Quelque trois cents personnes – militants associatifs, parents, enseignants, élus… – ont planché samedi 11 avril sur les moyens d’ouvrir davantage l’école aux parents, notamment les plus pauvres. Pour les participants, il s’agit d’une condition sine qua non pour combattre l’échec scolaire qui touche les enfants les plus fragiles et leur permettre de réussir autant que les autres. La réunion s’est achevée par un appel à «essaimer dans 1001 quartiers» les expériences déjà menées sur une quinzaine de territoires.
La rencontre, qui se tenait à l’Université Paris 8 Saint Denis, a rassemblé tous les acteurs impliqués dans le projet «En associant leurs parents, tous les enfants peuvent réussir» : des associations comme ATD Quart Monde qui fut un précurseur, les PEP (Pupilles de l’Enseignement Public) ou encore la FCPE (la première fédération de parents d’élèves), mais aussi des collectivités locales, des établissements scolaires, des centres sociaux, des parents…
Un village de projets
Le réseau s’est constitué en 2010 à partir d’un double constat. D’abord, l’école française est l’une des plus inégalitaires qui soient : les enfants de milieux défavorisés y ont moins de chances de réussir que les enfants de cadres et ils sont souvent relégués aux filières de second rang. Ensuite, les parents les plus éloignés de l’école sont souvent traités de démissionnaires car on ne les voit pas aux réunions. Or cela s’explique : souvent traumatisés par une scolarité douloureuse, ils ont peur de l’école. Ou ils parlent mal le français et sont perdus devant les méandres du système français avec tous ses codes.
Dans le bâtiment D de la fac, le hall avait été transformé, pour l’occasion, en «village de projets». Debout derrière des tables, proposant des brochures ou de petites expositions, des groupes étaient venus de toute la France présenter leurs expériences.
A Nantes, dans le quartier Bottière Pin Sec où le chômage atteint 33%, on a créé un Espace parents dans deux écoles maternelles. Une fois par semaine le matin, juste après que les parents aient déposé leurs enfants, «un temps convivial» est proposé autour d’un café avec des représentants scolaires, municipaux, sociaux. La pause-café est animée par la directrice de l’école et par une éducatrice. Lors d’un atelier, l’équipe nantaise a toutefois confié ses craintes quant à l’avenir, notamment après la suppression du poste de coordinatrice dans une école dans le cadre de la réforme de l’éducation prioritaire.
Au collège Diderot de Besançon, dans le quartier sensible Planoise, ce sont des formations qui sont proposées aux parents primo-arrivants afin, notamment, de les initier au système scolaire, et de les encourager ensuite à aller inscrire leurs enfants à l’aide aux devoirs ou à des activités. Ils ont accès aussi à des cours de français. Des interprètes les assistent lors des réunions scolaires et médicales.
Comment aller chercher les parents ?
Simultanément, avec tout de même une pause sandwich à midi, des ateliers se sont succédés toute la journée dans les amphis – comment aller chercher des parents qui se tiennent en retrait de l’école, comment associer des enseignants qui souvent connaissent mal les milieux les plus précaires, comment impliquer les institutions et les collectivités dont le soutien est indispensable…
«Nous avons travaillé en petits groupes de pairs (parents ensemble, enseignants ensemble, etc), explique un père d’élèves militant d’ATD Quart Monde à la sortie d’un atelier, et plusieurs mots sont ressortis dans chacun des groupes : la formation, par exemple, et le respect. Les enseignants n’ont pas la formation professionnelle qu’il faut, quand ils arrivent en Zep, ils ne connaissent rien. Il y a aussi le respect les uns des autres. Par exemple un jeune de 14-15 ans qui marche bien, lorsqu’on sait où il habite, si c’est un mauvais quartier, on l’envoie dans une voie de garage».
Former les parents ?
«Je suis ici car j’attends du concret, je voudrais trouver les moyens de rentrer en contact avec les familles les plus éloignées de l’école, celles que l’on ne voit jamais, explique la présidente de la FCPE d’Ille et Vilaine Brigitte Compain, croisée dans le hall, notre fédération est aussi pour eux, elle pourrait les former, leur expliquer comment fonctionne un conseil de classe, ce qu’est le jeu des relations parents-enseignants, l’idée étant de les rendre acteurs et autonomes. Nous devons aussi former nos propres groupes locaux qui n’ont pas l’habitude de travailler avec eux».
«Nous sommes très intéressés par ces expériences qui montrent l’importance d’un tiers pour le lien familles-écoles, souligne Eunice Mangado de l’AFEV (association de la fondation étudiante pour la ville), nous, nous en sommes au début, mais nous avons des projets comme de mettre des jeunes en service civique dans des collèges pour animer un lieu d’accueil pour les parents.»
La rencontre s’est conclue par un engagement, après quatre ans d’expérimentation, à passer à la vitesse supérieure et à «essaimer sur 2001 territoires»… Ce ne sera pas simple. Mais les animateurs n’ont pas caché qu’ils voulaient se saisir du moment politique. La ministre Najat Vallaud-Belkacem a annoncé, parmi ses priorités, qu’elle voulait rapprocher les familles de l’école – pour l’illustrer, elle a lancé des Cafés des parents qui devaient être mensuels au départ. Chiche, lui lancent toutes ces associations.
Véronique Soulé
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