Alors que la Gazette publie cette semaine un dossier consacré aux nouvelles formes de participation citoyenne, Pascal Aubert, coordinateur du Collectif Pouvoir d’agir, juge indispensable de remettre les habitants au centre de la décision publique et appelle les élus à revoir leur façon d’exercer le pouvoir.
Pour réussir, la politique de la ville doit s’appuyer sur les habitants. A cet effet, de nouveaux outils ont été créés comme les conseils citoyens ou les maisons du projet. A quels besoins répondent ces nouveaux outils de la participation citoyenne ?
Ces nouveaux outils sont nés du constat que la participation des habitants de la politique de la ville n’avait pas cessé de faiblir dans la dernière période. Pourtant, dès 1983, le rapport fondateur d’Hubert Dubedout insistait sur cette dimension participative en faisant des habitants d’un quartier les acteurs de la transformation du territoire. Malheureusement, au fil des années, la politique de la ville s’est transformée en une politique faite pour les habitants et non plus avec. Il est donc indispensable de repenser cette politique de la ville et de remettre à l’ordre du jour les fondamentaux de sa mise en œuvre : les habitants ne sont pas seulement les bénéficiaires de l’action publique mais sont aussi partie de la solution dans leur capacité à agir, à entreprendre et à se mettre en mouvement.
Quels sont les enjeux de cette participation citoyenne ?
C’est un enjeu qui dépasse la politique de la ville. La démocratie locale dans les quartiers populaires est en mauvais état. Il suffit de constater l’effondrement du taux de participation aux élections pour le comprendre. Dans ces quartiers, c’est l’abstention qui gagne et personne d’autre.
Les nouveaux outils visent ainsi à essayer de remettre en route des espaces qui permettent la participation des milieux populaires. Tout le monde s’accorde là-dessus. Mais un an et demi après la mise en application de la loi de François Lamy, nous ne pouvons que constater que cela peine à décoller. Globalement, dans les villes où préexistaient des formes de participation, on a relancé la machine avec les nouvelles appellations de conseils citoyens ou de maisons du projet. Dans les autres, où rien ne se passait, ça ne bouge toujours pas.
Quels sont selon vous les bénéfices attendus ?
La participation des habitants peut changer énormément de choses. Nous avons la conviction qu’un bout de l’amélioration de la situation concrète dans les quartiers réside dans l’initiative citoyenne, dans la société civile. C’est-à-dire la capacité des habitants à se mobiliser, à s’engager et à se structurer de manière collective pour entreprendre des choses. Car tout ne repose pas sur les politiques publiques. Il faut en finir avec l’illusion de la toute puissance de l’action publique.
C’est fondamental car sur les questions de sécurité, d’éducation, d’insertion, il y a un bout de la réponse qui doit être articulée avec des initiatives citoyennes.
En outre, nous pensons que l’efficacité de ces politiques publiques est suspendue à l’adhésion des habitants des quartiers. Elles doivent donc être co-construites avec eux. Car plus on est loin sociologiquement des gens pour lesquels on veut faire mettre en œuvre une action, plus il y a de chance qu’on ne les touche pas.
Comment y parvenir ?
Je le répète, il y a un double enjeu : d’une part, améliorer les politiques publiques pour qu’elles soient plus efficaces en les fabriquant avec les gens, et, d’autre part, faire confiance à la capacité d’initiative des habitants.
L’ambition est de redresser le tir, de relancer une politique de la ville qui s’est en grande partie consacrée depuis dix ans à la rénovation urbaine au détriment de la situation sociale des habitants. Ce qui, à mon avis, est une erreur de fond. Car ce n’est pas la forme urbaine qui créé la pauvreté, la délinquance ou l’échec scolaire.
Il faut désormais convaincre les pouvoirs locaux à s’ouvrir à l’initiative citoyenne. Car le verrouillage est de notre point de vue de ce côté-là. Bon nombre d’élus doivent envisager une nouvelle façon d’exercer leur pouvoir. Ils ont une révolution culturelle à faire.