Quatre jours après les attentats, un café des parents s’est tenu dans une école maternelle parisienne. Tranquillement, sans angoisse manifeste. Preuve que l’école, lorsqu’elle s’ouvre aux parents, rassure toujours. Reportage.
Le représentant des parents d’élèves s’est posté bien en vue juste en face de la porte d’entrée. Il hèle gentiment les mères, et plus rarement les pères qui accompagnent leurs enfants à l‘école : «ce matin, il y a un café des parents, on vous attend si vous avez le temps… ».
La directrice de cette école maternelle située dans un quartier populaire du nord de Paris, et classée en Education prioritaire, salue un à un les parents qui arrivent. Elle les connaît tous par leurs noms, demande des nouvelles, prévient de l’absence d’une enseignante … A ses côtés, le gardien fait aussi les entrées. Ce matin-là, le responsable des activités périscolaires est aussi venu : il est à l’extérieur, devant la porte.
Faire comme d’habitude…
Dans tous les établissements des 3 académies d’Ile-de-France – de Paris, Créteil et Versailles -, le plan Vigipirate Alerte Attentat a été décrété après les attaques meurtrières du 13 novembre, et des mesures de sécurité drastiques ont été mises en place.
Il était toutefois exclu d’annuler ce café des parents. A quoi bon rajouter à l’anxiété générale et relâcher le lien avec les familles, d’autant plus précieux en ces temps d’incertitudes ?
Ce matin-là, une quarantaine de personnes – en grande majorité des mamans – sont installés sur les petits bancs de la salle multi-activités où se tient la réunion Moins que pour le café organisé après la rentrée, mais en début d’année, il y a toujours plus d’affluence.
Café, thermos et gâteaux secs
Les parents élus ont prévu du café, une thermos pour le thé et des gâteaux secs. L’organisation paraît rodée. Cela fait plusieurs années que des cafés, ici, sont organisés. Quelques tout-petits, pas encore scolarisés, se mettent à gambader sur le lino.
A 8 heures 45, la réunion débute comme prévu par un point sur le conseil d’école qui vient d’avoir lieu. Là encore, à quoi bon bouleverser l’ordre du jour ? On parle des ateliers périscolaires qui se passent bien dans cette école, de la nécessité d’informer les parents sur leurs délégués après les récentes élections, de l’achat de vélos pour les Grandes Sections « qui n’ont rien », etc.
8 heures 35 et pas 8 heures 40
La directrice se charge de défendre une décision qu’elle a prise : désormais les portes fermeront à 8 heures 35 et non plus 8 heures 40. Les parents pourront toujours rester dans les classes de leurs enfants entre 8 heures 20 et 8 heures 40. Mais les retardataires, « toujours les mêmes », restaient au-delà et retardaient le début des activités, explique-t-elle.
La responsable annonce dans la foulée une nouveauté, dans le cadre de la Refondation de l’école : la Charte de la laïcité doit désormais être annexée au règlement intérieur.
Puis elle en rappelle le sens : « On accueille tous les enfants, toutes les religions, toutes les croyances. Mais pour garantir la neutralité de l’école, les enfants et les enseignants ne doivent pas porter de signes ostentatoires ». « En revanche, il n’y aucun problème pour les parents qui sont des usagers du service public (et non pas des agents, ndlr)», précise-t-elle à l’adresse des mères portant des foulards. Elle confiera plus tard qu’elle le rappelle à chaque fois et sent un grand soulagement. « La laïcité, ça se vit en actes, poursuit la directrice, en maternelle c’est de l’entraide en classe, des débats…»
Exercice de confinement
On arrive au milieu de la réunion et c’est seulement maintenant que l’ombre des attentats s’invite. Les parents délégués annoncent l’actualisation du plan de mise en sécurité de l’école évoquée au conseil.
Un exercice de confinement va être organisé « afin que les enfants sachent le chemin de la salle où ils doivent se regrouper », précise la directrice, rassurante, « cela se fait chaque année pour parer à des risques extérieurs – nous sommes par exemple sur des terrains qui s’enfoncent –, et aussi à des désordres civils comme des attentats ».
« L’an dernier, l’exercice s’est très bien passé, poursuit la responsable, on invente un scenario, l’objectif étant d’éviter toute panique. Cette année, cela se déroulera durant le temps périscolaire ». Une maman demande si les parents en seront informés. « Oui, après l’exercice. »
« L’école est là pour vous protéger »
Retour au compte-rendu du conseil d’école. Comment faire pour que la rue devant l’école soit moins sale, pour que les voitures roulent moins vite…
Les attentats reviennent. La directrice parle de la réaction des élèves. Un silence très concentré se fait. Signe de la préoccupation, voire parfois du désarroi, des parents quant à l’impact d’événements aussi traumatisants sur leurs enfants.
Dans les Grandes Sections, rapporte la directrice, lundi les élèves avaient besoin de parler. La discussion s’est enclenchée d’autant plus facilement qu’ils n’ont pas pu se rendre à un atelier prévu, situé dans un autre quartier – car il fallait prendre les transports en communs.
«Il n’y avait que ça a la télé », a soupiré une petite fille. Les enseignants ont rappelé que les attaques ont eu lieu dans des lieux bien précis et dans un temps précis. Puis ils ont expliqué qu’il était légitime d’avoir peur et que l’école était là pour protéger les élèves.
Des mots et des dessins
En Moyenne Section, il a fallu attendre le mardi pour évoquer les attentats, lorsque des enfants se sont mis à jouer avec des voitures de police. Dans les Petites Sections, c’est passé par le dessin. Mais les enseignants savent que des réactions peuvent survenir 15 jours après.
Manifestement, la transparence rassure. Les parents ont écouté sans broncher ni relancer. Il faut dire que beaucoup se sont déjà parlé devant les portes de l’école.
Avant de clore la réunion, retour à « la normale » : une instit part plus tôt que prévu en congé maternité, est-on sûr d’avoir un ou une remplaçante ? Puis les parents élus commencent à ranger thermos et gâteaux. Les autres s’éclipsent vite, au travail ou à la maison pour les mères au foyer. Comme d’habitude. Enfin presque.
Véronique Soulé
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