« La laïcité ne se discute pas… Mais cette fermeté n’empêche pas le dialogue ». Le 4 novembre, devant les référents laïcité de l’Education nationale et les correspondants laïcité du ministère de l’Intérieur, N Vallaud-Belkacem veut présenter l’image d’une laïcité « force tranquille » de l’Ecole. Mais c’est à un exercice d’équilibriste qu’elle se livre entre dialogue et répression, entre Education et Intérieur. Pas sur que le discours soit clairement perceptible…
« Nous nous donnons les moyens d’élaborer une culture commune de la laïcité ». S’exprimant le 4 novembre devant les référents laïcité de l’Education nationale et les correspondants laïcité du ministère de l’Intérieur, N Vallaud-Belkacem tente un double rapprochement : entre les fonctionnaires de ministères qui n’ont pas grand chose en commun, entre une affirmation de fermeté et la dénonciation des « dévoiements » de la laïcité. Il lui faut à la fois dénoncer les « dévoiements » opérés à droite ou à l’extrême droite et marquer autant de fermeté que ses adversaires.
Fermeté et dialogue
Si la ministre estime que » la laïcité ne peut être soumise aux évolutions des discours et des motivations politiques. Il n’y a pas des laïcités diverses », les choses se compliquent quand il faut définir la laïcité. » La laïcité ne se discute pas, ne se négocie pas…Aucune atteinte au principe de laïcité ne doit jamais plus être laissée sans suite… Mais cette fermeté n’empêche pas pour autant le dialogue. Dialoguer, en effet, n’est pas transiger ». La ministre de l’Education nationale définit ainsi la laïcité comme trois refus : celui d’une laïcité antireligieuse, celui d’une laïcité autoritaire et le refus d’une « laïcité libérale », avant de se référer à Briand et Jaurès.
« La grande majorité des tensions entre certains élèves et le principe de laïcité sont liées au dévoiement de la laïcité dans le débat public », explique la ministre. « Ce qui pose problème ce n’est pas la laïcité mais son dévoiement », dit-elle, citant les maires qui en refusant le repas de substitution à la cantine feraient « la guerre à une religion soit disant pour respecter la laïcité ».
Bernard Cazeneuve prend soin lui aussi de dénoncer les « détournements » de la laïcité et de préciser que la laïcité n’est pas « une déclaration de guerre contre une religion ».
Savoir et croyance
N Vallaud-Belkacem a aussi réagi aux critiques portée sur le livret laïcité. » L’école est un lieu de savoir, et non de croyance », dit-elle. « Cette distinction essentielle, nous n’avons eu de cesse de la rappeler et de l’enseigner. Aussi, si certains ont cru lire l’inverse dans le livret laïcité, je ne sais pas ce qu’ils ont cru lire, mais je sais très bien qu’à aucun moment cette distinction du savoir scientifique et du discours religieux n’est oubliée ».
La ministre confirme devant les référents laïcité, qui vont le porter, un plan de formation déjà annoncé. » Le ministère a conduit, entre mars et avril, un vaste programme de formation de 1 200 formateurs sur le thème de la laïcité, à travers huit séminaires inter-académiques. Ceux-ci doivent former, à leur tour, 300 000 enseignants d’ici à la fin de l’année, et vous êtes les garants de l’aboutissement de ce plan. » A cela s’ajoutent des modules dans M@gistère. » Aucune équipe éducative ne doit être laissée isolée ou démunie, c’est l’engagement que j’ai pris en janvier dernier ».
Intérieur et Education
Mais , au fond, qu’est ce qui justifie ce curieux mariage entre Intérieur et Education nationale ? C’est la lutte contre la radicalisation. » L’école a un rôle à jouer dans la détection en amont des signes avant-coureurs d’un processus de radicalisation et elle entend l’assumer pleinement », affirme N Vallaud-Belkacem. « Les signalements, la circulation des informations entre les différents services sont essentiels pour empêcher l’issue fatale que recèle toute radicalisation ». La ministre annonce aussi une nouvelle circulaire renforçant les contrôles opérés dans les écoles hors contrat.
Quelle formation pour les enseignants ?
Puisque la ministre annonce un grand plan de formation, quel sera son contenu ? « Les enseignants vont apprendre ce qu’est la laïcité. Il est important qu’elle soit replacée historiquement. Ils auront comment répondre aux contestations éventuelles et comment faire face à la loi de 2004 », explique Anne Rebeyrol, référente laïcité de l’académie de Créteil. La formation comprendra aussi des aspects juridiques. « Il ne s’agit pas d’imposer un catéchisme républicain mais de faire comprendre que la laïcité est un trésor commun ».
L’académie de Créteil compte 75 formateurs qui vont former des référents laïcité dans les établissements. « Petit à petit ça va se diffuser dans les établissements », nous dit A Rebeyrol. Mais former un enseignant sur trois comme l’a annoncé la ministre va demander du temps.
François Jarraud
Lire la suite : http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/11/05112015Article635823067828304395.aspx