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L’éducation à tout âge de la vie, une idée des « Lumières »
Lors de la révolution de 1789, Condorcet, député, présente à la Convention un rapport sur « l’organisation générale de l’Instruction publique ». Pour la première fois, on parle d’une instruction gratuite, pour tous, hommes et femmes, jeunes et adultes. On évoque la mise en place de bibliothèques dans les écoles et de « conférences » données le dimanche par les instituteurs pour tous.
Le projet se limitera à l’instruction obligatoire pour les 6-8ans et à la création d’écoles primaires.
Au XIXème siècle, reprenant Condorcet, Jean Macé avec la « Ligue de l’enseignement » et des ouvriers regroupés dans des chambres syndicales revendiquent une instruction obligatoire et gratuite pour tous, jeunes et adultes.
Des cours du soir gratuits, des conférences, des bibliothèques, des universités populaires sont proposés aux ouvriers pour qu’ils accèdent à la connaissance, à la culture, et par là s’émancipent.
L’éducation populaire était née
Quelques années plus tard, les lois de Jules Ferry en faveur, pour tous les enfants, d’une école gratuite, obligatoire et surtout laïque sont votées.
Après la guerre de 1914, des mouvements d’origine aussi bien laïque que confessionnelle, souvent critiques vis à vis de l’école, de ses valeurs de patriotisme et de ses méthodes, expérimentent de nouvelles pratiques pédagogiques appelées « éducation nouvelle » et revendiquent l’accès à la culture et l’éducation tout au long de la vie pour combattre les idéologies qui ont produit la première guerre mondiale.
Des organisations comme l’école de Freinet, les scouts de France, les CEMEA, les auberges de jeunesse, les centres de reclassement pour les chômeurs etc… vont mettre en place des activités culturelles et de loisirs en-dehors de l’école et en direction également des adultes.
C’est dans ce contexte que Joffre Dumazedier, militant des Auberges de Jeunesse puis Président de Peuple et Culture, donnera des cours du soir à de jeunes ouvriers de la banlieue parisienne en testant sa méthode d’ «entraînement mental».
De l’éducation populaire à l’éducation permanente
Au sortir de la seconde guerre mondiale, certains résistants passés par l’École d’Uriage et des mouvements comme Peuple et Culture revendiquent à nouveau une éducation populaire « globale et continue » pour former les citoyens et éviter le retour des idéologies d’extrême droite.
Le plan proposé en 1947 par Langevin-Wallon pour la réforme de l’enseignement y est d’ailleurs favorable : « l’éducation populaire n’est pas seulement l’éducation pour tous, c’est la possibilité pour tous de poursuivre au-delà de l’école et durant toute leur existence le développement de leur culture intellectuelle, esthétique, professionnelle, civique et morale ». Il est également prévu que des maîtres de l’Éducation nationale se consacrent entièrement à cette mission de l’éducation populaire avec non pas des méthodes pédagogiques scolaires mais en partant « des intérêts actuels » des adultes et en utilisant « leurs aptitudes d’adultes » . Cette partie du plan ne sera pas appliquée.
En 1955, Pierre ARENTS, membre de la Ligue de l’enseignement et inspecteur général de l’éducation populaire, est chargé par le ministre de l’Éducation nationale de préparer un nouveau projet de réforme de l’enseignement ; il défend l’idée d’une « éducation permanente » qui allie à la fois « l’éducation culturelle et le perfectionnement professionnel », mais cette proposition se heurte à l’opposition des entreprises et des syndicats. Tous voient d’un mauvais oeil l’idée d’une formation professionnelle délivrée par l’Éducation nationale et jugent le développement d’une éducation culturelle inutile voire même néfaste.
L’Éducation nationale va alors se désintéresser de l’éducation permanente.
De l’éducation populaire à la formation professionnelle continue
Dans les années 60 et 70, le rôle de l’État dans la construction du système de formation professionnelle sera capital. Il s’agit alors de développer économiquement la France et de faire reconnaître la formation professionnelle comme un atout.
Pour convaincre, les pouvoirs publics s’appuieront dans certains secteurs sur les propositions et expériences de Joffre Dumazedier.
Dans l’agriculture, les Centres de formation professionnelle et de promotion agricole et l’Institut national de Promotion supérieur agricole seront créés. Peuple et Culture sera agréée pour mettre en place « des actions de sensibilisation aux problèmes de l’éducation populaire et de l’animation destinées à des ingénieurs des services agricoles et du génie rural ».
La méthode de l’ « entraînement mental » de Dumazedier sera également utilisée au sein de certaines grandes entreprises publiques pour la formation des salariés.
La loi du 16 juillet 1971 pour la formation professionnelle continue reprendra le terme d’« éducation permanente » dans son intitulé et dans son article 1er, mais les entreprises l’utiliseront pour développer les formations professionnelles au service de la production, puis plus tard pour lutter contre le chômage.
L’avis de la Fédération
L’éducation populaire, par ses idées et ses méthodes a largement contribué à promouvoir l’éducation des adultes et a inspiré le système de formation professionnelle continue, mais elle a perdu en partie son combat pour plusieurs raisons :
• l’Éducation nationale ne s’y est jamais vraiment intéressée ;
• les entreprises et les pouvoirs publics ont recentré leurs objectifs sur la formation et qualification professionnelle au détriment de la formation culturelle et du développement à la citoyenneté ;
• les syndicats n’ont jamais vraiment adhéré à l’idée d’un système d’éducation qui vise à former globalement et en continu le citoyen et le travailleur tout au long de la vie.
Pour aller plus loin
• Le rapport Condorcet
• Le plan Langevin Wallon Chapitre VII L’éducation populaire
• « Quand la Ligue de l’Enseignement ajoutait éducation permanente à son sigle » Intervention de Pierre Tournemire lors du colloque organisé par le SEP et le centre d’histoire du XXème siècle.
• « La loi de 1971 sur la formation : un nouveau marché pour l’éducation populaire » – Yves Palazzechi lors du colloque organisé par le SEP et le centre d’histoire du XXème siècle.
• « Les passeurs de l’éducation populaire à la formation continue » – Vincent TROGER Travail et Emploi n°86 Avril 2001.
Image : Marquis de Condorcet