CAPACITE : Ensemble des dispositions et des acquis, observables chez un individu dans l’exécution d’une tâche ou d’une activité. « Une capacité représente la possibilité de réussite dans l’exécution d’une tâche, ou l’exercice d’une profession. Elle peut être objet d’une évaluation directe, sous réserve d’une volonté de mise en oeuvre de la part de celui dont on veut apprécier la capacité », H. Piéron, 1973. Pour le premier doctrinaire de l’orientation professionnelle en France au XX’ siècle, les potentialités de départ ne pouvaient plus être actualisées après six ans.
l’enfance incarne par excellence une puissance en devenir qui illustre la « faculté de se perfectionner », dont J.J. Rousseau faisait le propre de l’homme. La question des capacités humaines peut être comprise comme un présupposé qui échappe à la réfutation, car pour douter et expérimenter ne faut-il pas des propositions mises hors de doute, L. Wittgenstein, 1976 ? Pour ce philosophe, les capacités sont « de simples habitus du comportement réels, au sens où les conditionnelles qui les décrivent se trouveront toujours vérifées ». Savoir ou comprendre sont des capacités, au sens où elles renvoient à la maîtrise d’une technique apprise.
Dans l’histoire de l’orientation professionnelle, le paradigme des capacités émerge avec le siècle des Saint-Simoniens entre raison, imaginaire et utopie, A. Picon, 2003. Saint Simon (1760-1825) prône l’avènement d’une théocratie industrielle fondée sur la hiérarchie des capacités. La religion saint simonienne reconnaissait la loi du Progrès en faisant une place à la division croissante du travail. Les trois grandes capacités fondamentales de la nature humaine sont : la capacité intellectuelle ou scientifique ; la capacité sentimentale, ou religieuse, ou sociale ; la capacité matérielle ou industrielle. La devise du journal de la doctrine saint-simonienne, Le Globe est : « A chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses oeuvres ».
Émancipation de l’homme et enrichissement des capacités ont partie liée. K. Marx, 1875, va plus loin en y mêlant l’horizon d’une société réconciliée avec elle-même : « Dans une phase supérieure de la société communiste, […] quand le travail sera devenu non seulement le moyen de vivre, mais encore le premier besoin de la vie ; quand, avec l’épanouissement universel de tous les individus, les forces productives se seront accrues et que toutes les sources de la richesse coopérative jailliront avec abondance-alors seulement [ … ] la société pourra écrire sur ses bannières : « De chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins ! », (Critique du programme du parti ouvrier allemand).
Dans une perspective contemporaine, J. Remoriquêt, 1993, distingue les capacités cognitives, les capacités affectives et les capacités motrices, tout en soulignant que « ces trois classes de capacités interagissent entre elles ». La capacité d’apprentissage comprend l’aptitude à mettre en oeuvre, à structurer, à critiquer, à réguler et à évaluer ; de façon autonome, l’apprentissage individuel et collectif. Ceci inclut l’utilisation des méthodes et techniques de travail et la prise en compte du vécu des élèves.
Habiletés (skills), savoir-faire, compétences, etc. sont parfois utilisés comme synonymes de performance. La capacité est un ensemble de performances constatées qui peuvent être définies par un ou des référentiels, (norme AFNOR,1994).
« Une capacité devient une compétence lorsque celle-ci est mise en oeuvre dans une situation donnée », CEREQ, 1999.
La capacité est un savoir-faire transversal, non référé à une situation donnée, une aptitude psychologique pouvant désigner une habilité physique, instrumentale. Elle est évolutive, notamment en fonction du degré de maturation, des conditions d’apprentissage et d’exercice. le terme de capacité, largement utilisé dans les entreprises, a été interrogé à de nombreuses reprises par les travaux sociologiques, notamment P. Naville, 1945 et M.Stroobants, 1993, qui dévoilent les jugements sociaux à l’oeuvre dans cette notion.
La capacité est un terme juridique qui a trait à la conversion d’un droit objectif en un droit subjectif par l’exercice de ce droit. Cette capacité dépend de l’état mental de la personne : sa maturité mais également sa capacité de jugement. Si l’on veut étendre la notion au-delà des dispositions éthiques de l’individu en y incluant les conditions physiques et environnementales, on emploiera volontiers le terme de «capabilité ». La capability désigne l’ensemble des états et des actions qui sont potentiellement et/ou effectivement accessibles à un individu. l’approche par les capacités (« capabilité») avec Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998, permet de mettre l’accent sur les ressources dont disposent les individus et sur leur capacité à les mobiliser.
A.Sen, 2000, insiste sur le fait qu’on ne peut évaluer l’égalité entre individus en se basant uniquement sur leurs ressources ou leurs compétences; mais il faut également introduire dans l’analyse l’hétérogénéité des étudiants, la diversité de l’environnement, les disparités liées au contexte social, etc.
Devenir capable, c’est être reconnu. P. Ricoeur,2004, a conçu une phénoménologie de « l’homme capable », en distinguant capacités et capabilités. Cette notion de capabilité (capacity et hability) articule les dotations que l’on a à disposition et un horizon d’attente en vue d’un destin réussi. La capabilité s’appuie sur ce que chacun sait d’une vie réussie et ouvre la possibilité en chaque être humain d’être au meilleur de lui-même.
Nous avons toujours « du mouvement pour aller de l’avant », Malebranche. On peut y voir une folle espérance en la capacité de l’homme à « passer infiniment l’homme ».
Il ne faut pas perdre de vue le risque réel d’une confusion permanente dans les esprits, entre égalité civique et égalité des capacités : « la première ne prend en réalité tout son sens qu’à la condition justement d’être affirmée quelles que soient les inégalités de capacités entre citoyens », M. Reuchlin (préface à A.Caroff,1987).
La capacité se vérifie à l’occasion de la tenue efficace de postes ou fonctions (capacité prouvée). Elle se distingue de la capacité présumée (ou potentielle) à terme plus ou moins lointain. La capacité désigne ainsi le talent ou l’habileté potentielle il accomplir quelque chose. On peut y inclure la capacité pédagogique et didactique (capacité des enseignants à enseigner) ; capacité d’organisation (par exemple, trouver de bonnes solutions à des problèmes) ; capacité interne (talent de mettre en oeuvre, gérer et évaluer un changement soit dans le domaine pédagogique et didactique, soit dans le domaine de l’organisation). R.-J. Sternberg, 1995, distingue la capacité de l’habileté en précisant que seules les habiletés peuvent être mesurées. Il renvoie à la distinction courante en psychologie, reprise du linguiste N.Chomsky, entre compétence et performance. La compétence correspond à ce qu’un individu est capable de faire, alors que la performance correspond aux résultats qu’il réalise effectivement dans une tâche donnée.
A.Bandura juge la comparaison sociale comme indispensable pour évaluer ses capacités : « l’individu va se comparer avec des individus qui lui sont similaires. La réussite ou l’échec de ces « modèles » en a d’autant plus d’impact », (cité par F.Fenouillet, 2003). L’intervention éducative en matière d’orientation repose sur le postulat suivant : on n’est pas fait pour une seule chose.
Nous ne sommes pas dans une société méritocratique, au sens où « deux travailleurs ayant le même diplôme et les mêmes capacités obtiennent des résultats différents sur le terrain », (Mc Clelland in S. Bellier, 1998). Point de vue discuté par J.L. Génard, 1999 qui voit émerger une « anthropologie capacitaire ». Aujourd’hui se pose la question de la citoyenneté, laquelle ne dépend plus d’un statut ou d’un système fixe d’appartenances héritées, mais découle plutôt des efforts fournis par chacun dans sa participation au socius.
Plus qu’une question de partage des rôles et des places disponibles dans l’espace social, lesquels seraient attribués en fonction de critères transcendant l’expérience individuelle, l’accès à la citoyenneté est de nos jours une affaire de « mérite».
En résumé, la capacité renvoie à la possibilité de l’individu de réussir et d’avoir des compétences dans les domaines pratiques ou théoriques. Une faculté mentale est donc une disposition permanente qui peut ou non s’actualiser dans des performances singulières. Le terme de « capacité» relativement opaque sous l’angle de la recherche cède le pas à celui de « processus » plus heuristique. Pour les chercheurs de l’INETOP/CNAM, Paris, S.Blanchard et J.C. Sontag, 2005, « le passage du mot aptitude au mot capacité puis au mot compétence, n’a pas suffi à résoudre la difficile question de l’analyse des caractéristiques des personnes et des activités professionnelles »,
Pour une orientation positive, il faudrait réfléchir aux conditions de développement des capacités de chacun (e). Pour l’Union Européenne, le Conseil des ministres de l’éducation, de la jeunesse et de la culture a adopté le 28 mai 2004, la résolution définissant l’orientation comme « une série d’activités qui permettent aux citoyens, à tout âge et à tout moment de leur vie, de déterminer leurs capacités, leurs compétences et leurs intérêts, de prendre des décisions en matière d’éducation, de formation et d’emploi et de gérer leurs parcours de vie personnelle dans l’éducation et la formation, au travail et dans d’autres cadres où il est possible d’acquérir et/ou d’utiliser ces capacités et compétences». Au sein de l’OCDE,force est de constater que l’orientation tout au long de la vie se heurte à une offre actuelle d’orientation trop restreinte, tant en termes de publics visés (essentiellement les élèves du secondaire et les adultes au chômage) que de contenu.
Une «approche par les capacités» nécessite d’envisager des politiques d’éducation «capacitantes» et une préparation à la vie professionnelle (Formation-Emploi, CEREQ,n° 98, avril-juin 2007).
.:. Il ne faut pas confondre potentialités et capacités. Par potentialités, nous entendons le champ des possibles dont dispose les individus (organisation matérielle favorisant la production de compétences, mise en place de moyens humains facilitateurs, etc.). Les capacités représentent, elles, les différentes combinaisons des potentialités d’une personne. Elles reflètent par conséquent la liberté de réaliser des potentialités.
– Aptitude; Compétence; Éducation libertaire; Méritocratie; Talent; Utopie; …
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