In Agora débats / jeunesse n°64 – Injep :
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La sortie de ce second numéro « varia » d’Agora débats/jeunesses expose et décline différentes manières de voir et d’analyser la jeunesse. Les articles de Patricia Loncle sur les décalages des politiques publiques de jeunesse, de Choukri Ben Ayed qui interroge les transformations des politiques éducatives, de Thierry Berthet et Véronique Simon qui se penchent sur la réforme du système d’orientation scolaire, et de Sophie Jehel qui s’inquiète du déséquilibre des politiques médiatiques analysent la jeunesse à travers les politiques publiques qui leur sont dédiées. Les contributions de Marie Duru-Bellat sur la question du genre, d’Emmanuelle Maunaye sur les manières de se loger, de Nicolas Sallée sur la question de l’autorité des adultes dans les centres éducatifs fermés, tout comme l’article d’Ivana Obradovic, Olivier Le Nézet et Stanislas Spilka sur les consultations jeunes consommateurs de drogues s’attellent à rendre compte des pratiques des jeunes et de leurs modes de vie. On voit ainsi combien la jeunesse, comme objet sociologique, peut être appréhendée dans la diversité tant du point de vue des théories mobilisées que de la méthodologie utilisée et des thématiques choisies.
SOMMAIRE
- Jeunes et politiques publiques : des décalages croissants
Patricia Loncle
Les jeunes Européens sont aujourd’hui placés dans des situations de plus en plus problématiques sur le plan social comme politique. Face à ce constat, la question est la suivante : les politiques de jeunesse sont-elles à même de résoudre ces difficultés qui les touchent ? Pour y répondre, l’article examine tour à tour les stigmatisations à l’oeuvre dans les politiques de jeunesse, leur faible envergure et leurs importantes inégalités territoriales. On constate un décalage croissant entre les situations critiques des jeunes et la grande timidité des politiques qui les concernent.
- Rénovation urbaine, rénovation scolaire ?
Les impensés du volet éducatif de la politique de la ville
Choukri Ben Ayed
Interroger les transformations des politiques éducatives au cours des trois dernières décennies, notamment leur rapprochement avec les politiques urbaines est l’ambition de cette contribution. Si cette ouverture relative de l’Éducation nationale à ses partenaires extérieurs est longtemps restée à l’état de rhétorique pour la période récente, la mise en oeuvre du volet éducatif de la politique de la ville est propice à des jeux d’acteurs locaux complexes et à une catégorisation de type déficitaire de l’échec scolaire, alors que les objectifs plus qualitatifs, comme ceux de la lutte contre les ségrégations urbaine et scolaire, peinent à s’imposer.
- La réforme de l’orientation scolaire
De la crise des banlieues à la loi de 2009 : quelles dynamiques de changement ?
Thierry Berthet, Véronique Simon
L’objet de cet article est d’analyser la manière dont les émeutes urbaines de novembre 2005 ont constitué une fenêtre d’opportunité politique pour entamer une réforme du système d’orientation scolaire. Les auteurs étudient en premier lieu le processus de mise à l’agenda de la question de l’orientation. Dans une seconde partie, ils décrivent les différentes étapes du processus décisionnel ayant abouti à la loi de novembre 2009 réformant la formation professionnelle et l’orientation et analysent la nature des changements opérés par sa mise en oeuvre.
- Le déséquilibre des politiques médiatiques à l’égard des jeunes
Indice ou accélérateur de leur marginalisation dans l’espace public ?
Sophie Jehel
Cet article analyse les principales mesures prises entre 2002 et 2012 dans trois domaines : le soutien aux industries médiatiques, la réforme du service public et le respect des droits fondamentaux, en interrogeant la place qu’elles ont réservée aux jeunes explicitement ou implicitement. Ces politiques ont peu bénéficié aux moins de 18 ans et les mesures les visant ont été essentiellement protectrices voire restrictives. Marginalisés dans les politiques publiques, les jeunes se sont orientés massivement vers les espaces médiatiques commerciaux. De ce fait, les politiques publiques médiatiques semblent s’accommoder d’un modèle de société où les jeunes seraient considérés comme des citoyens de seconde zone, voire le favoriser.
- Jeunes usagers de drogues et demande d’aide
Estimation du public potentiel d’un dispositif d’aide aux jeunes consommateurs
Ivana Obradovic, Olivier Le Nézet, Stanislas Spilka
Aujourd’hui, en France, environ 34 000 jeunes de 17 ans ont un usage problématique de cannabis sans avoir jamais recherché aucune aide. Si l’offre de consultations spécifiquement dédiée aux jeunes consommateurs ouverte en 2004 a en partie rencontré son public, la population potentiellement concernée par ce dispositif s’avère bien plus importante que celle qui a été effectivement touchée. À partir de l’exploitation de l’enquête ESCAPAD 2008, cet article identifie les facteurs associés à une recherche d’aide chez les jeunes usagers de cannabis de 17 ans et invite à développer des stratégies de prévention centrées sur l’objectif de favoriser l’adhésion des jeunes à une démarche thérapeutique.
- S’installer dans un logement
Les manières juvéniles de se loger aujourd’hui
Emmanuelle Maunaye
La situation des jeunes à l’égard du logement aujourd’hui est une entrée féconde pour comprendre leurs trajectoires du point de vue de la dimension spécifique de l’acquisition de l’autonomie résidentielle et plus largement des trajectoires personnelles d’insertion. Une première approche objective présentant les manières actuelles de s’installer dans un logement indépendant est complétée par une entrée plus compréhensive qui aborde les liens subjectifs que les jeunes entretiennent avec leur logement et qui révèle ce dernier comme un espace d’apprentissage et d’autonomisation.
- Les adolescentes face aux contraintes du système de genre
Marie Duru-Bellat
Ce texte entend rappeler que la question des inégalités entre filles et garçons n’est pas devenue sans objet. On montre que ce qui apparaît de prime abord comme une supériorité des filles dans le domaine scolaire n’est pas sans ambivalence et notamment ne suffit pas à supprimer les difficultés spécifiquement féminines dans les débuts de la vie active. En arrière-plan, toute une socialisation sexuée joue, qui vient canaliser strictement le développement personnel des jeunes filles, avec en particulier une sexualisation de plus en plus accentuée et de plus en plus précoce, selon la logique du système de genre.
- Que faire de l’autorité ?
Des éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse en centre éducatif fermé
Nicolas Sallée
Cet article propose d’interroger la manière dont le fonctionnement des centres éducatifs fermés (CEF) met à l’épreuve la profession d’éducateur de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), historiquement – et identitairement – construite sur le fondement d’une incompatibilité revendiquée entre éducation et enfermement. Après avoir qualifié le modèle d’éducation – sous contrainte – qui sous-tend l’ouverture de ces établissements, l’auteur analyse des données issues d’observations directes menées au sein de l’un d’entre eux et montre comment les pratiques éducatives quotidiennes, aux prises avec l’exigence redondante d’une « autorité » rarement assumée, éclairent les reconfigurations qui agitent le groupe professionnel dans son ensemble.