Comment recevoir des parents d’élèves ? La question va bientôt se poser… Jean-Louis Auduc, ancien directeur d’IUFM, analyse toutes les situations et donne des conseils concrets. Une fiche à ne pas égarer…
Des parents angoissés pour le futur
Nous sommes aujourd’hui dans une situation où aucun parent n’est assuré que son enfant vivra dans le futur mieux que lui. C’est une rupture profonde avec ce qui a existé depuis deux siècles où la notion mythifiée, fantasmée, de l’ascension sociale a été un moteur puissant de l’espoir dans le futur. Hier, on pouvait investir sur l’enfant, se projeter dans le futur en pensant que ses enfants allaient vivre toujours mieux que leurs parents.
Cette perspective était un élément fondateur d’un projet collectif, d’une confiance dans l’école. L’école n’apparaît plus comme l’élément structurant d’un futur réussi quand ceux qui sont exclus précocement comme ceux qui ont mené leurs études jusqu’au bout se trouvent discriminés dans l’accès à l’emploi.
Les parents sont souvent plus désemparés que démissionnaires. Aujourd’hui, beaucoup de familles s’interrogent sur la poursuite d’études de leurs enfants : est-ce que cela ne va pas les conduire au chômage, est-ce qu’ils ne vont pas rester de plus en plus tard au domicile familial en situation de précarité ?
Nous sommes passés :
– d’une société fondée sur des PROMESSES matérielles dans lesquelles l’école jouait un rôle clé en délivrant des diplômes reconnus sur le marché du travail
– à une société pleine de MENACES matérielles où l’école joue souvent le rôle de bouc-émissaire.
Une incompréhension du système éducatif qui pourrait devenir désaffection
Pendant des dizaines d’années restées dans les mémoires, l’école a été un symbole de continuité et de permanence bien évoqué dans de nombreux romans ou des films. Depuis plus d’une génération, l’école apparaît en crise permanente de plus en plus incompréhensible. Qu’on se rappelle que depuis l’année 1974, il n’y a pas eu une année dans le système scolaire français où il n’y ait pas eu un ou deux niveaux connaissant une réforme des structures ou des programmes.
Améliorer la compréhension de l’école par les familles est un enjeu décisif
Trop souvent, encore, c’est aux familles de tenter de décrypter les changements… Si les familles et notamment celles les plus éloignées de l’école ne sont pas accompagnées dans leur découverte du système scolaire actuel, il y a véritablement un risque que ces populations rejettent une école qu’elles ne comprennent pas et soient sensibles à toutes les campagnes visant à disqualifier l’école publique.
Cette perspective est d’autant plus crédible que la France est un des rares pays d’Europe où n’existe sur aucune chaîne à diffusion nationale une émission d’information concernant l’école, ses programmes et son fonctionnement. Il y a en France des émissions « grand public » sur tous les sujets concernant le quotidien : la santé, la cuisine, les loisirs, l’automobile, la consommation… ; il n’y en a aucune sur l’école, qui n’est évoquée que dans les faits divers des journaux télévisés, ce qui contribue à faire de la connaissance de l’école un « délit d’initiés.
Il est exact qu’en vingt ans, les programmes scolaires du primaire ont été modifiés trois ou quatre fois, alors qu’ils avaient duré plus de vingt ans dans les générations précédentes. Trop souvent les documents présentant l’école primaire et ses programmes sont présentés de manière intemporelle comme s’ils avaient toujours existé. On fait rarement l’effort de dire aux parents d’élèves : voila ce qu’étaient les programmes il y a vingt ans, voilà ce qu’ils sont aujourd’hui et voici pour quelles raisons précises, ils ont été changés.
En ne mettant pas au premier rang l’information et les explications sur le fonctionnement du système éducatif, les enseignants du public risquent d’abandonner à la rumeur les jugements des familles sur l’efficacité de leurs établissements et à amplifier les critiques sur l’école publique.
Lors de la première rentrée à certains niveaux (début école élémentaire, 6e de collège, 4e de collège, 2de…) , il apparaît nécessaire de commencer la première réunion en faisant parler les parents présents sur leur souvenir de ce niveau scolaire. Cela permettra de leur montrer les différences de programmes, les nouvelles disciplines, les nouveaux moments d’orientation. Il faut se rappeler que jusque dans les années 1990, « l’écrémage » en collège se produisait entre la 5e et la 4e. Beaucoup de parents se rappelant de cette orientation en fin de 5e pense que leur enfant est « sauvé » à partir du moment où il est en 4e, alors que la situation est aujourd’hui fondamentalement différente avec le cycle « 5e/4e » … On a pu qualifier la classe de 4eme « classe de tous les dangers », car se cumulent dans cette classe, la crise d’adolescence, le changement de statut de la classe par rapport à celle connue par les parents, l’enseignement de nouvelles disciplines……..
Il faut également que l’école s’interroge sur une certaine prudence dans l’abandon de symboles ou de rites qui peuvent faire sens aux yeux des familles : les manuels, les fêtes de fin d’année, voire les bulletins scolaires…..
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