DÉVELOPPEMENT DURABLE : L’origine de la notion est à la fois écologique et anglo-saxonne, puisqu’il s’agit d’une traduction approximative de « sustainable development» où sont incluses les notions, souvent antagonistes, de « supportabilité » par l’environnement physique et d’acceptabilité sociale. Le terme de développement durable a été réellement popularisé par le rapport de Mme Gro Harlem Brundtland, premier ministre de Norvège, 1987 : « Développement soutenable qui, grâce à l’éducation, l’innovation, la solidarité, répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins». Héritière du concept de développement des années 50 et des mouvements écologistes de 60-70, cette notion émergente intègre la solidarité entre les générations futures par la préservation des ressources naturelles, de la bio-diversité, l’action décisive des élus locaux et du mouvement associatif dans le cadre de la « Terre-Patrie ». E.Morin, 1993.
Le développement durable prend forme dans un contexte de ralentissement de la croissance économique : dans les années 1970, les industries automobile (saturation de la demande) et pétrolière (augmentation du coût de production, problèmes géopolitiques, épuisement des réserves), qui avaient été le moteur des « Trente Glorieuses». sont entrés en crise. Face aux modèles de croissance basés sur l’accumulation du capital industriel, le développement durable se présente comme une alternative possible, qui incite les consommateurs, les industriels et les États à prendre la mesure de leurs comportements, en vue de concevoir un nouveau modèle susceptible de garantir à la fois le développement économique, le bien-être social, le respect de la nature et de l’environnement.
L’économiste R. Solow a formulé de façon plus précise l’idée de développement durable en insistant sur l’obligation de laisser à la génération future « tout ce qu’il faut pour atteindre un niveau de vie au moins aussi bon que le nôtre et que celle-ci veille à la même chose pour la génération qui suit ».
Les termes développement, développement humain, développement durable peuvent être vus comme les aboutissements d’une filiation dont l’origine est la remise en cause du concept libéral de croissance. Il n’y a pas de relation stricte entre la croissance et l’augmentation du bien-être pour les populations, si l’on en croit les analyses d’Amartya Sen, Prix Nobel 1998, père de l’indice de développement humain. Le développement fondé exclusivement sur la croissance économique et l’industrialisation est un concept dépassé, 1. Sachs, 1997. Comment faire en sorte que le progrès soit orienté par la volonté des hommes et serve la promotion de l’homme et de tous les hommes ? Depuis le Sommet de Rio, ONU, 1992, le concept de développement durable est posé comme un point de repère commun pour l’humanité. Il implique une croissance non destructrice de l’environnement et de la cohésion sociale (économie positive versus économie négative, prédatrice en ressources en carbone et énergies fossiles).
Le développement humain est un processus d’élargissement de la gamme des choix accessibles à chaque être humain. La possibilité d’accroître le revenu constitue certainement l’un de ces choix, mais le revenu ne saurait résumer toute la vie ; santé, l’éducation, un environnement matériel décent et la liberté d’action et d’expression sont tout aussi importants, (PNUD,1992).
L’idée de développement durable organise la réflexion et les propositions d’action en vue de : promouvoir le relais des générations ; allonger les horizons d’analyse ; économiser les ressources (recycler) ; réduire les rejets et tendre à la pollution zéro ; décliner le « principe de précaution» ; créer des emplois durables pour une activité durable; prendre appui sur les ressources locales et les valoriser ; aménager le territoire ; porter attention aux zones fragiles ; maintenir la diversité ; développer l’agriculture raisonnée ; aménager le temps ; gérer la cité dans la durée ; lutter contre la pauvreté ; assurer une pleine participation ; éviter le suréquipement ; consommer mieux ; recourir à de nouvelles technologies appropriées ; se situer en international et pratiquer la multicitoyenneté ; concevoir des plans de gestion intégrée ; assurer le suivi par des observatoires et « indicateurs », (Problèmes économiques et sociaux, La Documentation française, 1999).
Venant officiellement se substituer à « l’éducation des élèves en matière d’environnement» (circulaire du 29 août 1977), « l’éducation à l’environnement pour un développement durable (EEDD)» (8 juillet 2004) conduit à s’interroger sur la place de l’homme (vision écocentrée, biocentrée anthropocentrée) et sur ses responsabilités nouvelles. S’agit-il d’éducation au (pour, vers… ) un développement durable ? L’éducation pour un développement durable (ou soutenable) est affaire d’information et de pédagogie. La question cruciale porte sur la conciliation de l’économique, du social et de l’écologico-environnemental : comment articuler des objectifs éducatifs (le développement de la personne) et des objectifs du développement durable (habiter une terre vivable, viable et équitable, durablement) ? Il faut imaginer d’autres politiques urbaines, articulant mieux l’efficacité économique, la pérennisation des équilibres naturels, et le développement social. Le droit à une vie saine en harmonie avec la nature s’appuie sur un principe d’équilibre et de respect de l’environnement physique et humain. Les dispositifs institutionnels et organisationnels qui intègrent la question de la formation des demandes sociales dans les modalités de conduites de projets s’enrichissent des réseaux d’échanges d’expériences et de l’idée de bonne gouvernance (démocratie participative).
En considérant l’environnement dans toute sa complexité biophysique, sociale et humaine, l’enseignant peut contribuer à une « forme majeure de l’éducation civique» ; celle-ci faisant naître des comportements positifs à l’égard du milieu indispensables pour « mieux maîtriser notre maîtrise du monde », « Dans un sursaut vital, les hommes peuvent reprendre en main leur destin. Ils peuvent arrêter la dérive du monde », (J.-B. de Foucauld et alii, Manifeste pour un développement durable). Le développement durable n’est pas contraire à l’idée d’expérimentation d’un nouveau modèle économique centré le bien-être des nations (rôle du capital humain et social). permettant l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre, et pour chaque personne, la maîtrise de son propre destin et l’exercice de ses droits civiques et de ses capacités de choix, S.Brunei, 2004. Les nouveaux rapports au risque, à l’incertitude, à l’avenir, fondent en grande partie le succès des problématiques de l’éducation pour un avenir viable et de l’orientation exprimées en termes de développement durable et solidaire. La loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement adoptée le 28 février 2005, dispose que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social », Le PIB mondial, qui était de six mille milliards de dollars en 1950, a été multiplié par sept en l’espace de cinquante ans pour atteindre quarante-trois mille milliards de dollars en 2000. L’accumulation illimitée, la croissance infinie des biens et des services sont-elles compatibles avec la finitude de notre planète 1 Si toute la population mondiale consommait autant que les Français,nous aurions besoin de trois planètes, d’où la nécessité du « Pari de la décroissance», interpelle S. Latouche, 2006, qui voit dans le développement durable, « une imposture». Dans le contexte néolibéral qui est le nôtre depuis le début des années 1980, nous vivons de plus en plus dans une « dissociété», J. Généreux, 2006, source de souffrance psychique, d’angoisse et de peur, qui nous isole dans une course frénétique de la consommation et du culte de la performance. Ce constat nous éloigne d’un « développement durable de la personne» tout au long de son existence, au sens d’E. Deschavanne et P.H. Tavoillot, 2006.
De quoi avons-nous besoin pour connaître une vie meilleure 1 Renouer avec le progrès humain implique d’inverser cette orientation suicidaire, de prendre en compte d’autres formes de richesses que la richesse matérielle (depuis janvier 2007, le « développement durable» est devenu un produit financier commercialisé par les réseaux bancaires en se substituant au livret CODEVI !): éducation, santé, communication, culture, assistance, sécurisation des parcours professionnels, etc. Une véritable réorientation, du système global : « Penser globalement, agir localement», nécessite de trouver des alternatives à « l’économisation du monde»: « pédagogie des catastrophes» versus « pédagogie de l’espoir».
Le développement durable affecte désormais l’ensemble de nos modes de vie et nos activités, dont la formation, l’emploi et l’insertion ; il est un choix de vie. Le développement durable en tant qu’éducation aux choix a été inclus dans le socle commun de connaissances et de compétences. L’éducation au développement durable fait l’objet d’un nouveau plan triennal (circulaire du 29 mars 2007).
-7 Besoin; Bien-être; Citoyenneté; Compétitivité; Développement humain; Servicepublic; …
Lire la suite : Francis DANVERS P.Développement durable