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Monsieur Vincent Peillon a raison de vouloir redonner le sens des valeurs à nos élèves soumis à toutes sortes d’influences néfastes, qu’elles s’appellent argent facile, futilités, irrespect, violences, comportements contestables… Lutter contre les mauvais exemples donnés par une société en crise passe aussi par la recherche de l’exemplarité des comportements publics, tâche à laquelle le gouvernement s’est attelé. Encore convient il de ne pas être velléïtaire et de faire preuve de détermination dans des domaines aussi exemplaires pour le citoyen tels la lutte contre la corruption , le serpent de mer de l’interdiction du cumul des mandats ….
L’école, à l’écoute de la société ne doit pas perdre son rôle de contre société, refusant d’épouser par facilité l’air du temps et la mode. Mais une telle ambition n’est pas sans risques graves. Ainsi parler de "morale laïque" peut apparaitre archaïque et renvoyer à un catéchisme qui n’est pas de mise et dont on connaît les limites et les graves dangers. Ne mélangeons pas les genres entre la sphère publique et la sphère privée, les religions…
En revanche s’il s’agit d’inculquer à nos enfants des principes de comportement dans la vie et en société tels que la non-discrimination, le respect d’autrui et des consciences, la volonté d’agir mais pas à n’importe quel prix, le refus de la résignation, l’esprit de responsabilité, l’esprit critique… la démarche est positive et indispensable. Bref tout ce qui fait la valeur d’une société laïque et respectueuse, ne peut que rencontrer mon adhésion.
Ce premier point clarifié, il convient toutefois de préciser qui aura cette charge à l’école, alors même que je ne suis pas certain que tous les enseignants soient bien au clair dans ce domaine qui les concerne tous et pas uniquement l’enseignant de telle ou telle discipline.
Nous sommes cette fois dans un secteur où la formule selon laquelle "on n’enseigne pas uniquement ce que l’on sait, mais ce que l’on est", prend tout son sens. Je ne prendrai qu’un exemple. Je peux témoigner que de nombreux enseignants ignorent qu’ils sont, de par la Constitution qui fait de l’enseignement un devoir d’Etat, des représentants de l’Etat éducateur, qu’ils ne sont pas de simples employés mais des agents publics du système éducatif. Cet oubli est la conséquence d’une grave carence de leur formation et cela depuis des années. De la même façon, je crains qu’un grand nombre ignorent les grands principes qui s’imposent à eux en qualité d’enseignants, de citoyens tout simplement et qui relèvent de principes déontologiques et éthiques que les pouvoirs publics ont toujours eu peur d’afficher.
Ce n’est pas leur faire injure que de le constater et de vouloir y remédier. Mais il ya même plus grave. Un certain nombre d’enseignants que j’espère peu nombreux même si des enquêtes menées il y a quelques années à l’issue de consultations électorales doivent conduire à une grande prudence, récuse des principes aussi clairs que les principes d’égalité des hommes, des sexes, l’éducabilité… sans parler de questions qui frisent le racisme pur et simple…
Ces quelques préalables surmontés, il serait possible de se lancer non dans une démarche imposant des principes moraux mais dans un processus conduisant chaque élève à réfléchir et à développer son esprit critique le conduisant progressivement vers l’âge d’homme .
L’objectif majeur est de faire de nos élèves des hommes et des femmes responsables, capables de réfléchir et d’assumer leurs actes dans l’esprit de l’ère des Lumières. Sans doute la morale construite, raisonnée est elle plus difficile à enseigner qu’une morale assénée, quasi-révélée, mais plus efficace . Il reste à trouver les détours pédagogiques pour former les enseignants en ce sens .
Monsieur Peillon a soulevé une vraie question qui appelle beaucoup de prudence mais aussi de détermination.
Jacky SIMON
médiateur honoraire de l’éducation nationale
J. Simon est l’auteur de plusieurs textes sur la déontologie dont un sur les enseignants inclus dans l’ouvrage « la déontologie des cadres publics-»pour un service public responsable « qu’il a coordonné et qui vient de paraitre (SCEREN-ESEN)