La nouvelle organisation du collège, proposée par la ministre de l’Education nationale, élargit l’accès à des dispositifs actuellement réservés à une minorité.
Au fronton de toutes les écoles françaises, la devise de la République – Liberté, Egalité, Fraternité – s’affiche fièrement. Mais à chaque tentative de faire évoluer les politiques publiques vers plus d’égalité, les défenseurs acharnés d’un immobilisme qui ne protège que ceux qui profitent du système montent au créneau et manifestent bruyamment pour la défense des avantages de quelques-uns. Les attaques répétées des derniers jours contre la nouvelle organisation du collège présentée par la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en sont une illustration flagrante. Que prévoit en effet cette réforme ?
La promotion de l’apprentissage des langues
Que tous les élèves français apprendront désormais deux langues vivantes étrangères dès la classe de cinquième, et qu’ils bénéficieront de cinquante-quatre heures de langue supplémentaires sur l’ensemble de leur scolarité au collège. Alors qu’aujourd’hui seuls 16% des élèves de 6e et de 5e se voient offrir la possibilité de rejoindre une classe bi-langue et que moins de 11% des élèves de 4e et de 3e bénéficient de la possibilité d’être en section européenne, la réforme du collège fait commencer plus tôt la deuxième langue vivante à 100% des collégiens et offre plus d’heures de cours de langues à tous les collégiens.
Que la grande majorité des collégiens auront accès, dans le cadre des nouveaux enseignements pratiques interdisciplinaires, à l’étude de la culture et de la civilisation antiques quand, à l’heure actuelle, à peine 18 % d’entre eux y ont accès en suivant les options facultatives latin et grec. Cela contribuera d’ailleurs à la promotion de l’apprentissage des langues anciennes, qu’un trop grand nombre de latinistes et d’hellénistes abandonne en entrant au lycée.
Un système à deux vitesses
Est-ce affaiblir l’exigence scolaire ? Non, c’est ouvrir à tous l’accès à des dispositifs actuellement réservés à une minorité, le plus souvent privilégiée socialement et culturellement. Car ne nous voilons pas la face. Les élèves issus de familles défavorisées représentent en moyenne plus de 30% des collégiens mais moins de 20% des élèves des sections européennes anglais et des élèves dans les classes bi-langues anglais-allemand. En classe de 5e, seuls 12% des élèves issus de familles défavorisées apprennent le latin contre 31% des élèves issus de familles très favorisées.
Avec la réforme du collège, il est donc mis fin à un système souvent à deux vitesses : les bénéfices des dispositifs jusqu’à présent réservés à une minorité sont étendus à tous. Najat Vallaud-Belkacem l’a exprimé avec force : «Il ne s’agit pas de supprimer un droit ou une possibilité pour quelques-uns. Il s’agit de le généraliser.» La réforme du collège met «l’excellence au service de la réussite de tous les collégiens». Et cette réforme, c’est aussi des moyens supplémentaires, trois heures d’accompagnement personnalisé pour tous les élèves en 6e, des heures dans chaque collège pour le travail en petits groupes, des temps d’enseignement pour la réalisation de projets collectifs concrets, l’apprentissage du travail en équipe et de l’expression orale, et le développement des compétences numériques. La réforme du collège donne aux enseignants les moyens pour répondre de manière différenciée aux besoins spécifiques de chaque élève et fait, comme l’a souligné la ministre de l’Education nationale, «apprendre mieux les élèves grâce à de nouvelles pratiques pédagogiques».
Le poids de l’origine sociale
Que ceux qui refusent de voir le collège évoluer assument les conséquences de leur choix. On peut se satisfaire d’un collège à la sortie duquel seuls 75% des enfants issus d’un milieu défavorisé obtiennent le brevet contre 96% des enfants issus d’un milieu très favorisé. On peut se satisfaire d’une scolarité au collège au cours de laquelle les élèves issus des milieux sociaux les plus défavorisés, plus faibles à l’entrée en 6e, voient leurs résultats se dégrader davantage que les autres. On peut même se satisfaire d’une augmentation, depuis dix ans, du nombre d’élèves de 3e qui ne maîtrisent pas les compétences de base. Mais il faut alors reconnaître que seul le destin de 20% de nos enfants nous intéresse.
De cette situation, nous ne nous satisfaisons pas. Alors que depuis 2002 le poids de l’origine sociale sur les performances des élèves de 15 ans a fortement augmenté, oui, il est enfin temps de réformer le collège pour en finir avec le déterminisme social et scolaire. Oui, il faut que le collège en 2016 contribue à l’acquisition des savoirs fondamentaux chez tous les élèves, qu’il tienne compte des spécificités de chacun d’entre eux pour permettre la réussite de tous et qu’il donne à 100% de nos enfants les nouvelles compétences indispensables à leur futur parcours de formation.
Signataires :
Patrick BLOCHE ; Jean-Pierre ALLOSSERY ; Marie-Odile BOUILLÉ ; Brigitte BOURGUIGNON ; Émeric BRÉHIER ; Dominique CHAUVEL ; Valérie CORRE ; Jacques CRESTA ; Pascal DEGUILHEM ; Pascal DEMARTHE ; Sophie DESSUS ; Sandrine DOUCET ; Anne-Lise DUFOUR-TONINI ; William DUMAS ; Martine FAURE ; Hervé FÉRON ; Michel FRANÇAIX ; Mathieu HANOTIN ; Anne-Christine LANG ; Colette LANGLADE ; Annick LEPETIT ; Lucette LOUSTEAU ; Martine MARTINEL ; Michel MÉNARD ; Maud OLIVIER ; Christian PAUL ; Régine POVEDA ; Christophe PREMAT ; Marcel ROGEMONT ; Julie SOMMARUGA ; Sylvie TOLMONT ; Stéphane TRAVERT et Patrick VIGNAL.