Le projet d’établissement : Ce qui a présidé à la création du collège expérimental, et qui reste d’actualité
1.1.1.1.1Le refus de l’échec scolaire.
Même si le système scolaire a fortement élevé le niveau de savoir de la population depuis un siècle, trouver des solutions aux échecs scolaires (particulièrement en maîtrise de la langue, qui conditionne bien d’autres apprentissages) reste un enjeu majeur.
1.1.1.1.2La problématique de l’ennui
(cf le livre de Marie Danielle Pierrelée « pourquoi vos enfants s’ennuient à l’école?)
Le système éducatif, s’il parvient à satisfaire beaucoup d’adolescents, ne motive pas suffisamment les élèves. Il les enferme dans un rapport à la note et à la moyenne. Inversement, l’école réussit lorsqu’elle met en situation de plaisir, de curiosité, de découverte les élèves. Cela participe au maintien de la motivation d’apprendre, de progresser.
1.1.1.1.3Le constat d’une pédagogie du face à face plutôt que du coude à coude.
Souvent les élèves en échec se construisent en conflit avec les enseignants. Et il faut bien constater un manque réel (faute de temps même quand l’envie est là, mais aussi par peur de subir une mise en cause d’autorité de l’enseignant) de médiation, de dialogue, de liberté de parole.
Enfin, la qualité d’enseignement repose aussi sur la pratique de projets « impliquants », et ils sont bien difficiles à mettre en place dans le collège traditionnel (mobilisation d’une équipe, dérogations à l’emploi du temps…). Notons que l’ordre hiérarchique dans lequel fonctionnent les enseignants (crainte de l’inspecteur, volonté prioritaire de « tenir sa classe »), installe parfois un climat de méfiance entre collègues qui rend le travail en équipe impossible.
1.1.1.1.4Les dérives des devoirs à la maison.
La quantité de devoirs est fluctuante en fonction des enseignants et des établissements.
De façon générale, les devoirs peuvent être source de conflits familiaux. Ils sont aussi facteurs d’inégalités entre les familles, certains parents étant très à l’aise avec les savoirs scolaires, d’autres non. Sur le plan pédagogique, ils incitent les élèves à développer des stratégies peu efficaces du point de vue des acquis (avoir la réponse plutôt que comprendre), surtout s’ils sont articulés avec des sanctions.
En terme de temps et d’énergie, un adolescent habitant la campagne, se levant à 6h15 pour prendre le car et revenant chez lui après 18h, peut-il raisonnablement faire ses devoirs en plus ?
1.1.1.1.5Une vision « saucissonnée » des savoirs qui les rend très « techniques », souvent éloignés du sens.
L’école fonctionne dans des savoirs cloisonnés. Chaque professeur est invité à être comptable de sa matière, avant d’être comptable de l’élève et du savoir humain (sa transmission) au sens large. Cela a pour conséquence de « caser » les élèves, les professeurs dans des catégories faussement étanches, et cela génère souvent du non-sens, une abstraction incomprise. En réalité, un savoir réel (donc issu d’une situation complexe), apte à susciter une réelle curiosité, se décline en de multiples pistes et touche à des disciplines variées. Ainsi, les passerelles seraient nombreuses entre « matières outils » et « matières à contenus » si les pratiques enseignantes se fondaient d’abord sur la complexité du réel au lieu de cloisonner les savoirs en prétendant les simplifier.
1.1.1.1.6Un statut de « l’erreur horreur » terrifiant, dévalorisant.
L’erreur n’est souvent pas admise, et est dévalorisante. Elle se solde par des notes basses, alors qu’elle doit être considérée comme constructive. Maîtriser son métier ce n’est pas « ne plus faire d’erreurs », c’est savoir les réparer. L’erreur (recherche de solution) est une base de travail formidable.
Or, le système induit une forte compétition et génère l’échec. Ce processus atteint les jeunes dans leur estime de soi, et pousse chacun (élèves, enseignants, parents…) à penser de façon réductrice que le problème vient de « capacités manquantes », de natures « manuelles », « intellectuelles », « matheuses », « littéraires »… L’ambition d’une école efficace pour tous s’abandonne peu à peu.
1.1.1.1.7Les filières comme réponse à l’échec.
Le système crée des parcours d’exclusion pour ceux qui décrochent, au lieu de chercher à lutter contre le décrochage scolaire. L’enfant est très vite « casé » dans la tête de tous (lui-même, ses professeurs, ses parents…) selon son bulletin scolaire, ses résultats. Rapidement ceux qui décrochent sont orientés plutôt qu’aidés.
1.1.1.1.8Des relations distantes parents/professeurs
Ces relations se jouent dans des rencontres entre familles et professeurs, à des dates fixes.
Elles se jouent aussi lors de conseils de classes organisés avec une représentation des parents (un délégué). Pourtant, une équipe pédagogique qui statue sur un élève peut-elle se passer de l’intéressé lui même et de ses parents ? D’autre part, ne faudrait-il pas que l’équipe évoque d’abord les capacités qu’elle a découvertes chez un élève, parfois insoupçonnées par l’intéressé lui-même, au lieu de lister les manques. Ces conseils génèrent beaucoup d’angoisse, de frustrations, de violence, rendant les rapports humains distants. Pourtant, cette phase de concertation, d’évaluation, gagnerait à être pacifiée, débarrassée de tout jugement, et devrait permettre à chaque élève de mieux appréhender son avenir.