In Récit :
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Située à Nantes, en périphérie de quartier, cette école à pédagogie Freinet accueille les enfants de Malakoff mais aussi ceux venus d’ailleurs, un bel exemple de mixité et un bel exercice de pédagogie nouvelle !
Mardi 20 janvier, je rentre dans l’école Ange Guépin ; j’ai mis un peu de temps à la trouver, derrière le pont, à côté de la Loire, cette primaire est comme cachée du reste du monde. Et lorsque j’y pénètre, j’ai vraiment l’impression d’être dans un autre univers : des enfants qui circulent, l’air affairé, dans leurs mains, divers objets, collées au mur des affiches demandant aux parents de ramener bouchons, pots de yaourts vides ou encore ficelles, ici, c’est la semaine des Arts et ce n’est pas la seule spécificité de cet endroit un peu particulier…
(L’école a été fondée en 1974 à l’initiative du gouvernement de Jacques Chirac, Monsieur René Haby est alors ministre de l’Éducation Nationale. L’idée lancée est de créer une école ouverte, décloisonnée, autant dans l’espace matériel qu’intellectuel. Un inspecteur de Loire Atlantique s’intéresse au projet et décide de créer une nouvelle école dans le quartier de Malakoff. De 1974 à 1991, l’école pratiquait une pédagogie différenciée sous la houlette du premier directeur, M. Sévère ! Ce n’est qu’après son départ, me dit M. Oury, l’actuel chef d’établissement que le groupe de pédagogie Freinet a récupéré le projet pour que ne retombe pas le projet initial d’en faire une école différente !) Peut être que cette partie alourdit un article déjà long, devrais je le mettre en encadré à côté ?
« L’école est ouverte sur le quartier, nous travaillons avec les parents que nous faisons intervenir régulièrement, avec les associations et avec la maison des Haubans dans laquelle nous allons souvent » commence par me dire Fernand Oury, directeur et enseignant. Bien que prioritaires, les enfants du quartier ne représentent que 30 à 40 % des effectifs de l’école ; une marge que le directeur voudrait agrandir pour obtenir une plus grande mixité parmi les élèves. Mais cet établissement se rajoute à deux écoles qui pré-existaient dans le quartier et n’est donc pas sectorisé, pour y venir, il faut faire la démarche d’y inscrire son enfant.
Djilan, 11 ans, élève en CM2 est inscrit à l’école depuis 3 ans. Sa mère l’a changé d’établissement après la survenue d’incidents dans sa première primaire. « Les CM2 cassaient des vitres, me dit il, je trouvais ça bête mais mon meilleur ami était là bas, je suis un peu triste de l’avoir quitté »
Pour une mère d’élève que j’ai croisé en sortant, l’école a réputation d’être plus stricte que les autres du quartier, elle y a inscrit son enfant directement après la maternelle afin d’éviter tout risque.
Pourtant m’affirme le directeur « Nous ne distinguons pas de différences comportementales entre les enfants du quartier et ceux venus d’ailleurs. L’hétérogénéité aide au contraire à se construire plus de repères. Nous sommes contents d’avoir de la mixité afin de pouvoir mener avec les enfants un travail sur la différence »
Quelle différence d’ailleurs existe t’il entre une école dite classique et celle à pédagogie Freinet ?
Premièrement nous dit Jeanne, 10 ans, élève en CM2, « Les enfants ont des droits, l’école nous fait confiance et on apprend à son rythme » En effet, ici, les enfants ne sont pas notés mais évalués d’Assez bien à Très bien. M.Oury complète « On évalue les enfants sous forme de brevets quand ils pensent avoir acquis les notions et qu’ils se sentent prêts » Et lorsque le professeur le décide, on peut sortir du cadre rigide de la salle de classe et aller travailler où l’on se sent le mieux, dans les couloirs aménagés, dans d’autres classes, dans la salle de lecture, c’est la libre circulation.
Nathanaëlle, 9 ans ½, m’explique ensuite le fonctionnement de la recherche documentaire et du travail personnel « On décide d’un sujet qu’on veut et puis on lit des textes dessus qu’on doit présenter à la classe, moi je fais sur les amérindiens » Tous ont des sujets de recherche aussi passionnants, le Kiwi, l’oiseau et non le fruit, le système solaire et Jeanne d’Arc pour Jeanne qui n’avait pas trop envie de se casser la tête ! « Mais, rajoute Nathanaëlle, des boucles brunes entourant sa tête qui se secoue, ce n’est pas facile de parler devant toute la classe. Moi, je suis un peu timide »
Dans cette école, il y a 5 classes, toutes à double ou triple niveau. « Ainsi, m’explique le directeur, l’enfant n’ pas pour seul référent l’adulte mais peut aider et se faire aider par ses camarades. Cela permet de sortir de la croyance que le professeur seul détient le savoir et en même temps valorise les enfants »
Tristan, 9 ans, élève en CM1 rajoute « A la fin de la journée, quand on fait le bilan, on peut féliciter quelqu’un qu’on trouve qu’il a fait des progrès » Une bonne manière de renforcer la solidarité de la classe !
L’école, il est vrai, fait confiance aux élèves, elle leur apporte autonomie et ouverture d’esprit ? Au niveau du travail, Mariam, 10 ans, élève en CM2 me dit « On a des fiches de travail qu’on doit remplir pendant la semaine mais au rythme qu’on veut et quand on a fini, on peut faire ce qu’on veut » Enfin dans la liste des activités proposées en tableau en tout cas : lecture, sport…
Pour Freinet et l’école Ange Guépin, l’enfant n’est pas qu’un élève, il vient en classe dans sa globalité, avec ses soucis, ses joies et ses envies. Il est donc normal qu’il se sente aussi impliqué par sa scolarité que ses professeurs mais parfois me dit Djilan, tant de responsabilité l’embête un peu « Je préférerais ne pas avoir de droits plutôt que de risquer de les perdre parce que là les parents sont vraiment très en colère ! »
Tous les vendredis, les élèves peuvent présenter au reste de l’école un spectacle de leur choix : récitation d’un poème, représentation d’une scénette, danse ou chant. Puis pendant le Quoi de neuf ?, les enfants racontent une anecdote personnelle de leur choix aux autres. Également, chaque classe se réunit souvent en conseil avec trois rubriques, « Je propose, je désire, je critique », ce qui permet aux enfants de gérer leurs problèmes et leurs envies. Différents exercices qui font travailler la confiance en soi, l’écoute et l’esprit critique. Peut être est ce une bonne solution pour habituer nos jeunes citoyens à plus d’entraide dans l’avenir.
« Ici, les cours m’intéressent » déclare Nathanaëlle, qui n’en peut plus de tenir sur sa chaise alors au bout de 45 minutes d’interview passionnante, je les laisse repartir, bien contente, malgré moi de les avoir fait échappé à la dictée…
Peu connue et reconnue dans le quartier comme en France, la pédagogie Freinet a pour le moins le mérite de proposer quelque chose de différent en prenant l’élève pour ce qu’il est, c’est à dire un esprit curieux, toujours en éveil et surproductif ! Et ce ne seront sûrement les cinq enfants que j’ai rencontré qui me feront mentir !
Article d’origine : http://blogueursnantais.wordpress.com/2012/01/31/ange-guepin-une-ecole-un-peu-speciale/