Changer les formes de l’évaluation, la façon dont les élèves se comparent entre eux et les messages envoyés par les enseignants permettrait de redonner confiance aux élèves, et d’améliorer leurs résultats. Une analyse de Benoît Galland, sociologue à l’université de Louvain. Extrait du magazine Sciences Humaines :
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La relation entre confiance en soi et performance est bien établie chez des élèves de tous âges, même si elle reste d’amplitude modérée. Les recherches montrent clairement que la réussite d’un élève ne dépend pas seulement de ses compétences « objectives », mais également de sa confiance en ses capacités d’apprentissage. (…) Mais comment redonner confiance à des élèves en échec ou en difficultés d’apprentissage ?
Le psychologue Dale H. Schunk et ses collègues ont conduit une série d’expériences afin de tenter de répondre à cette question [1]. Par exemple, pour répondre à des questions de compréhension en lecture, ils ont enseigné aux élèves une stratégie consistant à identifier les idées principales d’un texte. Leurs résultats montrent que les élèves prennent davantage confiance en eux et développent davantage leur compréhension en lecture si on leur donne un objectif formulé en termes de développement de compétence (apprendre à identifier les idées principales) plutôt qu’un objectif formulé en termes de production à fournir (répondre aux questions de compréhension) ou que si on leur demande juste de bien travailler. De plus, des objectifs précis et à brève échéance (par exemple, savoir résoudre correctement cinq additions simples pour le prochain cours) aident mieux les élèves à guider leurs apprentissages que des objectifs généraux et éloignés dans le temps (réussir le contrôle avant le bulletin). Couplés à des évaluations ou à des autoévaluations régulières, ces objectifs permettent des progrès graduels et ont pour effet de favoriser le développement de la confiance en soi et d’accroître la réussite des élèves.
Par ailleurs, observer la réussite ou l’échec d’autres personnes peut guider un élève dans ses apprentissages et jouer sur sa confiance en lui. Par exemple, savoir que d’autres ont réussi avec succès une tâche grâce aux méthodes de travail que l’on a soi-même apprises renforce la confiance. Mais elle est également influencée par la comparaison de ses propres performances avec celles d’autrui. Cette comparaison, cependant, peut être problématique pour les élèves qui ont de moins bonnes notes.
Heureusement, plusieurs études de terrain montrent qu’il est possible d’éviter les effets négatifs de la comparaison avec autrui en la rendant moins visible et moins centrale [2], notamment en diversifiant les types d’activités qui donnent lieu à des évaluations, en offrant une certaine autonomie aux élèves concernant les objectifs et les tâches sur lesquels ils seront évalués, en ne regroupant pas toujours les élèves de la même façon, en évitant de rendre les résultats de manière publique, et surtout en utilisant des évaluations fondées sur des critères fixés à l’avance plutôt que sur le classement des élèves les uns par rapport aux autres. Dans les classes où les enseignants mettent en œuvre de telles pratiques, la confiance en soi des élèves diffère peu et presque aucun ne se perçoit comme incompétent.
Dans le même ordre d’idée, présenter une activité comme une occasion de développer ses compétences et de s’améliorer, plutôt que comme un test ou une compétition, peut aider les élèves qui reconnaissent être moins brillants que les autres à rester motivés.
La force du message
En outre, les élèves sont sensibles à la perception de leurs compétences qu’ont parents, pairs et enseignants, et leur confiance en eux reflète en partie ces perceptions. Les messages de leur entourage – soutiens, critiques, encouragements, conseils, attentes, etc. – ont donc une influence. Même au niveau non verbal, les enseignants manifestent, souvent de manière non intentionnelle, leurs attentes vis-à-vis des élèves à travers l’attention qu’ils leur portent, la façon de les regrouper, la difficulté des tâches qu’ils leur assignent, le degré d’autonomie qu’ils leur accordent, etc.
Concernant les évaluations, la manière de communiquer les résultats a une incidence sur les implications qu’en tirent les élèves concernant leurs capacités à apprendre. Par exemple, un retour sous forme de commentaires sur les points forts et les points faibles, sur les améliorations possibles d’un travail entraîne un intérêt et une performance ultérieurs plus élevés qu’un retour sous forme de notes ou d’appréciation générale (même s’il s’agit de félicitations) [3]. De même, une évaluation qui situe les progrès de l’élève par rapport à ses performances antérieures (par exemple, le nombre de fautes d’orthographes dans des dissertations) – même si ces progrès sont insuffisants – suscite davantage de confiance pour les apprentissages futurs qu’une évaluation qui situe sa performance par rapport à celles des autres élèves (comme c’est souvent le cas des notes scolaires).
Comme nous l’avons vu, la confiance en ses capacités d’apprentissage n’est pas donnée une fois pour toutes, mais se construit au fil des expériences vécues dans différentes matières. Ainsi, cette confiance ne dépend pas exclusivement de l’élève, mais également des types de dispositifs pédagogiques mis en place par les enseignants et des messages communiqués par les parents. En effet, la confiance en soi ne provient pas seulement des résultats scolaires d’un élève, mais aussi et surtout de la manière dont il perçoit réussites et échecs et des implications qu’il en tire concernant ses capacités d’apprentissage.
L’art d’accroître son estime de soi
Il s’agit donc d’amener les élèves à se focaliser sur les progrès accomplis et sur les moyens qu’ils peuvent acquérir en vue de mieux maîtriser les tâches à réaliser, plutôt que sur l’évaluation de leur place par rapport aux autres. L’enjeu est notamment de trouver des formes d’évaluations qui soulignent que la compétence est une capacité qui se construit à travers le travail, l’étude et la régulation efficace des contraintes et des ressources, et qui communiquent des attentes élevées vis-à-vis des progrès réalisables par l’élève.
Dans l’ensemble, les recherches en éducation suggèrent qu’il est possible de mettre en place des activités d’apprentissage permettant une acquisition graduelle de compétences et leur validation progressive, et de développer ainsi la confiance en soi et la motivation des élèves, même quand ceux-ci ont un niveau initial de compétences très bas. Les pistes évoquées au fil de ce texte demandent sans doute à être adaptées selon le contexte, mais elles forment une trame cohérente de pratiques éducatives peu coûteuses à mettre en œuvre. Elles invitent les acteurs de l’éducation, non à faire plus ou à endosser des rôles supplémentaires, mais à agir autrement pour soutenir au mieux les élèves.
Benoît Galand, enseignant-chercheur à l’Université catholique de Louvain.
Article extrait de "L’école en questions", numéro spécial n°5, Sciences Humaines.
[1] Dale H. Schunk, « Self-efficacy for reading and writing : Influence of modeling, goal setting, and self-evaluation », Reading and Writing Quarterly, vol. XIX, n° 2, 2003.
[2] S.J. Rosenholtz et C. Simpson, « The formation of ability conceptions : Developmental trend or social construction ? », Review of Educational Research, vol. LIV, n° 1, 1984.
[3] R. Butler, « Enhancing and undermining intrinsic motivation : The effects of task-involving and ego-involving evaluation on interest and performance », British Journal of Educational Psychology, vol. LVIII, n° 1, 1988.