"L’ACCUEIL EST AUSSI IMPORTANT QUE LE CONTENU DE L’ASSIETTE"
Certains établissements ont mis les bouchées doubles pour améliorer les locaux, réduire les files d’attente, mais aussi développer la culture du « bien manger » et l’apprentissage du vivre ensemble.
La première chose à améliorer est le niveau sonore des cantines, il faut veiller à un environnement calme et agréable. Le deuxième point, c’est le taux d’encadrement et la qualification des agents actifs …Et déjà, nous aurons fait un grand pas », estime Christophe Hébert, président de l’Agores, Association nationale des directeurs de la restauration municipale. Dans plusieurs villes de France, des grèves du personnel de la restauration scolaire ont dénoncé des conditions de travail « en sous-effectif », « dans le bruit et le stress » tant pour eux que pour les enfants. « Ces agents ont pourtant un rôle essentiel à jouer pour aider les plus jeunes à manger, encourager les enfants à goûter et à être plus curieux, repérer les enfants qui ne mangent pas, interpeller sur le gaspillage …Dans le secondaire, le turn-over des assistants d’éducation pose un réel problème de formation sur ces missions », note Danièle Colin, diététicienne-nutritionniste intervenant en restauration scolaire et présidente du CENA,le club Experts nutrition et alimentation.
Un temps de récupération essentiel
L’exiguïté de certains locaux se traduit en outre par une multiplication des services self dès le primaire et des cadences de restauration soutenues. « On ne mange pas, on avale ». témoignent certains jeunes. D’autres pointent les files d’attente qui s’éternisent, « dans la bousculade et souvent le froid », « les repas qui refroidissent sur le plateau en attendant de trouver une place », « ce brouhaha constant qui fatigue »…Or,selon Danièle Colin,les conditions d’accueil comptent autant que le contenu de l’assiette. « L’offre alimentaire de qualité, c’est une chose. Mais la grande difficulté qui reste à vaincre est que ces repas soient réellement consommés. Par exemple, des conditions d’attente longues et désagréables peuvent freiner la consommation et saboter l’appréciation d’un repas de qualité. »
Pour autant, la prise de conscience de l’importance de l’accueil des élèves fait son chemin. Ces questions sont abordées très clairement au sein du Conseil national de l’alimentation et font l’objet de recommandations. Des normes Afnor visant à améliorer la qualité de l’accueil durant la pause méridienne ont vu le jour, en 2005 pour le premier degré et 2010 pour le second degré. « Toutes ces conditions matérielles comptent. Le repas doit être un moment de détente et de plaisir, où l’on se restaure, dans la convivialité, et où à l’occasion on découvre. Ce temps de récupération devrait faciliter l’attention pour les apprentissages de l’après-midi, » précise Danièle Colin.
Des ateliers cuisine et des classes de goût
Au-delà du confort et du bien-être physique, le quotidien des cantines a connu, ces dernières années, une multiplication des actions pour l’éducation au goût, à la nutrition, à la santé ….Diversoutils pédagogiques ont été listés dans le cadre du Plan national de l’alimentation (PNA). Dans le secondaire, depuis 2010, le dispositif "Plaisir à la cantine" fait de la restauration scolaire "un véritable enjeu éducatif tant dans ses aspects alimentaires, économiques, réglementaires et de santé publique, que celui de la formation au goût des adolescents et du plaisir à manger".
Cela se traduit sur le terrain par des ateliers cuisine ou d’éveil sensoriel, des clubs de l’alimentation, des classes du goût… Ils aident les élèves à travailler sur les sens, à décrire leurs sensations pour mieux apprivoiser un produit nouveau et s’ouvrir ainsi à la diversité alimentaire. Certaines opérations consistent à faire venir des producteurs locaux, complété ou non de visites dans des fermes avec l’équipe pédagogique.
"La cantoche" vue par les élèves
En 2009, l’Association consommation, logement et cadre de vie (CLCV) a recueilli l’avis des jeunes sur la qualité du repas en dehors de l’aspect nutritionnel. Le bruit est le premier point noir : 90% des élèves du primaire considèrent qu’il y a du bruit à la cantine et plus de 70% des élèves du second degré sont du même avis. Concernant le temps des repas, dans le secondaire, une nette majorité d’élèves dit déjeuner en moins de vingt minutes. L’enquête indique aussi que 20% des collégiens et lycéens passeraient plus de temps dans les files d’attente qu’à table. Enfin, plus les enfants sont âgés, plus leurs regards sont critiques sur la "cantoche". Alors que 62,5% des élèves du primaire considèrent que la cantine est un endroit agréable, seuls 34,4% des collégiens et lycéens sont de cet avis. Leur opinion sur la qualité gustative des repas suit une tendance similaire : 70% des élèves du primaire considèrent que les repas à la cantine sont bons mais ils ne sont que 52% dans ce cas au niveau du secondaire.
« Cela permet aux élèves de donner un contexte au produit, de le relier à son environnement… On constate que ces opérations modifient certains comportements alimentaires des élèves », précise Danièle Colin, qui prône l’instauration de dialogues et de rencontres entre les élèves et l’équipe de restauration pour mieux « humaniser ces temps dé repas », sous-entendant une pédagogie de l’échange et du respect de l’autre. Dans des écoles de la Côte d’Azur, des enfants du primaire plantent et récoltent des légumes bio qui se retrouvent ensuite dans leur assiette. A Amiens, les écoles ont lancé des concours de recettes de compotes. Dans certaines villes, durant la semaine du goût, des chefs étoilés ont été invités à concevoir des menus très élaborés pour les enfants.
De futurs consommateurs sensibilisés à l’écologie
Avec l’intervention de nutritionnistes et l’implication de certains professeurs, de l’équipe de restauration et parfois de parents d’élèves, certaines actions s’attachent, elles, à sensibiliser les enfants sur des questions de santé ou de protection de l’environnement. Des établissements s’appuient sur les guides édités par l’association Passerelles, Réduire mes déchets, nourrir la terre, et Manger, bouger pour ma santé. Selon Christophe Hébert, « ces actions permettent une socialisation intergénérationnelle, sur les règles de savoir faire et de savoir être, de civisme, de sensibilisation au développement durable, sur la transmission du patrimoine culinaire…Sion s’en donne les moyens, la cantine peut être un lieu idéal pour ces démarches pédagogiques sur un sujet qui intéresse tout le monde ».