Le Grand Larousse du vingtième siècle définit « loisir » , ainsi: « libre dispoisition de son temps », de l’ancien verbe loisir: être permis. Il propose comme unique synonyme: « désoccupation ». Ce n’est que par extension, que le mot loisir acquit le statut d’un temps plein et occupé: « distractions, occupations auxquelles on se livre se don plein gré pendant le temps qui n’est pas pris sur le travail ordinaire ». Le terme grec de scholê a aussi donnée « école ».
Diderot dans L’Encyclopédie envisage le loisir comme le « Temple vide que nos devoirs nous laissent ». Notre société contemporaine n’aurait-elle pas perdu le sens du loisir studieux en confondant le temps libre avec le temps libéré? Pour J.Dumazedier, 1962, 1988, 2000, les métamorphoses du travail (autrefois le repos n’était pas loisir mais récupération de la force de travail) ont engendré une nouvelle société du temps libre: « la révolution culturelle du temps choisi ». Or depuis 150 as de E.Durkheim à P.Bourdieu, en dehors de quelques problèmes de la croissance du temps libre et les a trop souvent oubliés voire occultés. Pourtant la durée du travail, ne cesse de diminuer au point que, dans la durée d’une vie éveillée, moins de 12% est consacré au travail et ce chiffre même n’arrête pas de diminuer, R. Sue, 1994.
J. Dumazedier et A. Ripert, 1966, considèrent que les loisirs manifestent quatre caractéristiques essentielles: les caractères libératoire, gratuit, hédonistique et personnel. « Le loisir est la partie la plus étendue du temps de travail, professionnel et familial. Cette partie s’étend au détriment des pratiques et valeurs socio-religieuses et socio-politiques qui sont en interaction avec celles du loisir. Ces dernières sont orientées vers une libre expression de soi, une spontanéité plus grande dans les relations sociales et une pratique plus désintéressée de la nature. Sans doute sont-elles les sources majeures du renouveau de la sociabilité y compris dans les temps socialement contraints qui conditionnent le loisir tout en étant influencé par lui. »
Le loisir ne définit a priori aucun contenu d’activité. Un certain nombre d’activités peuvent s’organiser autour de la production de la valeur d’usage, voire de valeurs d’échange. Le loisir se présente comme une enveloppe de temps libéré des temps de contrainte. Le temps libre est aujourd’hui le temps de vie le plus long, même si le temps contraint continue à organiser et à déterminer les temporalités de la vie sociale.
Beaucoup de loisirs ne visent pas à la réalisation de soi. Mais la « force de loisir » tend à renouer le lien social que l’éloignement de la religion, de la famille, de l’action politique ou syndicale et le chômage de masse, dans lequel le sport occupe une place prépondérante. Le temps de loisir s’est accru, et les pratiques sportives occupent une part importante des moments qui ne sont pas consacrés au travail ou aux obligations familiales. L’essor des loisirs est du à l’évolution générale du système économique et social; ils pèsent de plus en plus lourd malgré toutes les dépressions et les récessions successives.
Il est probable, si l’on en croit les observations de Bauer et Duchéchot, 1989, que pour les jeunes en échec scolaire, le temps libre et la liberté renvoient plus au sens premier de loisir (libre de, temps vide de la désoccupation) qu’au sens second (temps plein de l’occupation agréable). Le temps non scolaire (7 mois de loisirs) est « la face cachée de l’éducation », De Vulpillières, J-F, 1981.
L’opposé du loisir, ce n’est pas le travail, mais le sérieux des affaires, le risque de l’entreprise, l’exécution des contrats, l’engagement irréversible et le paiement comptant (otium versus negotium). Pour l’auteur de l’avènement des loisirs (1850-1960), A. Corbin, 1995, la notion d’otium se réfère à l’histoire de l’antiquité pour désigner le loisir cultivé et utile. Il désigne un loisir philosophique, qui se décline entre hospitalité, villégiature et intervention au sein de la cité. Il suppose, tout à la fois, réflexion et délassement.