C’est sur cette épineuse question que s’est penchée la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) dans une Note d’information publiée durant ce mois d’octobre 2015. Il faut noter que l’étude s’appuie sur des données recueillies de 2007 à 2014, afin de pouvoir apprécier l’ensemble du parcours scolaire d’un élève latiniste.
Un élève de sixième sur cinq prend l’option latin en cinquième
Première donnée, parmi les élèves entrés en sixième en 2007, un sur cinq a étudié le latin en cinquième. « L’étude réalisée à partir d’un panel de 35 000 élèves entrant en sixième en 2007 montre que 23 % de ceux qui sont en cinquième à la rentrée suivante ont choisi l’option ‘latin’. Ce choix est plus souvent fait par les ‘meilleurs’ élèves. En effet, 23 % des latinistes obtiennent de très bons résultats aux évaluations de fin de sixième ; les non-latinistes ne sont que 6 % dans ce cas.», note la DEPP.
C’est donc rappeler que ce sont d’abord les bons élèves qui bénéficient de l’option latin au collège. « Parmi les 10 % des meilleurs élèves à la fin de la sixième, plus de la moitié (53 %) étudient le latin en classe de cinquième. À l’inverse, seuls 4 % des élèves les plus faibles choisissent cette option ». Même si les bons élèves sont omniprésents dans cette option, le cadre n’est donc pas cependant fermé aux autres élèves.
Les redoublants sont peu nombreux en latin, « seuls 7 % de ceux ayant déjà redoublé à l’école primaire étudient la langue de Cicéron ». Mais, au-delà de ces disparités scolaires, on retrouve aussi des disparités sociales dans le choix de cette option.
Les latinistes, de bons élèves issus de milieux aisés ?
Sans grande surprise, le latin est plus fréquemment étudié par les enfants issus de milieux aisés. « Parmi les élèves dont la mère est diplômée du supérieur, près de 40 % étudient le latin. Pour ceux dont la mère est peu ou pas diplômée, cette part n’est que de 15 %. L’étude du latin concerne en outre 44 % des enfants d’enseignants, 39 % des enfants de cadres, mais seulement 20 % des enfants d’employés et 15 % des enfants d’ouvriers. »
Plus de filles latinistes que de garçons latinistes
Le latin est aussi une option plus féminine que masculine : « 26 % des premières étudient le latin en cinquième, contre seulement 21 % des seconds. Les filles sont certes meilleures élèves, mais leur choix plus fréquent du latin s’observe, de manière significative, à tout niveau scolaire. » Cet écart a fortement tendance à augmenter parmi les élèves les moins bons. Les filles vont alors faire le choix du latin pour tenter de s’améliorer en français.
Un peu moins de latin dans l’éducation prioritaire
Le latin est une option moins souvent choisie dans les collèges de l’éducation prioritaire que dans les autres établissements, tout simplement parce qu’il y a moins de bons éléments dans les premiers par rapport aux seconds. En classe de cinquième, 18 % des élèves de l’éducation prioritaire sont concernés par cette option, contre 25 % dans les autres collèges publics et privés.
« Toutefois, à milieu social et niveau scolaire identiques, le constat s’inverse : les élèves choisissent plus souvent le latin lorsqu’ils sont scolarisés en éducation prioritaire. En particulier, les enfants issus de milieu favorisé font plus souvent le choix du latin lorsqu’ils sont scolarisés dans les réseaux d’éducation prioritaire.
Ce résultat se vérifie quel que soit leur niveau. Les élèves faibles scolairement, mais très favorisés socialement, étudient deux fois plus souvent le latin lorsqu’ils sont dans un établissement d’éducation prioritaire. » On peut clairement lire ici, selon la DEPP, « la stratégie de certaines familles favorisées qui scolarisent leur enfant en éducation prioritaire à condition de ‘protéger’ son parcours. »
Une option que l’on abandonne massivement en entrant au lycée
Mais le latin n’est pas un choix fait ad vitam aeternam. « Près de 20 % des élèves renoncent à cette langue ancienne à l’entrée en classe de quatrième », souvent à cause d’un niveau trop faible dans l’ensemble des disciplines.
Cependant, c’est surtout avec l’arrivée au lycée que le latin perd de son ampleur : « 80 % des élèves qui avaient commencé le latin en cinquième ne l’étudient plus en seconde. Pour près de 80 000 élèves, l’abandon survient à l’issue de la troisième. En seconde, les latinistes ne sont donc plus qu’environ 30 000 ».
Mais ce n’est pas forcément le niveau scolaire qui prime dans le choix de continuer cette option qui entre alors en concurrence avec une myriade d’autres possibilités. C’est surtout un attachement particulier pour la matière qui légitime la poursuite du latin.
« Si, dès l’entrée au collège, les latinistes sont globalement meilleurs que les non-latinistes, ce constat se vérifie en fait tout au long de la scolarité. En fin de troisième, au diplôme national du brevet (DNB) à la session de juin 2011, 96,3 % des élèves ayant étudié le latin en cinquième réussissent cet examen contre 80,1 % pour les non-latinistes. »
Le latin, une option qui influe sur le caractère brillant d’un parcours scolaire ?
La DEPP note aussi que « s’il est non-latiniste, un enfant d’ouvrier en cinquième n’a que 5 % de chances d’être inscrit en terminale S cinq ans plus tard. Un enfant latiniste de cadre ou d’enseignant a, quant à lui, une probabilité proche de 50 %. »
Cependant la DEPP ne tient pas à tirer de conclusions hâtives de cette analyse. « En plus d’être un marqueur de réussite, le latin en est-il aussi un vecteur ? L’étude du latin a-t-elle un effet sur la progression scolaire des élèves ? Les latinistes progressent-ils différemment des non-latinistes ? Et quand bien même des différences de progression seraient observées, s’expliqueraient-elles par le contenu de la matière elle-même ou par les effets de pairs ?
Toutes ces questions font l’objet de débats dans le système éducatif français depuis plus de quarante ans. Ces questions sont complexes et la présente note ne prétend pas y répondre. L’étude montre cependant de façon certaine que toute interprétation hâtive sur les effets du latin dans la réussite des élèves est erronée si elle ne prend pas en compte les profondes différences sociales et scolaires entre les élèves qui choisissent d’étudier le latin et ceux qui font le choix inverse. »