Résumé
En cette période de repli individualiste, voire de régression idéologique et politique que nourrissent les multiples crises à l’œuvre, il est important de réinterroger la notion de communauté et les expressions dans lesquelles cette notion est convoquée (organisation communautaire, développement communautaire), d’autant qu’en France, l’interdit pesant sur l’utilisation de ces expressions est étonnant, notamment dans la politique de la ville qui par ses origines avait une parenté certaine avec elles. Face aux mutations en cours, ces notions ne peuvent-elles pas suggérer de nouvelles manières de penser et de faire ?
Mots-clés
Commune, communauté, communautaire, coopération, coproduction, démocratie, développement, empowerment, organisation, organisateur, politique.
Sommaire
0 – Introduction 2
1 – Les défiances françaises face au développement communautaire
et les silences de la politiques de la ville. 2
2 – Communautés, organisation et organisateurs communautaires,
que peut-on en dire ? 4
3 – Quelques pistes possibles, mais à quelles conditions ?
Communautés-territoires et développement communautaire.
Reconstruire une autre approche des réalités urbaines 5
4 – Conclusion 7
0 – Introduction
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«Les Américains de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les esprits, s’unissent sans cesse (…). Partout où, à la tête d’une entreprise nouvelle, vous voyez en France le gouvernement et en Angleterre un grand seigneur, comptez que vous apercevrez aux Etats-Unis une association». Tel est le constat fait par Alexis de Tocqueville dans son livre «De La démocratie en Amérique» (Vol 2, p.137) sur la différence d’attitude dans la prise d’initiative de part et d’autre de l’Atlantique. Cette opposition stimulante est peut-être bien trop simpliste car l’histoire française ne s’est pas réduite à cette vision centralisée descendante (top-down) du politique. Si celle-ci a été très longtemps dominante, elle n’a pas complètement détruit d’autres options au sein de la société (mutualisme, coopération, associationnisme, socialisme municipal, régionalisme, autogestion, etc.) même si on sait le sort qui a été réservé à ces options par les partis de gouvernement, de droite ou de gauche, mais aussi par d’autres partis tout autant fascinés par le modèle étatique centralisateur.
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En cette période de repli, voire de régression idéologique et politique que nourrissent les multiples crises à l’œuvre, il apparaît nécessaire de réinterroger la notion de communauté et les expressions dans lesquelles cette notion est convoquée (organisation communautaire, développement communautaire), d’autant qu’en France la sous utilisation de cette notion et des autres expressions, est étonnante, tout particulièrement dans la politique de la ville qui par ses origines avait une parenté certaine avec elles. Nous essaierons d’indiquer, enfin, comment face aux crises, ces notions peuvent suggérer de nouvelles manières de penser et de faire
1 – Les défiances françaises face au développement communautaire et les silences assourdissants de la politique de la ville.
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Les expériences du développement communautaire ont joué un rôle important dans la reformulation des approches européennes de la ville et ce que l’on appelle depuis le début des années quatre-vingt-dix, les politiques intégrées de développement urbain soutenable (Carrefour des villes Jacques Delors, 1993). Pour l’Irlande et le Royaume-Uni, les pays nordiques, les Pays-Bas, mais également la Belgique, la référence à cette caractéristique du développement est évidente tant les communautés et l’organisation communautaire font partie intégrante du système social et de ses représentations. Dans les autres pays européens, notamment méditerranéens, les communautés (à base religieuse) et les formes de régulation corporatiste ont longtemps assuré, seules, les mécanismes de solidarité compte tenu des faiblesses d’un Welfare state peu structuré, voire défaillant (Esping-Andersen 1990, Korpi 2000).
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En France, les expériences de développement communautaire américaines (Nord et Sud) ont fortement influencé, directement ou par le détour post-colonial (coopération) (Tanter, Toubon 2002), les tenants du développement qu’il soit rural, local, urbain ou social même si cela est resté somme toute une référence honteuse. Dès les années soixante, en opposant développement à croissance autour de la nécessité d’impulser des changements de comportement, François Perroux (1961) avait jeté les bases de ce qui deviendra le développement soutenable, notion qui sera largement ignorée par les aménageurs et par la politique de la ville (Jacquier 2009a). 1 Le développement local est né de la prise de conscience du fait que les politiques d’aménagement (stratégies top-down), généralement mises en œuvre par le gouvernement central pour corriger les déséquilibres géographiques (distribution différenciée des ressources naturelles) et socio-économiques (distribution différenciée des biens et services) ne pouvaient trouver leur pleine efficacité si elles ne reposaient pas sur l’organisation des volontés locales (enracinement dans un territoire). L’approche «bottom-up», par le bas, est apparu dès lors comme un principe essentiel de toute stratégie de développement.
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Si à ses débuts, sous l’expression «développement social des quartiers» (1981), puis «développement social urbain» (1988), la politique de la ville s’est inspirée de ces approches, au cours des années quatre-vingt dix, elle a été rabattue sur des logiques institutionnelles où les procédures descendantes «top-down» ont pris le pas sur les approches ascendantes «bottom-up». La notion de développement a d’ailleurs disparu des intitulés de cette politique et, ce qui devait être une vision globale des choses, s’est effrité en une multitude de dispositifs qui, s’ajoutant à une organisation politico-administrative déjà très cloisonnée, a engendré une véritable usine à gaz bureaucratique. La politique de la ville n’est pas entrée en politique et ses territoires opérationnels ne sont devenus des espaces, ni de légitimation électorale (cf. la sous-représentation des quartiers, l’importance de l’abstention), ni de confortement des clientèles. Assurément, les villes et leurs territoires délaissés ne sont pas malades de leurs lieux (place) (l’illusion de la tabula rasa), ni de leurs gens (people) qui y vivent (le «rêve» brechtien de dissoudre le peuple) mais bien de leurs institutions balkanisées, empilées et cloisonnées qui stérilisent toutes formes d’initiatives et d’innovations des communautés locales.
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Tout au long de son histoire, la politique de la ville a même oublié la dimension environnementale, la France peinant dans ses textes à faire référence aux politiques intégrées de développement urbain soutenable que prône l’Europe depuis au moins… 1993 (Jacquier 2009b). A l’heure où la politique de la ville envisage de se réformer, que des maires s’inquiètent de l’avenir de leurs territoires et surtout des populations qui y vivent (voir le manifeste des maires de Villes et banlieues mai 2010), il faut dépasser les bricolages procéduriers promis dans l’attente d’une réforme territoriale qui, soulignons-le, ne dit pas grand-chose des villes et de leurs territoires délaissés. A l’heure où les sociétés occidentales doivent d’urgence répondre à quelques défis majeurs (réchauffement climatique et crise énergétique, déficit d’eau potable et problèmes d’assainissement, enjeux alimentaires et problème lancinant de la faim, extension et approfondissement de risques de conflits entraînés par la concurrence pour l’appropriation des ressources, migrations de populations), il conviendrait de prendre un peu de hauteur. Confrontées à ces défis que l’on croyait réservés aux autres, nul doute qu’il faut procéder rapidement à un ré-étalonnement de la hiérarchie de nos valeurs et à une révision profonde de nos systèmes de préférences individuelles et collectives, parmi lesquelles ceux que nous avons construits dans des mondes urbains que l’on croyait intangibles. Une façon de dépasser tout cela consisterait à explorer quelques principes essentiels concernant «l’être et le vivre ensemble» (Arendt 1983) ce qui en fait une «communauté» susceptible d’user de ses facultés contributives. 2
2 – Communautés, organisations et organisateurs communautaires : que peut-on en dire ?
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La notion de communauté a mauvaise réputation en France ce qui peut être rattaché au débat sur la laïcité ayant abouti à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le rejet de la communauté peut-être aussi référé, à la loi Le Chapelier de 1791 interdisant les corps intermédiaires (corporations, jurandes, compagnonnages) qui entravait la mobilité et la dynamique sociale. «Il n’y a plus de corporations dans l’Etat ; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation». A la place des solidarités mécaniques, il faut substituer la solidarité organique faite de contributions et de redistributions sociales régulées par les institutions publiques (Durkheim, Simmel, Tönnies). Cette loi n’a pas fait disparaître pour autant les communautés mais c’est précisément au moment du triomphe de l’individualisme qu’on commence à s’inquiéter de leur nature au cœur de sociétés de plus en plus fragmentées.
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La communauté renvoie à la communitas romaine, au bien commun ou encore à la commune médiévale (Petit-Dutaillis 1970) lointaine ancêtre de la «community» américaine. Pour J-F Médard (1969) la community est «…à la fois un endroit, des gens vivant en cet endroit, l’interaction entre ces gens, les sentiments qui naissent de cette interaction, la vie commune qu’ils partagent et les institutions qui règlent cette vie». C’est une vision écologique de la communauté au sens donné par Robert Park (1967) qui permet de définir ce que je qualifie de communauté-territoire en lien avec les ingrédients du développement soutenable. Une communauté est composée de lieux (place en anglais, sphère environnementale) où habitent et/ou travaillent des gens (people, sphère sociale), une notion qui intègre le genre, et surtout, des institutions (sphères économique et politique) censées réguler les relations entre les gens et entre les gens et les lieux. Ces composantes d’un territoire se combinent pour générer des atmosphères particulières (Marshall 1890) qui singularisent une communauté. Tout cela doit être vu en dynamique. Chacune de ces composantes peut dériver ce qui provoque un repositionnement de la communauté dans la hiérarchie des territoires régionaux. Il en est ainsi particulièrement des territoires délaissés de la ville qui apparaissent aussi comme des territoires potentiels de son recyclage.
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La notion d’organisation communautaire n’est pas du tout utilisée en France, contrairement aux autres pays dont ceux francophones (Québec, Wallonie). Elle désigne à la fois un processus et un résultat. En anglais, des expressions distinctes, «community organizing» (processus) et «community organization» (institution) marquent cette différence qui en français, pourrait être rendue par deux expressions : «l’organisation communautaire» et «l’organisation de la communauté». Les «organisations communautaires» sont surtout des institutions sans but lucratif qui délivrent des services à la communauté locale. Certaines ont pour objectif d’organiser les communautés en provoquant des changements de comportements, l’émergence de responsables (leadership), notamment parmi les femmes et en renforçant ses capacités collectives (empowerment process). C’est le rôle, par exemple, des corporations de développement communautaire –CDC- ou des corporations de développement économiques communautaires –CDEC- aux Etats-Unis et au Canada. Ces organisations se manifestent dans diverses sphères : le monde du travail (workplace) avec les organisations syndicales (Union organizing), des catégories de population (genre, groupes ethniques : constituency organizing), des champs de compétences (impôts et taxes, éducation, santé : issue organizing) et bien sûr, des communautés (community organizing) (Kahn 1982).
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Trois grands types d’organisation peuvent être identifiés (Jacquier 1993).
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L’organisation communautaire, technique auxiliaire de la planification cherche à faire participer les citoyens à l’élaboration de projet (consultation, dialogue, concertation). Il s’agit d’agir sur le «hardware» (l’environnement construit) et secondairement sur les gens (changement social). Placée sous le contrôle de responsables extérieurs à la communauté. Il s’agit en fait d’un cas limite. Quelques leaders participent à un jeu de légitimation croisée avec les techniciens. La forme la plus aboutie de ce modèle est sans doute «l’advocacy planning» popularisé par Paul Davidoff (1965), la mieux connue en France.
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L’organisation communautaire technique d’intégration des communautés met l’accent sur le processus. Elaborée par des travailleurs sociaux (social workers) (Ross, 1957), elle s’apparente à une thérapie sociale qui met en avant quatre notions : le mécontentement, le leadership, le rythme de l’action et la communication. L’organisateur professionnel (community organizer) y joue un rôle-clé de facilitateur. Cette approche est efficace dans les communautés de classes moyennes, autour de valeurs très consensuelles, laissant de côté les mécontentements plus profonds des minorités ce qui a contribué à décrédibiliser les «social workers» par rapport aux «community workers».
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L’organisation communautaire radicale, enfin, se définit par rapport à ces limites (Alinsky 1989a). Trois principes la caractérisent : le self help, le pouvoir par l’organisation, le conflit. Le self help est le concept clé. Il faut construire une dynamique à partir des intérêts matériels et des potentialités des gens. Face au pouvoir de l’argent, ils ne peuvent opposer que le pouvoir du nombre, voir celui de leur singularité, structuré par l’organisation de la communauté. Cette organisation relève d’une stratégie politique débouchant sur une négociation avec les différents pouvoirs (élus, administrations, milieux d’affaires) qui oppressent les minorités. Si le compromis en est le débouché logique, il ne peut s’obtenir à froid : il y faut le conflit. Une dimension fondamentale : l’objectif du «community organizing» n’est pas le maintien de l’organisation pré-existante mais la désorganisation de communautés structurées par un ordre qui leur est extérieur, qui s’impose à ses membres et empêche la prise d’initiatives.
3 – Communautés-territoires et développement communautaire. Reconstruire une autre approche des réalités urbaines.
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Les villes et les régions urbaines sont de plus en plus fragmentées et cette fragmentation épouse les spécificités de groupes de population ce qui a conduit des observateurs à comparer certains territoires à des ghettos, une représentation qui brouille la réalité certainement plus qu’elle ne l’éclaire car ces territoires sont moins «enclavés» qu’on le prétend et bien plus «branchés» sur le monde qu’on l’imagine. A l’évidence, il faut retravailler sur cette notion de communauté-territoire et sur les potentialités qu’elles peuvent offrir pour reformuler des stratégies de développement.
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Avec la difficulté grandissante d’accès aux ressources monétaires et la contraction des solidarités organiques, le recours aux solidarités communautaires se trouve à nouveau posé, moins sous l’effet d’une offensive communautariste intégriste que par nécessité de survie. Que les formes organisationnelles retenues s’inspirent d’une idéologie religieuse ou non, qu’elles empruntent ou non des moyens de contrainte, qu’elles reposent sur des allégeances ou des adhésions, leur installation résulte plutôt d’un défaut de solidarités fondées sur des principes universalistes. Quelle est, en effet, la capacité des pouvoirs civils à faire appliquer dans la réalité les dispositions formelles, légales et réglementaires dans un pays où on se satisfait trop souvent de l’égalité formelle des droits sans se soucier de cette égalité dans les faits, y compris dans les institutions publiques qui devrait être particulièrement attentive à son application et qui ne sont pas exemptes de critiques en la matière ?
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Comme le suggère Peter Marden, n’assiste-t-on pas dans les société post-industrielles à une crise profonde des modèles de solidarité institutionnelle, généralistes et universalistes hérités du siècle dernier au profit de formes singulières et juxtaposées de «welfare communautaire» ? (Marden 2003) Il y voit surtout, à l’heure de la mondialisation, non pas la résultante de contraintes subies par des Etats placés sur le reculoir, mais une stratégie délibérée de leur part, instruite par l’idéologie néo-libérale, de renvoyer les individus à des solidarités à la carte, moins coûteuses, régulées par des communautés d’appartenance. Ce déclin du politique et de l’Etat s’accompagnerait donc d’un rabattement des formes de solidarité organique universaliste sur de nouvelles solidarités mécaniques à l’échelle de communautés recomposées, un processus qu’on a eu tendance un peu trop rapidement, en France, à qualifier de communautarisme en le référant, voire en l’imputant à un renforcement des allégeances religieuses. 3
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Ce fléchissement des mécanismes de solidarité est aussi à mettre en relation avec la transformation et, devrait-on dire, avec les mutations des structures familiales. Le modèle de la famille patriarcale n’est plus qu’un lointain souvenir en France et en Europe. Celui de la famille conjugale qui avait accompagné les trente glorieuses et la généralisation de l’Etat-providence a subi de profonds changements. Entre familles monoparentales dont la personne de référence est une femme et familles recomposées en passant par les personnes isolées (veuvage, célibat), le paysage s’est profondément transformé et avec lui les modes d’encadrement de la société civile. Dans de nombreux territoires au sein des villes, la famille monoparentale occupe une place significative qui accompagne de la-quasi disparition de la figure paternelle. La question du genre devrait être placée au cœur de la réflexion concernant les communautés-territoires. En particulier, une évaluation sérieuse des politiques publiques doit passer par une analyse de la sous-représentation des hommes dans ces territoires et dans les rares services publics et privés qui y subsistent. Dans ces territoires délaissés des villes, connaissant de lourdes dérives en matière de sécurité, il faut sans doute interroger d’urgence la disparition de la figure de l’homme, du père et de l’autorité masculine tant dans l’espace privé et social que dans l’espace public. 4
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Qu’il s’agisse du développement communautaire ou des politiques intégrées de développement urbain soutenable, comme on le voit, l’enjeu ne concerne pas principalement les lieux et les gens, mais bien la troisième composante des communautés-territoires, à savoir les institutions qui sont en complet décalage avec les mutations des villes (des organisations régressives). Penser en termes de communautés-territoires et de développement passe par une reformatage des organisations politico-administratives, des professions et des métiers fondés sur des manières de faire prenant en compte les interfaces et des médiations dans la conduite et la mise en œuvre des politiques sur le terrain (transversalité des actions, approches multisectorielles et multi-niveaux, coopérations territoriales, coproduction de la ville avec les citoyens). Désormais les défis se situent sur les frontières (institutionnelles, politico-administratives, disciplinaires) aux prises avec toute la complexité du monde en faisant appel à des métiers fondés sur le métissage et l’hybridation des disciplines et des pratiques. Ce qui était considéré dans les administrations comme des postes mineurs, délaissés et mal payés (au contact des usagers et des clientèles, dans le relationnel, au guichet, sur le terrain) postes dits de «front office» opposés à ceux de «back office», commencent à être revalorisés. Ces défis sont localisés dans certains domaines de compétence et, plus particulièrement, ceux «concédés» aux femmes tels que le social, l’éducation, la culture, la santé, l’environnement (le «software») qui occupent désormais une place stratégique dans le développement de cette denrée essentielle pour le développement, mal définie, qu’on appelle le «capital social» (Jacquier, 2000).
4 – Conclusion
4.1 Le modèle laïque de l’organisation de l’Etat qu’on nous présente encore souvent, en France sous ses plus beaux atours est très sérieusement battu en brèche, moins par les communautarismes, ce qui serait leur accorder une puissance qu’ils n’ont pas, que par le reflux voire la régression des formes d’organisation sociale et des institutions traditionnelles (services publics, organisations politiques et syndicales, organisations associatives) qui encadraient le corps social. On ne peut pas se contenter d’une dénonciation du communautarisme, en appeler au sursaut des citoyens et faire silence sur ce reflux des institutions laïques, reflux plus ou moins orchestré par les instances publiques étatiques et locales. Ce reflux est d’autant plus à questionner que dans le modèle jacobin «top-down», rien n’est assuré en ce qui concerne la prise de relais de ces principes laïques par les pouvoirs civils infra-étatiques et par l’organisation des territoires locaux. Bref, à l’échelle des collectivités territoriales et au niveau des territoires communaux et infra-communaux, dans les communautés-territoires qu’en est-il aujourd’hui et qu’en sera-t-il demain de l’application de ces principes fondamentaux universalistes ?
4.2 Avec le reformatage de nos sociétés occidentales grandes ouvertes sur le monde et la transformation des mécanismes de solidarité organique au sein des métropoles et des collectivités territoriales, les communautés-territoires peuvent être une nouvelle frontière d’une redéfinition de l’être et du vivre ensemble qui en appelle à de nouvelles pratiques politiques, de nouvelles organisations sociétales et à de nouvelles professionnalités. A l’heure des multiples crises et tensions que nous avons évoquées, les communautés-territoires et les organisations qui y voient le jour au sein des villes et régions urbaines (associations, organisations mutualistes, entreprises coopératives, etc.) peuvent fournir des opportunités pour repenser et mettre en œuvre ce que pourrait être des formes de solidarités «new-look» faisant appel à la coproduction des services et des arènes rénovées du débat et de la décision politique. Souvent et peut-être toujours, c’est au niveau local que s’inventent les nouvelles manières de faire.
5 – Bibliographie
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Alinsky Saul (1989a), Reveille for Radicals, Vintage Books, New York, (copyright 1946).
Alinsky Saul (1989b), Rules for Radicals. A Practical Primer for Realistic Radicals, Vintage Books, New York (copyright 1971)
Arendt Hannah (1983), Condition de l’homme moderne, Calmann-Lévy.
Davidoff Paul (1965), Advocacy and pluralism in planning, Journal of American Institute of Planners, n° 31.
Durkheim Emile (1967), De la division du travail social., PUF
Esping-Andersen Gosta (1990), The three worlds of welfare capitalism, Cambridge Policy Press.
Jacquier Claude (1993) Quartiers américains : rêve et cauchemar. Le développement communautaire aux États-Unis, L’Harmattan.
Jacquier Claude (2005), On relationship between integrated policies for sustainable urban development and urban governance in Governance, Decentralization and the Rise of Local Participatory Democracy? (sous la direction de Beaumont J., Musterd S.), Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie – 2005, Vol. 96, No. 4, by the Royal Dutch Geographical Society KNAG, Published by Blackwell Publishing Ltd., 9600 Garsington Road, Oxford OX4 2DQ, UK and 350 Main Street, Malden MA 02148, USA
Jacquier Claude (2009a), Politique de la ville et développement soutenable. L’insoutenable ignorance réciproque ! Les Cahiers du CRDSU, n° 51, pp. 9-10.
Jacquier Claude (2009b), Politique de la ville et développement soutenable : recyclage des communautés-territoires et coopération entre les acteurs de la ville. DIV, Revue électronique « Demain la ville », 14 p.
Kahn Si (1982), Organizing, New York : McGraw-Hill.
Korpi Walter (2000), Faces of inequality: gender, class and patterns of inequalities in different types of welfare states, Social Politics, vol. 7, n° 2.
Le Chapelier Isaac, Le Moniteur universel, t. 8, 14 juin 1791.
Lemieux Vincent (1982), Réseaux et appareils : logique des systèmes et langage des graphes, Edisem, Québec.
Marden Peter (2003).- The Decline of Politics. Governance, Globalization and the Public Sphere.- Aldershot, Ashgate, 286 p.
Marshall Alfred, (1890), Principles of Economics, London, Macmillan.
Médard Jean-François (1969), Communauté locale et organisation communautaire aux États-Unis, Cahier de la Fondation nationale des sciences politiques, Armand Colin.
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Perroux François (1961), L’économie du XXème siècle, PUF.
Petit-Dutaillis Charles (1970), Les communes françaises, Albin Michel.
Ross Murray G. (1957), Community organization, theory and principles, New York Mayer Brothers.
Simmel Georg (1981), Sociologie et épistémologie, Paris: PUF.
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Tocqueville Alexis (1981), De la démocratie en Amérique, Flamarion, Tome 1et II.
Tönnies Ferdinand (1944), Communauté et société. Catégories fondamentales de la sociologie pure, Paris, PUF.
1 – Contrairement à la croissance, «qui est l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension : pour une nation, le produit global net en termes réels», «… le développement, c’est la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rend apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global».
2 – Art. 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens du 26 août 1789. «Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés».
3 – En France, on a tendance à imputer à l’Islam cette dérive communautariste alors que de telles formes communautaires, mieux organisées et de longue date, existent dans bien d’autres milieux socio-culturels avec ou sans références religieuses ou ethniques : voir en particulier les communautés polonaises ou italiennes jadis dans les régions minières et industrielles du Nord, la communauté chinoise, les communautés originaires du sud-est asiatiques, les communautés turcophones ; etc. De même on pourrait questionner les pratiques sociales de certaines classes sociales supérieures et moyennes où l’entre-soi est de mise et depuis fort longtemps. Ne pourrait-on parler d’un communautarisme des classes dirigeantes, autre qualificatif pour la nomenklatura qui gouverne ?
4 – Les rapports administratifs continuent d’être assez silencieux sur les rapports de genre. Les rapports successifs de l’ONZUS n’en disent rien de même qu’ils sont totalement silencieux sur les populations étrangères, sur les institutions et sur la réalité politique de ces territoires.