In La gazette.fr – janvier 2014 :
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[…] Le Compas publie pour la seconde fois, avec la Gazette des communes, des données sur les taux de pauvreté des 100 plus grandes communes de France, des chiffres inédits. Les taux s’échelonnent de 7 à 45 % et montrent les écarts qui structurent la France des grandes villes. Cette année, nous mettons un coup de projecteur particulier sur les arrondissements des trois plus grandes communes de France : Paris, Lyon et Marseille. Là aussi, les taux moyens masquent des inégalités considérables, avec des taux pouvant dépasser 40 % dans certains territoires.
45 % à Roubaix (Nord), 44 % à Saint-Pierre (La Réunion) et 43 % à Tampon (La Réunion). Le Compas publie des données exclusives sur les taux de pauvreté des plus grandes communes de France, pour l’année 2011. Les niveaux sont très semblables à nos premières estimations pour l’année 2009 publiées en 2012 (1) même si, la méthodologie ayant évolué (voir la méthodologie), il n’est pas possible d’utiliser ces données pour en tirer des enseignements sur l’évolution de ces taux.
Le phénomène qui frappe reste l’ampleur de la pauvreté dans les communes d’Outre-mer : la moitié des dix communes où le taux de pauvreté est le plus élevé – supérieur à 32 % – se situent dans ces départements. Des territoires où l’extrême richesse côtoie la plus grande pauvreté, comme nous l’avons montré (2).
La pauvreté, moins marquée à l’Ouest – Notre classement fait ensuite ressortir des communes de localisation très diverse. La pauvreté est aussi bien ancrée dans des villes du Sud, comme Béziers, Perpignan, Avignon ou Nîmes, que du Nord et de l’Est comme Roubaix, Calais ou Mulhouse. Certaines métropoles importantes comme Marseille, Montpellier ou Lille figurent aussi parmi les territoires où le taux de pauvreté est le plus élevé.
On trouve bien entendu des communes de la banlieue Nord de Paris (Aubervilliers, Pantin, Sarcelles, Epinay-sur-Seine…) où la pauvreté atteint ou dépasse le tiers de la population. Seul l’Ouest, de tradition moins inégalitaire et moins marqué par la crise, est moins représenté.
Plusieurs facteurs expliquent ces hauts niveaux de pauvreté. L’emploi tout d’abord : le taux de pauvreté est le plus élevé là ou l’emploi manque le plus. De Roubaix à Mulhouse en passant par Nîmes, certaines villes ont été marquées par le déclin industriel.
Mais l’emploi fait aussi défaut dans certains territoires moins sinistrés, mais qui attirent particulièrement la main d’oeuvre – c’est le cas de Montpellier par exemple.
Multiples facteurs – Mais d’autres facteurs interviennent comme le type de peuplement des communes (et par exemple l’implantation de populations immigrées démunies), l’histoire des politiques locales de logement social et l’évolution des prix de l’immobilier ou l’existence d’un parc privé accessible à des catégories défavorisées.
L’ampleur de la pauvreté des communes du Nord de Paris est en partie la conséquence de la flambée des prix dans la capitale, qui repousse les habitants les plus modestes.
Neuf des dix communes où le taux de pauvreté est le plus faible (entre 7 et 10 %) sont situées dans l’Ouest parisien, qui compose le coeur aisé du pays : les prix de l’immobilier locatif y sont très élevés et les politiques de logement social beaucoup moins développées qu’ailleurs.
Estimations les plus fines… – Ces données donnent une première approche, unique en France, de la pauvreté des territoires. Elles constituent le niveau le plus fin des données rendues publiques sur les niveaux de vie, après impôts et prestations sociales (3). Les seules données locales publiées par l’Insee ne prennent pas en compte ces éléments.
… et des effets de seuil – Elles doivent être utilisées avec beaucoup de précaution. D’abord parce qu’il s’agit d’estimations (voir la méthodologique) de prestations et non des montants effectivement perçus par les ménages.
Ensuite, notre classement est très dépendant du seuil de population que nous utilisons : les 100 plus grandes villes situent environ à 54 000 minimum le nombre d’habitants. En fixant le seuil à 30 ou 10 000 habitants, le classement aurait été différent.
Si l’on intègre toutes les villes de plus de 10 000 habitants, on voit notamment apparaître un grand nombre de communes de banlieue parisienne, comme Clichy-sous-Bois (45 % de pauvres) ou Grigny (43 %) ou des départements d’Outre-mer comme Le Port, 38 000 habitants, au nord-ouest de la Réunion, où le taux de pauvreté s’élève à 55 %. A l’opposé, les communes des Yvelines de Croissy-sur-Seine, Voisins-le-Bretonneux ou le Vésinet, comptent seulement 5 % de leur population vivant sous le seuil de pauvreté.
Comme le montre notre étude spécifique sur les arrondissements de Paris, Lyon et Marseille, l’observation à un échelon plus fin que la commune permet de nuancer nos jugements.
Paris compte 14 % de pauvres en moyenne, mais le taux de pauvreté y atteint plus de 20 % dans des arrondissements qui regroupent 200 000 habitants et qui donc mériteraient d’intégrer notre classement. Le taux de pauvreté peut aller jusqu’à 75 % dans certains quartiers de Marseille, trois fois plus que la moyenne de la ville…
Cette étude aide donc à lire la situation sociale du territoire et appelle à une analyse fine des différentes échelles d’observation. Elle fait apparaître les lacunes qui persistent en matière d’information statistique.
Seules nos données incluent une évaluation des prestations sociales, et il paraît aujourd’hui délicat d’estimer les niveaux de vie des territoires sans les prendre en compte, ce qui semble pourtant le cas dans la nouvelle géographie de la politique de la ville.
Elles montrent aussi comment, pour bien comprendre les situations, il est indispensable de mener une approche combinant les données sur les revenus mais aussi la composition sociale ou l’état du logement social par exemple (4).
[Retrouvez d’autres analyses sur le site du Compas, rubrique Publications.]
Notre méthode d’estimation des niveaux de vie
Le taux de pauvreté estimé à 60 % du revenu médian est le pourcentage de ménages qui perçoivent moins de 60 % du revenu médian national, pour lequel la moitié de la population dispose de ressources supérieures et l’autre inférieures, après impôts directs et prestations sociales. Le seuil de pauvreté est de 977 euros en 2011.
Les estimations du Compas sont réalisées à partir des données fiscales communiquées par l’Insee pour toutes les communes, pour l’année 2011. Mais l’Insee ne fournit pas le niveau des prestations de façon aussi fine.
Pour le déterminer, nous avons imputé aux revenus déclarés perçus localement l’équivalent des prestations reçues et des impôts payés au niveau national, en fonction des niveaux de vie.
Il s’agit donc d’une approximation qui ne reflète pas les revenus réellement perçus par les ménages de chaque ville. Les prestations varient peu au niveau local. L’écart entre les niveaux de vie réels et nos données peut provenir essentiellement de la composition des ménages, différente selon les villes (plus ou moins de familles, de personnes seules, de jeunes ou de plus âgés, etc).
Attention : ces données diffèrent de celles diffusées en juillet 2012. Nos estimations étaient effectuées après prestations mais avant impôts, qui sont désormais intégrés. Il est impossible de calculer une évolution à partir de ces deux documents.
Voir «Premières estimations du taux de pauvreté des plus grandes communes de France», Compas études n°2, août 2013. – Retourner au texte
Voir «Les départements d’Outre-mer marqués par les difficultés sociales et les inégalités», Compas études n°9, octobre 2013. – Retourner au texte
Nous estimons aussi des données par quartier, non publiées. Voir aussi nos données sur les arrondissements parisiens. – Retourner au texte
Voir « Politique de la ville, les revenus ne font pas tout », Hervé Guéry. – Retourner au texte