Résumé
Plus de 100 000 enfants, adolescents ou jeunes adultes sont éloignés
de l’école en raison de la maladie ou du handicap dont ils sont porteurs et qui nécessitent une hospitalisation de longue durée ou un accompagnement médico-éducatif lourd.
Il faut souligner l’extrême diversité de leurs situations et des modalités de leur prise en charge : entre la population, certes majoritaire, accueillie dans les IME et elle?même très hétérogène, et le public des ITEP, ou celui des hôpitaux de jour, ou encore les jeunes
porteurs de poly?handicaps, d’une déficience sensorielle ou d’une grave maladie organique, on peut observer des différences considérables.
La loi reconnaît à tous ces jeunes un triple droit :
– le droit d’accéder, autant que possible, à un établissement scolaire de droit commun, avec les élèves de leur âge ;
– le droit à une scolarité les conduisant, comme les autres, au plus haut niveau d’inclusion possible dans la société ;
– le droit à une adaptation de leur parcours de formation initiale à leurs besoins et aux contraintes qui résultent de leur handicap ou de leur maladie, à travers un projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Afin de garantir et de mettre en œuvre ce droit, les textes d’application de la loi du 11 février 2005 prévoient la création d’unités d’enseignement (UE) dans les structures spécialisées où sont accueillis ces élèves.
Ces unités regroupent des enseignants dont la mission est, avant tout, d’organiser, de mettre en place, d’accompagner et de réguler le parcours de formation de chaque élève à partir du cahier des charges que constitue le PPS formulé par la MDPH.
À travers les unités d’enseignement est attendu un changement profond par rapport aux dispositifs «scolaires» préexistants :
– un changement de perspective : il ne s’agit plus, ou plus seulement,
de «scolariser» les jeunes accueillis dans une école interne pour les faire bénéficier d’un enseignement élémentaire, mais bien de concevoir pour chacun et de réaliser un projet de formation dont la finalité est la plus grande autonomie possible dans sa vie d’adulte et sa participation à la société ;
– un changement de rôle et de posture des enseignants : leur première responsabilité est désormais de dessiner, de mettre en place et d’accompagner le parcours de chaque élève ; l’enseignement
qu’ils dispensent n’est qu’un élément de ce parcours ; l’organisation même de l’équipe pédagogique et son «emploi du temps» sont déterminés par les besoins de chaque élève et les objectifs qui en découlent ;
– un changement de cadre : l’unité d’enseignement n’est pas une école interne.
Les activités qui y sont conduites se réfèrent à l’école ordinaire et, chaque fois que possible, y prennent place.
Elle vise à permettre à chaque élève qui lui est confié de vivre et d’apprendre avec les autres jeunes de son âge.
Ce changement attendu a?t?il été accompli ?
À ce stade, la réponse ne peut qu’être négative.
Formellement d’abord, la signature des conventions constitutives a beaucoup tardé et est loin d’être achevée.
Elle n’a modifié ni le volume des moyens attribués ni même leur répartition, si ce n’est à travers la suppression de quelques postes, en particulier de direction.
Le fondement même des unités d’enseignement n’est pas en place : les jeunes accueillis dans les établissements médico?sociaux et de santé arrivent sans «projet personnalisé de scolarisation » et, dans la grande majorité des cas, sans même une prescription faisant état de leurs besoins de formation, ne serait?ce que pour leur assurer la continuité du parcours engagé.
Il est donc illusoire d’attendre que le projet de l’unité d’enseignement soit «élaboré à partir des besoins des élèves dans le domaine scolaire, définis sur la base de leurs projets personnalisés de
scolarisation»1.
Il est difficile de dire que la formation mise en place répond aux besoins de l’élève, alors que les études disponibles ainsi que les constats de la mission relèvent un nombre important de jeunes dont le nombre reste difficile à arrêter (10 000 ? 20 000 ? 30 000 ?) qui ne bénéficient d’aucune forme de scolarisation, et que le volume d’enseignement dispensé aux autres est souvent très faible.
Peut?on parler de parcours de formation quand l’entrée dans l’établissement spécialisé s’accompagne, dans la majorité des cas observés, d’une réduction sensible du temps «de classe» ?
Si on peut comprendre que les contraintes thérapeutiques ou la gravité du handicap limitent les possibilités de scolarisation, il est plus difficile d’admettre que la décision de scolariser ou de ne pas scolariser, de réduire le temps de formation ou d’assurer un temps complet ne résulte pas d’une décision de la CDAPH fondée sur une évaluation par une équipe pluridisciplinaire, comme la loi le prévoit.
L’activité scolaire elle?même reste conçue, quel que soit le type d’établissement, sur le modèle antérieur d’un enseignement primaire fondé sur une répartition hebdomadaire stable offrant à de petits groupes d’élèves (d’un à six) des temps de classe variant d’une
ou deux heures à une vingtaine d’heures avec des contenus centrés sur le français et le «calcul».
L’implication des professeurs n’est pas en cause.
L’attention portée à chaque élève est réelle et la volonté d’intégrer l’enseignement dans un travail d’équipe, ouvert aux autres professionnels, a été constatée dans la plupart des sites visités.
En revanche, les jeunes concernés, à l’exception de ceux qui sont porteurs de troubles «physiques» et d’une partie du public des ITEP, ne sont pas engagés dans un parcours de formation poursuivi jusqu’à la sortie et mis en œuvre par l’unité d’enseignement.
Les temps de scolarisation se réduisent progressivement à partir de 12 ou 14 ans et la responsabilité de l’équipe pédagogique, limitée aux
apprentissages fondamentaux, ne s’étend qu’exceptionnellement à la formation professionnelle.
Si l’encadrement des établissements et les équipes enseignantes affichent une volonté inclusive, le nombre des scolarités partagées n’a que faiblement augmenté.
De même, les implantations d’unités d’enseignement ou, pour le moins, de classes dans des établissements ordinaires restent très minoritaires et, presque toujours, résultent de démarches antérieures à 2009 et, pour la plupart, à 2005. Le dispositif d’enseignement n’a que peu évolué au cours des dernières décennies.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat : la multiplicité des acteurs concernés et l’éparpillement des responsabilités au niveau territorial, l’absence de données fiables et actualisées, y compris sur
l’effectif à prendre en compte, le défaut de pilotage qui en résulte,
l’insuffisance de l’impulsion nationale et de la communication autour
du changement attendu.
Cette situation appelle une mobilisation forte de l’ensemble des acteurs et, en particulier, de l’éducation nationale. Cependant, la mise en place effective d’unités d’enseignement, répondant aux besoins de chaque élève, avec l’ambition de le conduire au plus haut niveau d’inclusion possible, suppose aussi que les MDPH assument pleinement la mission que leur a confiée le législateur, en formulant, pour chaque jeune handicapé orienté vers le médico?social ou accueilli dans un établissement sanitaire, un véritable projet de scolarisation.
Les Agences Régionales de Santé (ARS), signataires des conventions,
auront un rôle à jouer dans l’évolution de l’offre d’accompagnement médico?sociale qu’une véritable mise en œuvre des unités d’enseignement appellera inévitablement.
Si une impulsion forte de l’institution et la réalisation de PPS apparaissent comme les premières conditions du changement attendu, celui?ci impose aussi d’agir dans trois directions :
– ajuster les ressources humaines aux besoins de formation des élèves accueillis ;
– faire des conventions constitutives des unités d’enseignements des
leviers pour en transformer le fonctionnement ;
– favoriser un pilotage efficace par l’installation d’indicateurs pertinents et une évaluation effective des unités d’enseignement.
Enfin, il convient de prendre en compte la très grande diversité des situations des jeunes concernés et des établissements qui les accueillent.
En particulier, le statut même des établissements hospitaliers ou la spécificité du public accueilli dans les ITEP requièrent des approches
différentes.
1 Arrêté du 2 avril 2009 – article 2.
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