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"Avec un cynisme certain, la majorité a annoncé le gel des fermetures de classes dans l’école primaire pour la rentrée scolaire 2012, sans remettre en cause celles effectuées depuis plusieurs années. Les mobilisations pour maintenir les écoles ou les classes menacées s’amplifient, de même que le mécontentement des acteurs éducatifs. Celui-ci est largement justifié, tant les choix budgétaires, éducatifs et in fine idéologiques de la majorité actuelle fragilisent l’école primaire hexagonale. En effet, derrière l’annonce opportune pour l’année de l’élection présidentielle, c’est le premier chaînon de notre système éducatif qui est gravement atteint par les politiques scolaires depuis 2002.
La réduction continue des moyens alloués à l’école primaire est un contre-sens sur tous les plans : elle est injuste moralement (l’école primaire accueillant tous les élèves dans une même filière démocratisée), désastreuse scolairement (les élèves en difficulté dans le primaire sont sujet à l’échec scolaire dans le secondaire), et contre-productive financièrement (la prise en charge de l’échec scolaire est moins coûteuse si elle est précoce). Loin de se limiter à un choix comptable, certes regrettable mais lié à des contraintes budgétaires, la volonté de la droite de réduire les moyens déjà insuffisants du primaire traduit une conception conservatrice de l’éducation. En effet, la majorité, depuis 2002, tend à « naturaliser » les inégalités scolaires, qui sont désormais lues comme l’opposition entre une poignée d’élèves méritants (qu’il faut extraire et exfiltrer vers des filières d’excellence) et une masse d’élèves en difficulté (dont beaucoup venant des « nouvelles classes dangereuses » des banlieues populaires). Pourtant, l’école primaire publique, ouverte à tous les élèves, plébiscitée en tant que service public de proximité, doit être favorisée financièrement pour construire la réussite éducative de l’ensemble d’une génération. En sous-finançant de manière croissante le premier cycle du service public éducatif, la majorité actuelle camoufle bien mal un projet scolaire conservateur et des considérations stratégiques sous la seule nécessité budgétaire."