PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Ce 12 mai, le ministère de l’Education nationale présentait la synthèse de la « grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République » lancée en janvier par Najat Vallaud-Belkacem. Le chapitre consacré aux collectivités confirme la pertinence des projets éducatifs territoriaux, contrats de ville et programmes de réussite éducative. La ministre pourra également piocher de bonnes idées pour rapprocher école et collectivités dans le rapport Delahaye « Grande Pauvreté et réussite scolaire » et dans l’avis du Cese « Une école de la réussite pour tous », rendus publics ce même jour.

« La question des parents est essentielle. » Cette intervention d’une représentante de l’Etat était censée répondre à la question « Comment favoriser le travail conjoint des collectivités locales pour favoriser la réussite éducative des jeunes ? », intitulé d’une table ronde organisée à la Sorbonne, mardi 12 mai, dans le cadre de la synthèse des assises nationales de l’opération « L’école et ses partenaires mobilisés pour les valeurs de la République » lancée le 22 janvier suite aux attentats parisiens. De fait, aucune réponse nouvelle n’est ressortie des échanges. La faute peut-être au casting : sur les six intervenants, on comptait un maire, un ancien maire et un conseiller régional.
Avec plus ou moins de force de conviction, tous les intervenants ont dit la nécessité, pour « mobiliser l’école et ses partenaires pour les valeurs de la République », de s’appuyer sur trois outils existants : les projets éducatifs territoriaux (PEDT), les contrats de ville et les programmes de réussite éducative (PRE). Sans oublier le découpage (ou le redécoupage) des secteurs scolaires – compétence partagée entre collectivités locales et Education nationale – dans le cadre d »une politique de mixité.

PEDT, contrats de ville et programmes de réussite éducative

Tout avait déjà été dit le 15 janvier dernier, lors de la rencontre organisée par Najat Vallaud-Belkacem, avec toutes les associations d’élus (voir notre article ci-contre du 15 janvier 2015) et déclinée 7 jours après en « onze mesures » (voir notre article ci-contre du 22 janvier). Le PEDT apparaît toujours comme « un cadre particulièrement pertinent pour la mise en œuvre d’actions visant à promouvoir les valeurs de la République », surtout s’il se dote d’un volet « citoyenneté ».
Et « les PRE et les contrats de ville sont des dispositifs vecteurs de socialisation aux valeurs de la République ». Une affirmation non suivie des faits si on en croit les professionnels de la politique de la ville et les élus locaux, lesquels constataient, lors d’un colloque organisé le 22 avril dernier par Ville & Banlieue, que les services de l’Etat ne jouaient pas le jeu du partenariat dans le cadre de l’élaboration des contrats de ville et tout particulièrement les rectorats (voir notre article du 27 avril 2015).

Reconnaître les politiques sociales des collectivités en faveur de leurs élèves

De bonnes idées sont aussi à prendre dans les préconisations du rapport « Grande Pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous », de Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’Education nationale, ancien Dgesco (directeur général de l’enseignement scolaire) de Vincent Peillon. Un rapport élaboré « en étroite collaboration » avec la vice-présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard, rapporteure de l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) adopté ce 12 mai et intitulé « Une école de la réussite pour tous ».
Parmi les 68 préconisations du rapport Delahaye, six touchent de près aux collectivités, tendant notamment à la reconnaissance des politiques sociales déjà menées par les collectivités en faveur des élèves scolarisés sur leur territoire. Tout comme la synthèse des assises menées par l’Education nationale, l’inspecteur général de l’Education nationale insiste pour mener « un travail conjoint Etat-collectivités territoriales sur la sectorisation ». Il observe que « pour dépasser la seule gestion des flux, préoccupation conjointe des Dasen et des conseils généraux, il faut mettre la mixité sociale au cœur des politiques de sectorisation, ce qui est loin d’être la règle générale », malgré la loi Peillon du 8 juillet 2013 qui prévoit désormais que « lorsque cela favorise la mixité sociale, un même secteur de recrutement peut être partagé par plusieurs collèges publics situés à l’intérieur d’un même périmètre de transports urbains » et du décret du 5 juillet 2014 qui en a précisé les modalités de mise en œuvre, suivi de la circulaire du 7 janvier 2015 (voir nos articles ci-contre).

« Ce n’est pas le conseil général qui peut redorer le blason des collèges les plus difficiles »

« Mais la sectorisation ne peut, à elle seule, contrecarrer totalement les phénomènes de ségrégation et de ghettoïsation », poursuit Jean-Paul Delahaye, citant un directeur adjoint de l’éducation d’un conseil général : « Ce n’est pas le conseil général qui peut redorer le blason des collèges les plus difficiles, en agissant sur les problèmes qui s’y passent ; il faudrait rendre plus attractifs les établissements, mais les collectivités ne jouent qu’à la marge là-dessus, elles ne sont pas sur le ‘hard’, la pédagogie, et le conseil général n’est pas non plus sur la mixité sociale dans l’habitat, donc on est uniquement sur le périphérique. »
Il faut dès lors, selon Jean-Paul Delahaye, conduire un travail « pour homogénéiser l’offre de formation » à défaut de quoi « la nouvelle réglementation ne serait en fin de compte que le prolongement de l’assouplissement de 2007 et profiterait donc toujours aux populations les mieux informées ».

La scolarité en internat, « un puissant levier pour la réduction des inégalités »

En matière de réussite scolaire et de réussite éducative, l’inspecteur général préconise de « coordonner dans chaque académie et en lien avec les collectivités territoriales, une politique d’aide à l’hébergement en internat pour les publics les plus en difficulté ». Plus précisément, « une politique d’aide à l’hébergement, qu’elle soit politique d’Etat avec les fonds sociaux qui sont en augmentation ou avec les crédits politique de la ville, ou qu’elle soit politique des collectivités territoriales, est indispensable et doit être coordonnée », car « la bourse ne couvre pas le coût » de l’hébergement en internat, ce qui peut conduire à en priver des enfants issus de familles démunies.
« La scolarité en internat, notamment dans le cadre de l’éducation prioritaire ou dans les zones rurales isolées, est un puissant levier pour la réduction des inégalités », estime-t-il. Il cite en exemple des « zones rurales isolées », des territoires de Guyane, de Martinique ou de Guadeloupe, mais aussi de Meuse ou des Ardennes, où « des enfants et adolescents se lèvent parfois à 4h30 du matin pour se rendre sur le lieu du transport scolaire et rentrent très tard chez eux en début de soirée ».
Par ailleurs, « l’internat peut en effet offrir aux élèves un espace de liberté, de développement de leur personnalité et de réussite scolaire dans lequel ils pourront s’épanouir », insiste-t-il, rappelant au passage la publication récente de l’appel à projets pour le programme d’investissements d’avenir (PIA) « internats de la réussite » (voir notre article ci-contre du 16 mars 2015) dont il attend beaucoup.

Permettre aux villes pauvres de « jouer pleinement leur rôle »

Deux préconisations visant à faire face aux difficultés sociales des élèves font directement intervenir les collectivités. La première suggère à l’Education nationale de faire un état des lieux chaque année (*) des actions des collectivités territoriales (communes, départements, régions) qui interviennent en appui de l’action de l’Etat, pour favoriser l’égalité entre tous les élèves dans cinq domaines : les fournitures scolaires, les transports, la restauration, les actions éducatives et culturelles et le temps périscolaire.
Jean-Paul Delahaye souligne que « des municipalités font beaucoup d’efforts pour leurs écoles, d’autres moins, ce qui pose la question de l’égalité entre les enfants sur l’ensemble du territoire national et du respect du principe de gratuité ». Il estime également que la question des inégales ressources des villes « doit aussi pouvoir être traitée dans le cadre de la politique de la ville afin de permettre aux villes pauvres qui accueillent des populations pauvres de jouer pleinement leur rôle à l’égard de ces populations ».
Dans le même ordre d’idée, la seconde préconisation serait d’intégrer un point sur la contribution des collectivités territoriales à la politique sociale des collèges et des lycées dans les rapports annuels des chefs d’établissement à leur conseil d’administration.

Des conventions ARS-rectorats-collectivités

Deux préconisations visant à faire face aux difficultés de santé des élèves font également appel à l’action des collectivités. La première serait de mettre en place des conventions agence régionale de santé-rectorats-collectivités territoriales « pour trouver des réponses locales et concrètes aux problèmes d’accessibilité géographique aux soins, en zone rurale comme en zone urbaine ». La seconde serait de poursuivre « en collaboration avec les collectivités territoriales », le développement de l’implantation de « centres médicoscolaires dans les territoires à besoins spécifiques, afin de faciliter la mise en réseau et l’organisation des réponses aux besoins identifiés ».
Sans être explicitement citées, les collectivités sont parties prenantes de nombreuses autres préconisations. Ainsi, sur la problématique de l’accès aux soins, le rapport Delahaye suggère d’augmenter le nombre de postes d’infirmiers et de médecins de l’Education nationale « pour permettre un suivi continu des élèves dans les écoles et les collèges des zones urbaines et rurales défavorisées ». Il recommande également de « faire en sorte que la restauration scolaire devienne un droit sans aucune condition restrictive ».
Face aux difficultés sociales des élèves, il invite à augmenter le nombre de postes d’assistants sociaux « pour permettre un suivi continu des élèves dans les écoles et les collèges des zones urbaines et rurales défavorisées ».

Diminuer les effectifs des classes en REP+

Une série de préconisations concernent l’éducation prioritaire : « confirmer aux responsables académiques et aux partenaires de l’école, l’objectif de porter à 30% d’une classe d’âge en 2017 les effectifs des enfants de moins de 3 ans scolarisés, dans les zones urbaines et rurales défavorisées », « scolariser 50% des enfants de moins de 3 ans dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+) en 2017 », poursuivre « de façon volontariste et pilotée » l’implantation du dispositif « plus de maîtres que de classes » dans les zones difficiles, urbaines et rurales, poursuivre le mouvement de création de postes de Rased en priorité en éducation prioritaire et dans les territoires ruraux isolés, diminuer « progressivement et contractuellement » les effectifs des classes des écoles primaires et des collèges en REP+, déployer les programmes de réussite éducative autour de chaque collège REP+ et des écoles associées et renforcer leurs actions là où ils existent…
Au chapitre de la mixité sociale, Jean-Paul Delahaye suggère que l’attribution des moyens de l’Education nationale prenne en compte l’obligation de mixité sociale, non seulement dans le public, mais aussi dans le privé. Il propose même de « différencier les dotations aux établissements privés selon des critères sociaux ». L’inspecteur général recommande également d’élaborer des chartes signées par les établissements privés et les autorités académiques « pour favoriser la mixité sociale ».

Au moins un voyage culturel ou linguistique dans une scolarité

Jean-Paul Delahaye estime que « tout élève doit pouvoir bénéficier d’un voyage culturel et/ou linguistique au cours de sa scolarité à l’école primaire et au collège et aucun élève ne doit être empêché d’y participer pour des raisons financières ». Il recommande également « une utilisation pertinente des nouveaux rythmes scolaires à l’école primaire » et une « utilisation de l’outil numérique au service de la réduction des inégalités », soulevant à ce propos le fait qu’on estime tout de même entre 5 et 10% la part des parents n’ayant pas accès à l’internet. « L’apprentissage se fait par des moyens imposés, sans tenir compte des moyens des familles, par exemple des cours à récupérer sur clé USB ou sur les tablettes », lui ont ainsi confié des parents d’ATD Quart Monde de la Réunion.
En matière d’accompagnement éducatif, il faudrait selon lui veiller à ce qu’il « puisse être maintenu dans les internats et dans les collèges hors éducation prioritaire accueillant une part significative d’élèves issus des milieux défavorisés ».
Par ailleurs, « aucune consigne concernant une recherche ou la réalisation d’un exposé, seul ou en groupe, ne devrait être donnée sans que l’enseignant n’ait vérifié au préalable que ce travail pourra être réalisé en mobilisant la documentation et les outils de recherche disponibles à l’école ou dans l’établissement », recommande le rapport Delahaye, ce qui implique pour les collectivités que « les horaires et les locaux de l’école ou de l’établissement doivent être organisés en conséquence ».

Réactiver le pacte de réussite éducative

Jean-Paul Delahaye estime qu’il faudrait « réactiver et utiliser le pacte pour la réussite éducative pour assurer la cohérence des actions conduites pour la réussite de tous les élèves ». C’est aussi l’avis du Cese qui, en complément, recommande aux professeurs de « faciliter la découverte, la compréhension du milieu et du territoire où ils enseignent » pour leur permettre de « mettre en place des projets avec les acteurs du territoire ». « Ces projets communs, entre classes, avec des acteurs du territoire, sont bien souvent la porte ouverte à la réussite de tous », estime le Cese.
A noter cette proposition originale portée par la rapporteure Marie-Aleth Grard : celle d' »éviter les fermetures d’école ou de collège dans les communes déjà mal desservies par les services publics ».
Le Cese recommande aussi d’engager une concertation avec les collectivités territoriales afin d' »actualiser le périmètre de compétences des communes en matière de dépenses obligatoires et de dépenses facultatives ». Il reprendrait ici une recommandation de la Cour des comptes de… 2003.

Valérie Liquet

(*) en conseil départemental de l’Education nationale (CDEN) et/ou en conseil académique de l’Education nationale (CAEN).

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