralisation mais elles sont dans le brouillard au niveau de la fiscalité locale et ne savent pas quelles seront leurs ressources d’intervention.Elles n’ont pas d’horizon pour les dix années à venir.
Marie Richard :
Que cela soit dans la commune ou au conseil général, l’important aujourd’hui est de trouver de l’argent et de donner envie aux jeunes d’aller à l’université. Il faut une mise en réseau des établissements secondaires avec les universités.
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Question de la salle : que fait-on des rapports parlementaires ?
Yannick Bodin :
Les rapports sont à destination du gouvernement mais chacun peut aller y trouver des éléments de réflexion et ils sont à disposition des politiques.On arrive à trouver des rassemblements autour des sujets mais la mise en oeuvre et l’interprétation de ces rapports peuvent être très différentes.