[…] La Scène : Vous avez contribué aux réflexions préparatoires dont sont issus les « parcours d’éducation artistique et culturelle » présentés voici un an par le ministère de la Culture et de la Communication. Quel regard portez-vous sur ce dispositif, vous qui êtes très impliqué dans le collectif « Pour l’éducation, par l’art », avec Robin Renucci, Jean-Gabriel Carasso, Marie-Christine Bordeaux et d’autres ?
Philippe Meirieu : L’idée de parcours était dans l’air depuis déjà quelque temps ; elle est apparue de manière officielle dans la « loi sur la refondation de l’école » et nous avons trouvé que, en dépit et à cause de son caractère évasif – il en est ainsi pour de nombreuses notions du champ pédagogique, comme la notion de « projet », d’ « objectif », de « respect de l’enfant » ou de « méthode active » – c’était une entrée intéressante qui pouvait s’avérer féconde. Nous ne savons pas encore comment elle va se concrétiser au quotidien et nous voulons peser pour qu’on n’en reste pas à des intentions générales et généreuses. J’aurais souhaité, pour ma part, que cette idée de parcours s’incarne à travers une proposition pédagogiquement structurée. Il m’aurait semblé intéressant, par exemple, de proposer que chaque élève d’école primaire, de collège et de lycée présente une synthèse de son parcours artistique et culturel, sous la forme d’un portfolio, et que cela soit intégré dans l’évaluation, à la fin de chaque cycle, au brevet des collèges, comme dans les CAP et au baccalauréat. Il ne s’agirait pas, évidemment, de donner une note à ce portfolio et de la faire entrer dans une moyenne absurde. Ce serait ridicule et même dangereux. Mais il s’agirait de vérifier que, dans ce lieu qu’est l’école et où passent tous les enfants, la rencontre avec l’art et la culture a été effective, qu’elle a été active et que l’enfant a été capable d’en garder une trace qui contribue à sa construction personnelle, intellectuelle, sociale et citoyenne… Nous en sommes très loin. L’idée du parcours est là, mais elle doit être travaillée et faire l’objet d’un partenariat fort entre les enseignants et les acteurs du monde artistique et culturel. Il y a là un outil possible pour lancer de véritables dynamiques qui permettront à chacun d’apporter sa pierre dans le respect des spécificités réciproques. Mais tout reste à construire. […]