La redéfinition du politique en gouvernance Le concept de gouvernance s’ancre dans la réalité du phénomène de déconcentralisation. La gouvernance, définie comme [*mode nouveau de gouverner à visée démocratique*], implique une nouvelle forme d’[*articulation entre les instances locales, entre les entités nationales et locales, ou encore entre celles-ci et le marché*]. La gouvernance suppose une dynamique de négociation, voire de régulation entre l’État, l’école, le local et le marché, mise au service de la [*construction de l’intérêt général*], qui n’est alors plus défini par l’État, mais co-construit par les diverses instances politiques, économiques, éducatives et sociales (Warren, 2007). Dans l’acception volontariste de l’expression, l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, mais exprime la synthèse de ce qui est commun, voire transversal aux intérêts de l’ensemble des citoyens (Warren, 2008b). La gouvernance éducative est une redéfinition de la façon de gouverner l’école de la République. Les concepts de territorialisation et de gouvernance comme éléments de redéfinition de la politique sont consubstantiels à la déconcentralisation. Le processus déconcentralisateur renvoie à un [*nouvel espace politico-éducatif hybride*] de la société moderne française, pensé en termes de transactions, de désaccords, de négociations, de contradictions et de conflictualité pour construire l’intérêt général, et pour gérer, sinon résoudre, le problème des inégalités sociales, particulièrement devant l’école de la République (Warren, 2004). La déconcentralisation participe d’une volonté politique étatique de transformer le mode de gestion de la chose publique (res publica), notamment dans l’éducation, avec les conséquences que cela implique sur la conception même de l’État, et sur le processus d’élaboration des décisions politico-éducatives (Warren, 2008b). Conclusion Structuré autour d’une pluralité de logiques, différenciées sur la base des finalités et des enjeux assignés à la scolarisation des tout-petits, le modèle français d’école à deux ans fait coexister les questions de « [*l’école, l’enfance et l’enfant*] » et des conditions d’accueil des tout-petits, la demande sociale de scolarisation, le rapport au savoir, la territorialisation et la déconcentralisation éducative. Ce qui produit de l’intelligibilité sur la question de la scolarisation des tout-petits, c’est une démarche de prise en considération de l’ensemble des logiques et modes de pensée relatifs à l’école à deux ans, déployé par les différents acteurs en présence, nationaux et locaux. L’histoire de la préscolarisation est [*empreinte d’intentions sociales et éducatives en faveur des enfants du peuple*]. Les discours actuels appellent à repenser les conditions d’accueil des enfants de deux ans en maternelle. En 2008, les pouvoirs publics nationaux préconisent la création de « jardins d’éveil », conçus comme structure alternative à l’école à deux ans. La scolarisation des tout-petits répond à une demande des parents socialement différenciée. Elle participe à la [*continuation de la construction de leur rapport au savoir*], et est conçue comme processus socioscolaire de prévention primaire des inégalités devant la réussite scolaire. Elle est pensée en référence à la [*territorialisation éducative*]. Un ensemble de logiques et processus (universalisme, territorialisation, redistribution de certains pouvoirs entre le national et le local, réduction des inégalités) détermine et encadre l’évolution du mode de penser les politiques publiques d’éducation en France. Ces logiques et processus pluriels peuvent coexister, s’hybrider ou être en tension pour définir l’intérêt général éducatif, et construire un modèle nouveau d’école républicain. Au regard de l’implication des instances et espaces institutionnels et politiques dans l’éducation (État, services déconcentrés, collectivités territoriales, école, ZEP), qui ont légitimité pour définir l’intérêt général et piloter l’école de la République, les enjeux du processus de [*modernisation de la gestion des politiques publiques d’éducation*] ne sont pas seulement administrativo-juridiques, mais relèvent aussi et surtout de la sphère sociopolitique. Le mode nouveau de gestion de l’éducation publique participe moins d’une montée du local au détriment du national, que de nouvelles formes d’articulation entre le national et le local. Le modèle républicain déconcentralisateur de l’école française tente de concilier deux logiques : l’une d’homogénéisation, universaliste et nationale ; l’autre de territorialisation, redistributive, préférentialiste, régulatrice et correctrice. La territorialisation traduit une double volonté politique de l’État de [*redistribuer le pouvoir entre le national et le local*], et de lutter contre les inégalités sociales devant l’école (Warren, 2003). Elle exprime un nouveau référentiel culturel, idéologique et politique de gestion de l’école de la République. Confrontée au paradigme de la territorialisation, l’école française s’inscrit dans un modèle politique et organisationnel bipolaire, structuré autour de stratégies de gestion des contradictions politiques, sociales, scolaires et éducatives à la périphérie, et d’une régulation politico-administrative au centre. La territorialisation participe d’enjeux liés à un processus de déconcentralisation, lequel renvoie à un espace politique hybride de construction de l’intérêt général. Issu d’une logique nationale, le mode nouveau de penser les politiques publiques françaises d’éducation génère une mutation du référentiel culturel, idéologique et politique d’organisation et de gestion de l’école de la République. Ce référentiel exprime le sens de l’évolution sociopolitique, culturelle et organisationnelle des politiques d’éducation de la République. Dans un contexte de territorialisation éducative, le nouveau référentiel de gestion des politiques publiques d’éducation, porté par la République, sera-t-il en mesure de [*promouvoir un principe politique de solidarité sociohumaine sur un territoire échelonné du local au national ?*] La scolarisation à deux ans renvoie à un double espace : l’un, pédagogique, articulé autour des enjeux de la question de « l’apprendre » et de la prise en compte des jeunes enfants en tant que sujets psychiques, singuliers et sociaux ; l’autre, sociopolitique, structuré autour de la volonté politique de l’État de réorganiser le pouvoir, et de fonder l’intérêt général sur une logique de réduction des inégalités sociales, à travers un mode nouveau de gestion de la chose publique éducative (Warren, 2008b).
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