PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Adieu le brevet délivré sur examen, adieu le LPC ! La nouvelle année s’ouvre pour l’Education nationale par la publication des textes officiels sur l’évaluation des élèves. Le ministère impose le point d’équilibre atteint à la mi octobre entre partisans des disciplines et des compétences. Les nouveaux bulletins renvoient prioritairement aux bonnes vieilles disciplines. L’évaluation utilise un niveau de maitrise à l’école ou une note au collège. Mais au final le brevet est accordé par référence aux 5 domaines de compétences définis dans les nouveaux programmes. Cerise sur le gâteau : le ministère supprime le B2i, qui ne fait plus partie des attestations demandées, mais compte sur une application numérique pour imposer sa réforme…

« Quand on ouvre un chantier c’est un travail long avec des versions différentes et des compromis ». Le 28 septembre, N Vallaud-Belkacem avait lâché le mot qui conclue sa réforme de l’évaluation des élèves. La ministre avait pourtant bien fait les choses. En décembre 2014, une Conférence nationale lancée à grands frais durant deux journées aurait du aboutir à des recommandations transformées en décisions selon un mode de fonctionnement bien rodé rue de Grenelle. Mais l’évaluation est une chose qui décidément ne se réforme pas par décret. En septembre 2015, la ministre annonce des compromis et le 15 octobre le Conseil supérieur de l’éducation adopte les textes qui sont publiés au Journal officiel du 3 janvier 2016.

En maternelle une grille de 22 items

En fin d’école maternelle, « une synthèse des acquis » est réalisée selon une grille nationale publiée au Journal officiel. Cette grille comprend 22 items et 3 niveaux de réussite (ne réussit pas encore, est en voie de réussite, réussit souvent). Parmi les items on trouvera par exemple « compréhension d’un message oral », « relations entre l’oral et l’écrit », « interactions avec respect des rôles de chacun », « engagement dans les activités », « première compréhension des nombres » ou « premières connaissances sur le vivant ». Il y a donc un fort décalage entre les niveaux attendus et la formulation très vague des items.  » C’est extrêmement global … je ne sais pas si ce sera facile à renseigner », remarquait une enseignante sur Twitter quand une autre parlait d’un changement administratif  plus que pédagogique. Le texte ne donne pas de date d’application. On peut donc penser qu’il entre en vigueur dès maintenant.

Au primaire : Peu de changement dans les bulletins

 » L’évaluation des acquis de l’élève est réalisée par l’enseignant. Elle a pour fonction d’aider l’élève à progresser et de rendre compte de ses acquis », précise d’emblée le décret, ce qui semble une formulation à minima après les discours de la Conférence nationale sur l’évaluation. Le changement est en creux : la nouvelle évaluation se fait par référence à 4 niveaux de maitrise. Les notes disparaissent officiellement au primaire. Mais la grande majorité des écoles les avait déjà fait disparaitre.

Au cycle 2 comme au cycle 3, coté école, les bulletins périodiques renvoient aux disciplines, seuls les maths et le français précisant des compétences. Ainsi au cycle 2, le bulletin compte 13 items correspondant aux disciplines avec 7 compétences précises en français et maths :  » Le positionnement de l’élève s’effectue au niveau de chaque composante pour l’enseignement de « français » – langage oral ; lecture et compréhension de l’écrit ; écriture ; étude de la langue (grammaire, orthographe, lexique) – et l’enseignement de « mathématiques » – nombres et calcul ; grandeurs et mesures ; espace et géométrie ». Pour chacune il indique un niveau atteint : « objectifs d’apprentissage non atteints, objectifs d’apprentissage partiellement atteints, objectifs d’apprentissage atteints, objectifs d’apprentissage dépassés ». S’ajoute éventuellement la mention du PAP, PAI, PPRE, PPS de l’élève ou son suivi par le Rased.

Fin du B2i et numérisation problématique du livret

L’arrêté du 31 décembre 2015 liste les attestations qui peuvent être jointes au livret scolaire. Il s’agit de l’attestation premier secours, de l’enseignement de la sécurité routière, de l’attestation savoir nager. Le B2i n’est plus mentionné à aucun niveau de l’école ou du collège. Il disparait en silence dans les nouveaux textes comme nous l’avions laissé entendre en octobre… Le fait que le numérique pénètre les programmes officiels suffit il à considérer que les élèves acquièrent une véritable formation numérique ?

Le rapport entre la nouvelle évaluation et sa numérisation est également passé sous silence.  D’après le nouveaux textes  le nouveau  » livret scolaire unique numérique » est créé dès la première inscription dans une école ou un collège. Il suit ensuite l’élève dont toute la scolarité devient accessible de fait à tous les enseignants. « Le livret scolaire peut être consulté par l’élève, par ses parents ou son responsable légal, par les équipes pédagogiques et éducatives du cycle concerné ou par celles de la première année du cycle suivant, ainsi que par le responsable de l’école ou de l’établissement scolaire dans lequel l’élève est inscrit ». Il comprend le bilan de fin de cycle mais aussi les bulletins pérdiodiques.

Ce que ne disent pas les textes c’est comment les professeurs des écoles vont réussir à créer et alimenter le livret. L’équipement numérique des écoles est notoirement insuffisant. L’accès à Internet est inexistant ou à très faible débit dans nombre d’écoles. La mise en place du grand fichier unique de tous les élèves pourrait poser pas mal de difficultés et pas uniquement en zone rurale.

Un livret scolaire simplifié en fin de cycle

« Le bilan de fin de cycle comprend une évaluation du niveau de maîtrise de chacune des composantes du premier domaine et de chacun des quatre autres domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cette évaluation se fait selon l’échelle de référence prévue à l’article D. 122-3 du code de l’éducation. » En clair à la fin de chaque cycle, le bilan comprend 8 items renseignés selon 4 niveaux de maitrise. Cette évaluation prend de l’importance en fin de cycle 4 puisqu’elle conditionne l’obtention du brevet. Le nouveau livret scolaire remplace le livret personnel de compétences.

Au collège les EPI dans les bulletins

La distinction école / collège est maintenue dans les bulletins périodiques y compris pour le cycle 3 qui réunit les deux niveaux. Ainsi l’arrêté précise que le bulletin indique  » le positionnement de l’élève au regard des objectifs d’apprentissage fixés pour la période sur une des quatre positions suivantes : objectifs d’apprentissage non atteints, objectifs d’apprentissage partiellement atteints, objectifs d’apprentissage atteints, objectifs d’apprentissage dépassés ou, le cas échéant, en classe de 6e, la note obtenue par l’élève ». Pour le même cycle on aura donc deux mode d’évaluation : par compétence à l’école et chiffrée au collège. Ainsi l’indication des composantes de l’enseignement de français et maths est exigée au CM1 et CM2 mais plus en 6ème. Au cycle 4, le bulletin indique  » la note de l’élève ou tout autre positionnement de l’élève au regard des objectifs d’apprentissage fixés pour la période ».

Par contre le bulletin renseigne aussi  » les actions réalisées dans le cadre de l’accompagnement personnalisé, ainsi qu’une appréciation de l’implication de l’élève dans celles-ci ». Il comprendra aussi « la mention et l’appréciation des projets réalisés dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires, en précisant la thématique travaillée et les disciplines d’enseignement concernées » et « le cas échéant, la mention et l’appréciation des projets mis en œuvre durant la période dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle, du parcours citoyen et du parcours Avenir ».

Dans le même esprit, le bulletin de 3ème ne comprend plus de note de vie scolaire, supprimée par V Peillon, mais  » des éléments d’appréciation portant sur la vie scolaire : assiduité, ponctualité ; participation à la vie de l’établissement ».

Le brevet donné sur l’évaluation des compétences

Le nouveau brevet entrera en vigueur avec la session de 2017. Les nouvelles modalités comprennent toujours une évaluation en contrôle continu et un examen final. Mais celui-ci devient quasi inutile. En effet sur 700 points au total, un candidat est déclaré reçu s’il a 350 points. Le nouveau règlement a donc abandonné l’idée avancée en 2012 d’une non compensation des évaluations. Mais le ministère a également abandonné l’idée d’une double évaluation par compétences et par examen avancée en septembre 2015.

En effet entre dans l’évaluation du brevet chacune des composantes du premier domaine et de chacun des quatre autres domaines du socle commun de connaissances. Les 4 composantes du domaine 1 « les langages pour penser et communiquer » concernent « comprendre et s’exprimer en français », dans une langue étrangère ou régionale; en utilisant les langages mathématiques et scientifiques ou encore en utilisant les langages des arts et du corps. Les 4 autres domaines participent aussi mais de façon non détaillée : méthodes et outils pour apprendre, formation du citoyen, systèmes naturels et systèmes techniques et représentations du mode et de l’activité humaine. En clair toutes les disciplines sont mobilisées mais certaines (celles qui contribuent au domaine 1)  pèsent nettement plus lourd. Or le nouveau barème attribue 40 points pour une maitrise satisfaisante dans chaque item. Le collégien moyen se voit donc déjà doté de 320 points avant d’arriver à l’examen sur les 350 nécessaires pour obtenir le brevet.  Les épreuves de l’examen deviennent donc très secondaires.

L’examen se compose de trois épreuves : un oral portant sur un EPI ou un travail fait pour le parcours avenir ou le parcours d’éducation artistique, une épreuve écrite qui porte sur les programmes de français, histoire et géographie et enseignement moral et civique ; une épreuve écrite qui porte sur les programmes de mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre et technologie. Le détail des épreuves sera publié au BO.

Des enseignants partagés

Les premières réactions des enseignants recueillies le 3 janvier sont partagées. Des professeurs des écoles soulignent l’allègement par rapport à l’ancien livret LPC très largement rejeté par les enseignants des écoles et collèges. L' »usine à cases » disparait au profit d’évaluations plus légères. Par contre, pour certains enseignants la numérisation est perçue comme un moyen de contrôle supplémentaire du travail enseignant. « Je n’ai pas envie que mon IEN voit les bulletins que je fais », nous a expliqué une enseignante. Ainsi certaines disciplines non évaluées dans les bulletins périodiques vont devoir l’être. Incapable d’accompagner le changement des pratiques, l’institution semble s’en remettre à l’outil numérique pour faire appliquer ses orientations. Le décret établit que le livret scolaire n’est pas accessible à la hiérarchie autre que le directeur ou le chef d’établissement. Mais qu’en sera-t-il dans les faits ?

François Jarraud

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