Bon nombre de sociologues s’accordent le fait qu’il existe un « marché scolaire» où les comportements opportunistes des familles varient en fonction de leur capital culturel et de leur connaissance du système éducatif. Cette concurrence est renforcée dans certaines régions par la co-présence de l’enseignement public
et de l’enseignement privé, ce dernier constituant un avantage comparatif pour les familles cherchant à contourner la sélection scolaire. Les établissements ne peuvent ignorer cette situation et ils élaborent différentes stratégies pour y
faire face. Elles consistent par exemple, à jouer sur les différence d’options pour attirer les meilleurs élèves ou bien encore créer de nouvelles filières de formation pour susciter l’intérêt des familles. Certains établissements créent des classes d’excellence ou maintiennent artificiellement des options aux effectifs réduits pour éviter un effondrement brutal de leur recrutement.
Toutes ces stratégies participent de la politique de l’établissement qui désormais, doit se montrer apte à se construire une image et une réputation, J.L. Derouet, Y. Dutercq, 1997.
Un courant libéral associant technocrates et industriels milite pour faire de l’école, «un grand marché du XX siècle» (Le Monde diplomatique, juin 1998). Les nouvelles technologies de l’information et de la communication suscitent la convoitise des marchands qui prévoient d’importants investissements financiers et humains pour satisfaire aux besoins (solvables) d’équipement des populations vouées à
l’apprentissage à vie. Certaines propositions comme le « bon scolaire» remettent en cause l’idée d’un service public de l’enseignement pour tous. Croyant aux vertus de la régulation par le marché sur l’intervention étatiste, certains idéologues libéraux jugent «l’école à la Française» comme étant trop coûteuse, inefficace et coupée des réalités économiques et technologiques qui traversent le monde des entreprises. Le désengagement de l’État signifierait la fin de l’école comme priorité nationale en matière de dépenses publiques. «Ce renversement trouve sa source dans la concurrence croissante d’autres besoins sociaux, comme l’environnement, l’emploi,
la vieillesse, la santé », F. D’Orivel (la Lettre du Monde de l’éducation, 9 septembre 1996). L’E-Iearning accélère la mondialisation et la marchandisation de l’offre éducative, et menace les enseignements de service public. Pour les responsables de l’Internationale de l’éducation, lE, 2001, l’éducation n’est pas un bien commercialisable; il faut donc exclure la possibilité de livrer les services éducatifs à l’Organisation mondiale du commerce, OMC, afin de défendre l’offre de services publics de qualité. Même conclusion du Forum mondial de l’éducation de Porto Alegre (Brésil, octobre 2001) qui plaide en faveur «d’une éducation publique pour tous comme droit inaliénable, garanti et financé par l’État, inconciliable avec les lois du marché ».