PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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" Les effets de la ségrégation à l’école

Il est difficile de discuter de la mixité sans parler de l’école. Sans entrer dans le détail de la volumineuse littérature récente, nous livrerons les éléments les plus importants du débat. Tout d’abord, les effets négatifs de la ségrégation sont avérés, du moins pour les élèves d’origine modeste. Mais, et cela peut paraître paradoxal, les effets bénéfiques des politiques favorisant la mixité restent limités et ne sont pas systématiques. Par exemple, les élèves de milieu défavorisé ressentent d’autant plus négativement leur situation sociale que leur lycée est favorisé. Ces difficultés d’intégration tempèrent les effets plutôt positifs de la mixité, notamment les effets d’entraînement sur le travail scolaire. Des enquêtes conduites aux États-Unis montrent par ailleurs que moins la présence d’un élève d’origine modeste dans un établissement favorisé résulte d’un choix (comme dans le cas d’une politique visant à promouvoir la mixité), moins les résultats sont positifs.

En outre, certains des outils supposés garantir la mixité à l’école ont des effets qui éloignent de l’objectif visé. Ainsi, lors de la récente remise en cause de l’étanchéité de la carte scolaire par Nicolas Sarkozy, de nombreuses voix se sont élevées à gauche pour contester un nouveau coup porté à la mixité sociale. Pourtant, outre le fait que la carte scolaire n’a pas été conçue à son origine pour défendre la mixité, l’obligation pour les enfants d’être scolarisés dans l’établissement de leur quartier n’est guère favorable à la mixité, au contraire même. Ainsi, l’étanchéité de la carte scolaire tend à renforcer la ségrégation qu’on veut combattre. En effet, l’obligation de devoir fréquenter un établissement mal réputé dissuade certaines familles d’emménager dans la zone de recrutement concernée. Du coup, à la ségrégation scolaire s’ajoute la ségrégation spatiale

De manière complémentaire, les contraintes imposées par la carte scolaire s’imposent avant tout aux ménages qui ne disposent pas du capital social nécessaire pour les contourner ou qui ne peuvent pas choisir leur lieu de résidence. Ces ménages sont d’abord ceux des couches populaires ou des couches moyennes inférieures. Les couches moyennes supérieures ont alors beau jeu de défendre une mixité imposée, quand elles peuvent s’en affranchir en recourant à l’école privée ou en jouant de leur connaissance du système pour contourner la carte scolaire. À l’entrée au collège, un tiers des familles ne scolarisent pas leur enfant dans le collège public du secteur, soit en l’inscrivant dans un établissement privé (20 % des cas), soit en l’inscrivant dans un autre collège public (10 % des cas). Ce sont là des moyennes : pour les collèges mal réputés, l’évitement peut être très fort, dépassant largement les 50 % . Et encore, ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les évitements par emménagement dans un quartier donnant accès à un collège bien réputé ou par l’obtention de la scolarisation de l’enfant dans une « bonne classe ».

Face à ces difficultés, d’autres politiques que la promotion de la mixité méritent d’être prises en considération (politiques qui ne sont d’ailleurs pas exclusives d’une défense de la mixité). Les premières consistent à compenser les effets de l’origine sociale. Cette dernière ne peut évidemment pas être modifiée, mais l’école peut prendre des mesures spécifiques en faveur des élèves issus des milieux populaires, en leur offrant un accompagnement pédagogique plus soutenu qu’aux autres élèves. Une autre option consiste à agir sur les territoires défavorisés. Les politiques mises en place avec les zones d’éducation prioritaires (ZEP) n’ont guère convaincu et ont pour cette raison été contestées. Mais c’est moins leur principe que leur mise en œuvre qui n’a pas été à la hauteur des enjeux. Les moyens ont tout d’abord été saupoudrés dans un trop grand nombre de zones. Ensuite, si on tient compte de la plus grande jeunesse des enseignants présents dans les ZEP, et donc de leur moindre rémunération, il apparaît que l’État n’alloue guère plus de moyens aux ZEP qu’aux autres établissements. Si l’on agissait vraiment en faveur des établissements défavorisés, ceux-ci bénéficieraient de mesures plus fortes, avec notamment des équipes pédagogiques renforcées ou une diminution du nombre d’élèves par classe. D’après une étude de Thomas Piketty, la taille des classes influerait plus sur les résultats scolaires que la ségrégation "

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Categories: 4.2 Société

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