C’est la semaine des »élections de parents d’élèves ». Contrairement à une idée répandue, les rapports entre les enseignants et les parents ont de longue date été loin d’être idylliques. Quelques exemples historiques, parmi bien d’autres possibles.
« Les parents, ce fléau des écoles, sont convaincus du tort des maîtres. L’enfant indocile répond effrontément aux réprimandes que son maître lui adresse ; et s’il subit une punition ce n’est qu’en menaçant son maître et quelquefois en l’injuriant. Ses parents le soutiennent. Quand le maître, pour mettre une digue à tant d’insubordination veut sévir, l’enfant indocile lui répond fièrement : » je ne veux pas être puni, je suis innocent ; vous êtes injuste, je le dirai à mes parents qui le diront à d’autres ». Et les parents viennent vous assaillir. Autrefois le maître était craint ; aujourd’hui on en rit parce qu’on ne le craint plus »(« Réponse à l’enquête de 1861 » de Rouland, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III).
Rapports d’inspecteurs primaires de la Seine-et-Oise sous la troisième République (thèse soutenue à Paris IV par Delphine Mercier en 2002).
« Selon l’inspection, la réussite de l’enseignement de la morale tient à deux éléments qui peuvent facilement devenir des obstacles de taille : la famille et les maîtres. »Indispensable » au succès de l’éducation morale, »le concours de la famille » est, selon l’inspecteur Martin, encore rare en 1893. À ce désintérêt des parents, voire à leur mauvais exemple s’ajoutent les dangers rencontrés par l’enfant. Pour l’inspecteur Plâtrier, chaque milieu social recèle ses dangers : les centres industriels où »le mal est pire que partout ailleurs’‘ ; enfin, les campagnes, où « la dépravation subsiste, bien qu’elle soit plus restreinte et moins efficace’‘. À ces causes largement reprises par l’ensemble de la presse pédagogique dès 1900, s’ajoutent celles qu’évoque l’inspecteur d’académie de la Seine, en 1912 : » Désordre de notre civilisation industrielle, manque d’enseignement professionnel, crise de la puberté, désorganisation de la famille, voire désarroi des croyances et des idées sont des causes qui produisent dans tous les pays d’Europe les mêmes effets » ».
Dans sa thèse, Delphine Mercier note que « l’inspection ne se contente pas de dénoncer cette situation : »l’autorité des maîtres n’a rien à gagner à ce divorce entre les deux principales forces d’éducation du temps présent » souligne alors l’inspection ».
En 1968, les parents d’élèves entrent dans les conseils d’administration des établissements secondaires. A partir de 1975, ils sont représentés dans les conseils d’école (malgré une opposition initiale très vive du Syndicat national des instituteurs). En 1985, les parents et élèves délégués représentent un tiers des membres du conseil d’administration dans les établissements secondaires. Les représentants des parents participent aux conseils de discipline et aux commissions permanentes. Au sein des conseils d’école, les parents délégués sont en nombre égal à celui des enseignants. Des représentants de parents d’élèves siègent dans les commissions d’appel et dans les conseils départementaux et académiques de l’Education nationale.
La loi d’orientation de 1989 consacre les parents comme partenaires à part entière du système éducatif, membres de la communauté éducative, associés aux projets d’établissement. La dernière loi d’orientation, celle du 8 juillet 2013, évoque même dans ses annexes la »co-éducation’‘. Et, dans la section 1, celle des »principes de l’éducation », il est formellement indiqué que « pour garantir la réussite de tous, l’Ecole se construit avec la participation des parents, quelle que soit l’origine sociale ».
A l’évidence, les politiques scolaires proclamées et décidées concernant la place des parents d’élèves dans l’Ecole publique ont beaucoup évolué. Mais, à l’évidence aussi, il s’en faut de beaucoup pour que ce soit une réalité effective dans tous les établissements scolaires et, surtout, pour tous les parents d’élèves.
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