ÉDUCATION PARTAGÉE : VOIE DE L’AVENIR
La refondation primordiale de l’école et l’aménagement des temps de vie des enfants et adolescents (éducatifs et scolaires, sociaux et de loisirs) engagent tous les acteurs de l’éducation à se construire une représentation commune et partagée du projet d’éducation sur leur territoire de vie et d’activités.
« Après le pain, l’Éducation est le premier besoin du peuple » DANTON
Les revendications, les interrogations, les polémiques, autour de l’école et des questions éducatives signifient que l’éducation dite nationale est à un tournant et qu’il s’agit d’un enjeu social et politique d’envergure.
Un enjeu qui dépasse les conservatismes et les disputes, encore trop polarisées sur l’école et ses annexes, alors qu’il s’agit d’ouvrir des approches et des chemins nouveaux pour des transformations nécessaires et indispensables dans l’accès aux savoirs et à l’inclusion sociale de tous. Un enjeu individuel et social, dans l’intérêt de chacun des enfants et des jeunes comme de celui des relations humaines et de la vie collective de notre société. L’éducation, au sens global du terme, concerne l’ensemble de la population et tous les champs éducatifs.
Assumer cet enjeu, aujourd’hui, c’est apporter une vision collective d’un nouveau modèle, celui de la construction d’une éducation globale, inclusive et partagée, supposant ainsi solidarités et coopérations en actualisant le modèle « Ferryste » du partage de l’éducation entre école, familles et éducation populaire.
La loi de juillet 2013 sur la refondation de l’École définit les orientations, les buts et le cadrage de profonds changements de l’École en prolongeant, complétant et élargissant les avancées opérées par celle de 1989. Elle prend place dans un processus dont les prémices apparaissent, dans la dernière décennie du XXème siècle, avec la notion de « responsabilité partagée » qui se développe dans plusieurs domaines institutionnels concernant la famille, la ville, la santé, les jeunes, et… l’éducation au sens large.
Dans ce processus, la loi ouvre ces chemins nouveaux vers les coopérations entre tous les acteurs et professionnels intervenants dans les champs éducatifs. En ce sens elle devient une loi « sociétale » d’intérêt général. En d’autres termes la loi ne pourra se comprendre et surtout s’appliquer que si elle s’inscrit plus explicitement dans ce paradigme nouveau d’éducation partagée
Si la loi fixe clairement et pertinemment des principes essentiels, ceux-ci ne suffisent cependant pas pour répondre efficacement aux enjeux face à la réalité et pour l’avenir. Il ne suffit pas d’affirmer, en pétition de principe, que « les fondements d’une École juste, exigeante et inclusive sont désormais posés et la loi crée les conditions de l’élévation du niveau de tous les élèves et de la réduction des inégalités ». Encore faut-il aborder les questions du pourquoi, du comment et dans quelles conditions.
UN CONTEXTE MOUVANT : MUTATIONS ET INCERTITUDES
Le contexte dans lequel l’éducation est interrogée, est tout à la fois culturel, social, économique, géostratégique, scientifique et technologique. Contexte mouvant, souvent incompréhensible, marqué du sceau de la complexité et où les repères deviennent flous voire disparaissent.
Depuis les premières crises de la décennie 1970, le paysage social et économique, a profondément changé et change constamment et parfois brusquement sous l’effet notamment de la globalisation (mondialisation) et des technologies de l’information et de la communication (internet). Des évolutions culturelles et sociales nombreuses, parfois précipitées, en particulier de l’urbanisation, du travail, de l’allongement de la durée de la vie et des transformations de la famille. La prise de conscience progressive de l’enjeu écologique en termes d’avenir de la planète devient source d’inquiétude.
Entre le pessimisme catastrophique et le déclinisme remâché, qui découragent et le volontarisme des coups de menton et des mots chocs qui inquiètent, n’est-il pas temps de « penser ce qui vient » et de redonner espoir ?
N’est-il pas temps de prendre l’exacte mesure des mutations en cours pour les comprendre, les maîtriser et se mobiliser pour opérer, concrètement, les changements d’orientation pour une société plus démocratique voulant l’émancipation des personnes dans un avenir collectif ?
L’éducation partagée est l’appui pour ce nouvel horizon et support de cette mobilisation, au carrefour de toutes les mutations, au fondement même du vivre et agir ensemble.
Elle vise en effet de répondre aux enjeux de ce qui vient :
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l’éducation de tous pour répondre aux besoins de développement (personnel et collectif) et agir pour réduire les inégalités, mais une éducation renouvelée et élargie dans le cadre et la perspective d’une éducation tout au long de la vie
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la territorialisation des politiques éducatives pour être au plus près des besoins des individus, mobiliser l’ensemble des ressources (humaines et matérielles) et développer les synergies et partenariats
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la démocratisation des procédures et des modes de fonctionnement par les projets, le dialogue et l’échange notamment intergénérationnels en particulier en développant l’éducation partagée.
Par rapport aux raisons et aux objectifs (notamment ceux de la loi sur la refondation) beaucoup d’éléments demandent du temps pour être examinés, prospectés, discutés et prendre forme pour s’appliquer (par exemple les programmes ou le socle). Plus important encore: nombre des mesures annoncées ou qui s’appliquent et se mettent en œuvre comme sur les temps des enfants sur la semaine (temps familial, temps d’activités formelles ou informelles, temps scolaires…) et leurs contenus et organisation montrent de multiples malentendus ou incompréhensions, des contestations parfois légitimes souvent de mauvaise foi. Difficultés qui paraissent dues, pour une grande part, à un manque d’explicitation et une insuffisance de concertation entre les différents acteurs.
Mais surtout à la timidité ou la cécité devant une double exigence :
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la refondation de l’École est inséparable d’une conception d’ensemble de l’Éducation et donc du champ dans lequel elle se conduit
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l’Éducation doit répondre et satisfaire, en premier lieu, aux besoins de l’enfant et de l’adolescent et donc s’adresser à l’intégrité de la personne.
Double exigence qui nécessite de définir les différents milieux et environnements du champ éducatif, concernés dans les espaces et les temps où il y a éducation et comment ceux-ci s’articulent en distinguant formel, non formel et informel.
Un champ qui obéit à deux principes politiques essentiels d’ordre démocratique :
– l’Éducation est UN DROIT de tous sans exception qui doit en conséquence permettre l’accès de chacun quelles que soient ses origines, ses conditions, ses spécificités, son âge
– l’Éducation est l’AFFAIRE de TOUS en tant que parents, professionnels, associatifs, urbanistes, élus, acteurs économiques….et bien évidemment jeunes eux-mêmes.
Si la loi ne pose pas ces questions de manière explicite c’est, probablement, le reflet d’un manque d’élaboration collective et transversale entre tous les acteurs institutionnels. L’éducation ne commence ni s’arrête aux portes de l’école. Manque qui apparaît souvent aussi au niveau local et gêne les collectivités dans leurs politiques. Or la refondation et l’aménagement des temps dépendent d’une mobilisation et d’une cohérence, au niveau local, de toutes les politiques publiques concernant les enfants, les jeunes, la santé, les transports, l’habitat etc.
N’y a t-il pas urgence politique et devoir de responsabilité, dans la situation de flou actuelle,d’offrir cette vision collective du paradigme de construction d’une éducation globale, inclusive et partagée ?
L’ÉDUCATION, BIEN COMMUN ?
L’Éducation, dans les différents domaines qui concourent au développement de chaque individu au sein de la société, devient un bien commun fondamental.
Un bien qui doit être accessible et offert à tous quels que soient les lieux, les origines et les catégories sociales L’éducation est à la base de toute société qui cherche l’épanouissement de ses membres tant individuellement que collectivement
De ces principes découlent trois implications: l’éducation, quel que soit le domaine où elle s’exerce et ses acteurs est une responsabilité collective, elle doit être inclusive, elle suppose solidarité et coopération.
Les politiques à élaborer puis mettre en œuvre sont de trois niveaux: national, régional et local. Elles partent de valeurs humanistes et émancipatrices; elles reposent sur une pratique démocratique d’échanges et de mise en relation de tous les acteurs concernés. Elles réclament de s’appuyer sur des initiatives, des mobilisations, des innovations non seulement tolérées mais soutenues et encouragées. Une telle vision et de telles pratiques doivent être affichées et explicitées clairement.
Répétons le : l’enjeu de l’éducation partagée est à la fois culturel, social, économique et démocratique. Face aux difficultés qu’affronte notre pays, l’éducation partagée, inscrite dans la perspective d’éducation et de formation tout au long de la vie, est l’outil principal pour résister aux crises, défricher de nouveaux chemins et préparer l’avenir.
Il est crucial de prendre la mesure de ce qui est en cours sur la planète et qui modifie profondément notre tissu social et affecte autant les vies de chacun-e. Notre pays (comme d’autres, notamment en Europe) est très directement percuté par les mutations profondes entraînées par la mondialisation. Nous sommes face à un ancien ordre des choses qui se fissure tandis que le nouveau se dessine ou se fraie son chemin au travers de soubresauts. Les crises sont pratiquement toutes systémiques à l’échelle mondiale, surplombées par un climat qui subit les effets de l’exploitation productiviste des ressources.
L’éducation partagée s’inscrit et fait lien avec l’engagement à participer contenu dans les agendas 21 qui instituent la prise en compte des « parties-prenantes » pour passer d’un projet « sur » un public à un projet émancipateur, établi « avec » les personnes concernées, qui développe les ressources au lieu des les tarir !
Faire de l’éducation une priorité correspond à un désir d’avenir et à ces enjeux que la société doit affronter en dépassant tous les conservatismes.
La France n’est pas en crise, mais dans une série de crises ou plus précisément dans une longue période de mutations qui mettent en question pratiquement tous les aspects de la vie sociale mais aussi professionnelle et personnelle (voir l’évolution des structures familiales). Les repères habituels ne suffisent plus, les fractures sociales et géographiques s’élargissent, l’incertitude règne, les précarités s’étendent, les peurs et les angoisses se développent, les structures familiales se diversifient… Il y a un lien entre tous ces éléments même s’il faut nuancer car, dans le même temps, localement, de nombreuses initiatives souvent associatives inventent des activités, des structures d’économie sociale apparaissent et se multiplient (souvent discrètement), des dispositifs sont proposés par différentes institutions (dont l’éducation nationale, jeunesse et sports, action sociale…).
L’ÉDUCATION PARTAGÉE ET INCLUSIVE, UN DÉFI
Nous disons qu’aujourd’hui, après l’assistance au plus démunis, l’éducation est le premier besoin d’une société en mutation, une éducation partagée fondée sur la solidarité.
Parce qu’il y a
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exigence, en l’état actuel d’une société qui se fragmente, de penser l’avenir et « d’armer » les jeunes pour s’inclure et pouvoir maîtriser leurs projets personnel
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nécessité de brasser les générations pour transmettre des savoirs sociaux et professionnels
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besoin impératif de retisser les liens sociaux par les actions de proximité suscitées par l’éducation de tous (notamment intergénérationnelles)
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obligation de réduire les inégalités, dès leur départ, en agissant au plus près des conditions de vie et des situations réelles vécues par les familles.
L’éducation partagée, c’est à dire voulue et organisée ensemble pour tous, est le levier principal pour redonner espoir tant collectif qu’individuel
Cette vision est celle d’une nouvelle définition englobante (ou de nouveaux paradigmes) de l’Éducation Il nous faut, certes, des lois pour cadrer et orienter, des textes pour impulser, des décrets pour appliquer et ouvrir des possibles. Il nous faut, assurément, des administrations simplifiées et facilitatrices sans concurrence entre elles ou préservation de prés carrés. Il nous faut, sans aucun doute, des politiques éducatives locales cohérentes.
Mais, si l’éducation est un domaine politique essentiel à la vie sociale et la prise de responsabilité, il nous faut avant tout mobiliser tous les acteurs sur des projets éducatifs concrets couvrant l’ensemble des temps de vie et d’activités des jeunes et organiser l’accompagnement indispensable.
Sans attendre les directives de nos institutions venues du haut, sans craintes d’aller trop vite au risque d’être trop lents, il est temps d’agir et d’innover pour inscrire dans les faits cette éducation partagée. Il est temps de multiplier des initiatives, à l’image de ce qui se développe dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Au plan politique, en termes de vie de la Cité, il s’agit d’accompagner le surgissement de l’avenir en assurant une synthèse entre l’indispensable transmission des savoirs (collectifs et personnels) entre les générations et leur nécessaire adéquation et compréhension aux évolutions et (r)évolutions des savoirs, des conditions et modes de vie, des mentalités.
Nous sommes, soyons lucides, face à une alternative: ou bien nous affirmons aller vers l’émancipation ou bien nous acceptons l’accélération des fractures sociales et culturelles. Ce ne sont pas les incantations à la croissance ou le recours à l’injonction d’innovation qui sont de mise. On ne change pas une société par injonction, par décrets mais par une ambition et par l’accompagnement des initiatives. La société, et le domaine de l’éducation notamment, évoluent par et dans des processus dynamiques, engagés par les acteurs
Le bien éducatif commun doit répondre efficacement aux besoins constatés des individus (développement personnel) comme de l’ensemble social (développement socio économique et culturel). Comme toute société en mouvement, il doit se transformer pour satisfaire aux nouveaux besoins issus d’une société qui bouge au regard des mutations qui la bouleversent . Cette transformation est aussi l’amorce d’une éducation tout au long de la vie pour maîtriser les changements de civilisation qui se produisent dans le cadre de la mondialisation.
Ce bien commun est aujourd’hui menacé notamment par la marchandisation du savoir (et la fracture numérique…) d’un côté et les fractures sociales de l’autre (les inégalités de toutes sortes -habitat, emplois, école …). Sans oublier ce qui est de l’ordre de l’inégalité d’accès au loisir ou de publics discriminés (exclusion économique, normative : handicap, origines…).
L’ensemble éducatif a subi une vraie révolution, celle du nombre; l’École a remporté la bataille du nombre (la démocratisation et 80% niveau bac) et les activités organisées par les associations et les collectivités accueillent une plus grande part des enfants et adolescents. Mais une démocratisation trompeuse, puisque les inégalités et les exclus ont progressé.
Sans parler de l’environnement international et des conflits qui affectent chaque continent dans ce monde qui devient multipolaire, notre pays subit plusieurs crises en parallèle, signes des mutations profondes que porte la mondialisation. La compréhension de ces mutations est vitale tant leurs interactions sont difficiles à appréhender d’autant plus que leurs effets percutent à la fois la société dans son ensemble et chaque individu en particulier. Effets qui, en fissurant le réel et le quotidien créent peur (obscurcissement de l’avenir), angoisses, repliements sur soi.
Les échanges entre pays, la mobilité, les migrations ont un impact sur l’ensemble du territoire national, les biotechnologies et la recherche médicale se diffusent dans toutes les régions, les conditions, contenus et organisation du travail évoluent rapidement… toutes ces mutations se conjuguent, s’entremêlent aboutissant aux fractures géographiques entre les grandes villes, leurs zones d’influence et les zones excentrées, sans compter les poches de pauvreté ou d’exclusion à l’intérieur même des territoires urbains ou à leurs marges.
C’est bien parce que nous sommes confrontés à une généralisation des processus d’expulsion qu’il est urgent d’y opposer le processus de l’inclusion. Parce que l’expulsion est, à court terme, la désintégration ou la destruction pure et simple. En se fondant sur l’intégrité de chaque personne, l’inclusion est la seule défense possible dans un contexte de baisse tendancielle du taux de travail et où tout (y compris le savoir) devient marchandise. D’où l’urgence de la coopération et du partage à quoi veulent (peuvent? doivent?) correspondre des pratiques de co-construction comme le PEdT … dans une démarche démocratique. L’inclusion (et le Projet éducatif) est très directement liée au partage et à l’échanges du et des savoirs.
Nous pouvons constater que les technologies numériques modifient et multiplient les supports éducatifs et leur diffusion mais également la circulation des savoirs dans la société, a fortiori entre les différents acteurs de la communauté éducative. Encore trop centrés sur l’établissement scolaire, les espaces numériques de travail collaboratif pourraient constituer des lieux virtuels et réels d’innovation pédagogique.
Les projets éducatifs portés par les collectivités ne pourraient-ils pas penser un service éducatif en ligne, articulé avec ceux des différents acteurs mais également ouvert aux usagers des services sociaux, ou de santé, aux service culturels, en lien avec la vie économique et la vie associative du territoire? Un tel service serait un outil utile pour défragmenter et décloisonner l’action publique mais aussi un des moyens de rendre perceptible et concret le territoire « apprenant pour tous »
DÉVELOPPER L’ÉDUCATION PARTAGÉE : DEUX CLEFS
La mobilisation constructive que nous appelons ne peut se satisfaire de dénonciations (même justifiées), de réticences (même légitimes), d’inquiétudes (même compréhensibles). Elle veut simplement préparer, faciliter et défricher ensemble ce qui doit être transformé sur le terrain éducatif.
C’est pourquoi nous pensons qu’il serait efficace de choisir deux clefs pour déverrouiller et décloisonner le monde éducatif par une mobilisation « citoyenne » autour de trois objectifs :
–comprendre et maîtriser les évolutions entraînées par la mondialisation
–assurer une vraie démocratisation qualitative (accès de tous et accompagnement de chacun)
–retisser du lien social par la proximité et la participation aux structures citoyennes de discussion et d’élaboration
Ces deux clefs :
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le PEdT à la condition qu’il soit élaboré par les acteurs éducatifs eux-mêmes (les parents, les enfants et leurs enseignants, animateurs, éducateurs au sens élargi à toutes les spécialités médicales, sociales, artistiques et sportives et du loisir…) aidés par les services des collectivités et des diverses institutions et associations locales, dans le respect des compétences de chacun des acteurs afin d’être validé ensuite par la collectivité territoriale.
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le socle commun de connaissances et de compétences, qui sera validé par l’École mais dont le contenu (base commune) est étudié à l’école en relation avec toutes les activités d’apprentissage menées par les jeunes dans leurs temps sociaux, temps dédiés et encadrés ou temps informels.
Les Projets éducatifs territoriaux, dans la loi, « mettent la concertation locale au cœur de la question éducative ; c’est dans ce cadre que pourront être élaborés des projets prenant en compte la globalité des temps de l’enfant » (y compris le temps scolaire). Ajoutons qu’ils ont une dimension sociale, qu’ils se relient au développement du territoire et sont source d’une identité pour ce territoire.
Le territoire, entendu comme une unité de proximité politique et de vie (communes et intercommunalités) est le niveau adapté pour élaborer et mettre en œuvre de tels projets.
Mais, au delà des analyses et orientations indispensables, il nous semble essentiel que les élus et décideurs des collectivités puissent s’approprier cette vision et organisent la gouvernance de cette politique.
Il y a, du point de vue des acteurs, besoin d’une réaffirmation des objectifs, d’un soutien et d’un encouragement pour les collectivités territoriales pour qu’elles puissent impulser, de manière cohérente, leurs politiques éducatives et tout particulièrement l’élaboration du PEdT, gage de sa mise en œuvre.
La définition des objectifs communs, à partir de diagnostics partagés, et l’utilisation judicieuse des moyens de la collectivité (et de ceux des institutions et organismes concernés), les mutualisations possibles, doivent s’effectuer en fonction de l’ensemble des besoins éducatifs, sociaux et culturels identifiés collectivement et localement.
L’implication d’une telle pluralité d’acteurs (et de « statuts » différents), suppose l’engagement sur des valeurs communes et la transparence des rôles et objectifs spécifiques; transparence source des coopérations possibles, par exemple entre l’école et ses partenaires potentiels, mais aussi des mutualisations envisageables et indispensables. Elle induit que les décideurs politiques intègrent pour la réflexion sur le PEdT la nécessité d’y entrer par les tranches d’âges en relations avec les activités et leurs alternances (et non par leurs horaires ou leur saucissonnage ou cloisonnement). Seule entrée pour distinguer et relier les temps, les lieux, les disciplines ou spécialités, le domaine du privé et celui du public, c’est à dire les apprentissages.
Les modes d’élaboration des réponses aux besoins des jeunes et de leurs familles méritent d’être appréhendés d’une manière moins segmentée et plus novatrice au plan de la méthode, de la répartition des fonctions, compétences, missions entre les différentes collectivités locales…ce qui nécessite une approche prenant davantage en compte la notion de parcours.
Nous estimons qu’un texte national d’incitation (et non d’injonction technocratique ou administrative) s’impose pour définir valeurs et orientations communes à l’ensemble des territoires, texte qui sera complété, enrichi et adapté par les collectivités à leurs identités propres. Ce texte peut prendre différentes formes: recommandations votées par le Parlement, circulaire interministérielle de tous les secteurs concernés, charte d’engagement…
Ce texte concernera l’importance, le champ d’application, les valeurs, le pilotage, la gouvernance et les enjeux des Projets Éducatifs de Territoires d’une part et la priorité donnée au socle commun de la scolarité obligatoire.
Mais surtout il engagera tous les acteurs de l’éducation à participer à la construction commune de leurs représentations de l’éducation et à l’élaboration collective du projet d’éducation (et non à la simple application de directives). C’est tout le sens du partage pour mieux faire sur leur territoire de vie et d’activités.
De même, en relation avec la réforme des collectivités territoriales, il est urgent de clarifier les compétences de chaque niveau (et plus précisément des communautés de communes et des régions), rendre transparents les processus de décisions et les complémentarités avec les services de l’état.
Des nouveautés, comme le cycle CM/6è, doivent en effet être concertées avec les collectivités dans la mesure ou cela induit la relation écoles – collèges qui, reliée au socle et à l’aménagement des temps, ne peut être traitée de manière cloisonnée. Il précisera en outre la démarche d’échanges entre le PEdT et les projets spécifiques d’école, d’établissement, de services. Enfin, la réflexion commune entre tous les éducateurs, enseignants, parents d’une part et les mouvements associatifs et sur le contenu des acquis fondamentaux (socle) permettra une forme d’autoformation. Il faut sans doute avoir le courage d’affirmer que la refondation suppose un questionnement sur le savoir et les moyens de l’acquérir. L’École, quant à elle (maternelle, élémentaire, collège, lycée…) n’est pas en dehors de la société et évolue tant bien que mal, souvent avec retard.
Sur ce plan les questions des « examens et diplômes » (DNB et Bac) comme celles des évaluations (notation) doivent être abordées rapidement car elles touchent très directement aux parcours des jeunes. En particulier le LPC, pour la scolarité obligatoire, est-il un outil adéquat ou valable ?
Dans l’évolution en cours, l’institution école, est heurtée d’une part par l’évolution sociale (les inégalités et précarisation) d’autre part par les technologies numériques (l’information et communications) en particulier par l’utilisation massive par les enfants et adolescents. Le socle (son contenu) pose la question des connaissance, des compétences et la culture nécessaire pour les acquérir et où les trouver (numérique oblige).. Les jeunes cherchent ordre dans le désordre d’informations non vérifiées, voire de rumeurs. Il appartient sans doute, aujourd’hui, à l’école de mettre de l’ordre dans le fouillis et notamment apporter les clefs, décoder les codes. Ce sera aussi « faire le pont entre le nouveau qui se présente presque à chaque instant et les connaissances ou l’acquis… » (comme le dit Marcel Gauchet). La compétence des enseignants ne devient elle pas d’inculquer le « savoir apprendre », le « savoir chercher » ? Savoir n’est ni réciter, psalmodier ou ânonner sottement ou stupidement mais douter, questionner, chercher, comprendre. Les jeunes questionnent en permanence à commencer par les « pourquoi » ou « c’est quoi »…
L’école est l’institution appelée à orienter les jeunes vers ces acquisitions au travers d’une coopération avec les autres institutions, organismes et associations qui accueillent des jeunes notamment de milieux sociaux exclus ou en précarité.
L’école, à tous les âges, doit apporter les outils logiques, les connaissances, la culture, les compétences clefs indispensables, à partir des apprentissages sociaux effectués dans leur vie quotidienne, à la compréhension de soi, du monde et de la complexité (la reliance chère à E.Morin). Cette obligation, ou cette mission, impose des transformations profondes dans les contenus (les programmes), les structures (cycles et leurs conséquences pour les apprentissages), les méthodes (plus coopératives). Le socle en étant le cœur… Et au cœur du cœur la compétence essentielle du « savoir apprendre »
L’enseignant, tout éducateur, devient médiateur pour l’accès au savoir vérifié. En refondant l’École, en articulation avec la recomposition des temps de l’enfant et des adolescents et la redéfinition de leurs contenus, c’est bien faire le choix d’une éducation globale partagée.
C’est faire un choix de solidarité et de responsabilité intergénérationnelles, c’est aussi faire un choix culturel, un choix social, un choix économique, un choix de lien social et aussi un choix politique.
C’est faire le choix d’une société réellement démocratique parce qu’inclusive
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » (Sénèque)
Ce document représente la démarche préconisée par PRISME