PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Comment aider les élèves ? C’est la question, entre autres, de la réforme du collège. C’est aussi le sujet de l’important rapport « Qu’est ce qui soutient les élèves ? », que le Café pédagogique a présenté le 12 février, Patrick Rayou, co-auteur de ce rapport, en éclaire certains points. Tout en rendant hommage au travail réalisé dans les structures évoquées dans le rapport, il souligne l’importance d’une formation des enseignants aux théories de l’apprentissage et au travail collectif.

Une expression revient souvent dans le rapport c’est l’idée d’ une « pensée magique » du soutien. Que voulez vous dire ?

 Dans certains cas elle est attribuée aux élèves dans d’autres aux professeurs. Pour les élèves, c’est le fait que certains jeunes à partir du moment où ils ont décidé de revenir dans le circuit scolaire pensent qu’il suffit d’être courageux pour que ça marche. C’est une condition nécessaire bien sur. Mais elle n’est pas suffisante. Les recherches montrent que des élèves qui disent « j’ai de mauvaises notes parce que je ne travaille pas, mais le jour où je vais m’y mettre tout rentrera dans l’ordre », en fait n’ont pas la compréhension du long travail d’accumulation nécessaire pour répondre aux demandes scolaires.

Pour les enseignants, il peut y avoir la même croyance. Penser que le coté plus accueillant , la requalification symbolique, suffit à surmonter les lacunes. Dans les deux cas c’est une méconnaissance des nécessités du travail intellectuel. Par exemple toute la thématique de la motivation consiste à penser qu’il suffit de dispositions psychologiques bien tournées vers l’étude pour réussir. Pour nous c’est magique car ça ne tient pas compte d’autres aspects.

Faut-il l’écarter la motivation ?

Bien sur que non. Mais ce que montrent les psychologues c’est qu’elle est difficile à maintenir dans le temps et qu’elle a du mal à se tenir face au travail long et quotidien , celui que les élèves qui réussissent pratiquent. La motivation est souvent momentanée et cache la forêt de tout ce qui est à faire pour réussir. C’est le problème de l’enseignement à distance qui demande plus d’autonomie que le présentiel.

Une autre idée du rapport c’est la place du travail. C’est une idée qu’on retrouve d’ailleurs dans le dernier volume de Pisa où on voit que les élèves très faibles en France travaillent à peu près aussi longtemps que les très bons. Que penser de l’idée que « si les élèves travaillent ils vont réussir » ?

Anne Barrère dans sa thèse sur les lycéens et les enseignants au travail (1) montre bien que cette croyance est partagée par tout le monde et qu’elle va avec la méritocratie. C’est l’idée que si la réussite des élèves ne doit rien aux héritages familiaux mais uniquement à la redistribution des cartes dans l’école alors c’est la travail qui compte. Plus les élèves vont travailler plus ils vont réussir.

Ce que dit Anne Barrère c’est que ça marche très bien pour ceux qu’elle appelle « les bosseurs » ils travaillent et réussissent. Ça marche pour les « fumistes : ils travaillent peu et ne réussissent pas. Mais ça ne marche plus du tout pour les « forçats » ceux qui travaillent beaucoup sans réussir et les « touristes » ceux qui travaillent pas et réussissent. Ça attire l’attention sur le fait que si le travail est plus facile à mesurer, il est surtout qualitatif. Il y a des façons de savoir travailler, savoir se référer au travail passé qui ne se mesurent pas au chronomètre.

Finalement aider vraiment les élèves ce serait faire quoi ?

 Je crois que les dispositifs de soutien sont très généraux et mélangent le soutien psychologiques et des titres de soutien plus complexes. Savoir comment aider les élèves culturellement ou cognitivement c’est plus difficile. Culturellement on a pensé à un moment donné qu’il fallait pour ces élèves une injection massive de culture. On y a renoncé car il faut du temps pour l’intégration. Ça suppose des diagnostics très individualisés pour voir où il en est, ce qu’il sait faire comme savoir faire un résumé, un brouillon… Toutes ces choses sont supposées connues mais s’acquièrent souvent en dehors de l’école. On peut être bienveillant dans l’école, c’est facile. Mais savoir aider les élèves sur les autres registres, cognitif et culturel, est plus complexe. Certains élèves ont besoin de l’être , d’autres pas du tout. Or en général il n’y a pas d’expertise et de travail collectif pour connaitre les besoins des élèves. On ne sait pas de quoi ils ont besoin.

Dans la dimension strictement cognitive que sait on sur le soutien ?

Il faut se poser des questions. Par exemple l’élève sait il ce que ça veut dire apprendre une leçon ? Il y a des gestes de l’étude qui semblent évidents pour l’enseignant mais qui ne le sont pas pour les élèves. Il faut se demander de quels gestes, quels outils basiques cognitifs les élèves ont besoin. Pour que les enseignants se rendent compte des besoins des élèves il faudrait qu’ils les regardent travailler. Or ils les voient trop peu car le travail est externalisé.

Une étude de la Depp montrait que le manque de maitrise du vocabulaire de l’école en maths était une cause importante d’échec. Vous le mettriez dans ces basiques ?

Oui bien évidemment. Tout le problème pour les élèves c’est d’arriver à comprendre comment on apprend à l’école. Or plus ils sont éloignés avec leur famille de l’école, plus c’est difficile. Les enseignants ont du mal à comprendre car ils pensent à eux -mêmes qui étaient bons élèves. Bachelard disait que les professeurs de maths ont du mal à comprendre que les élèves ne comprennent pas…

Il y a des perspectives d’amélioration ?

Bien sur. Déjà il faut redire que beaucoup des élèves qui sont dans les structures spéciales dont on parle dans ce rapport n’auraient jamais été rescolarisés ou n’auraient pas réussi dans une autre structure. C’est bien un progrès gigantesque. Mais il y a encore des progrès à apporter.

On indique qu’il faut regarder les trois registres. Souvent les dispositifs sont offerts de façon généreuse en nombre, avec l’idée que les élèves vont se construire un parcours. Mais pour cela il faut en être capable c’est à dire avoir déjà résolu beaucoup de problèmes. Il faut leur proposer des choses qui correspondent à un diagnostic personnel, en divisant les difficultés alors que souvent elle est présentée en bloc. Globalement c’est le diagnostic qui manque.

Pour changer cela il faudrait une formation des enseignants qui laisse plus de place aux théories de l’apprentissage, aux élèves réels. Or malgré les ESPE cela reste une part trop faible des enseignements. Résultat, les enseignants sont souvent incapables de faire ces diagnostics.

Je suis aussi persuadé que plus les dispositifs de soutien sont internalisés mieux c’est car c’est là qu’on voit comment les élèves travaillent. Cela suppose aussi un travail d’équipe renforcé car le regard croisé des enseignants est très précieux.

La réforme de l’éducation prioritaire va dans le bon sens ?

Le dispositif plus de maitres que de classes par exemple est excellent. Ce que font ces enseignants c’est ce que font les parents avec leurs enfants le soir au moment des devoirs : éviter à l’enfant de déraper. Finalement c’est simple : il faut essayer de comprendre pour quoi les enfants ne comprennent pas.

Propos recueillis par François Jarraud

Qu’est ce qui soutient les élèves ?

Note :

(1) Anne Barrère, Travailler à l’école. Que font les élèves et les enseignants du secondaire ?, Rennes, PUR, 2003 (202 pages)

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