Deux réunions se tiendront à Matignon les 7 et 12 mai autour de l’apprentissage et de la formation des demandeurs d’emploi. L’occasion pour le Medef et l’ARF de se retrouver et d’accorder leurs violons après quelques échanges d’amabilités par voie de presse interposée.
Le Premier ministre recevra régions et partenaires sociaux à Matignon, le 12 mai, pour une « réunion de mobilisation pour l’emploi ». Selon l’agence AEF, cette rencontre aura pour double enjeu de préparer la rentrée 2015 de l’apprentissage et d’améliorer la mise en œuvre de la réforme de la formation professionnelle pour les demandeurs d’emploi. Alors que le président du Medef, Pierre Gattaz, réclamait, lundi, une « réforme structurelle » de l’apprentissage qui a dumal à repartir, Matignon a précisé qu’il n’était pas question d’une « réforme systémique complémentaire ». Non, le Premier ministre entend surtout mettre de l’huile dans les rouages des différents acteurs. Une réunion préalable se tiendra d’ailleurs le 7 mai, toujours en présence des régions et des partenaires sociaux, pour faire le point sur la journée du 19 septembre déjà placée sous le thème de la « mobilisation pour l’apprentissage ». C’est au cours de cette rencontre qu’avait notamment été décidé l’octroi d’une nouvelle prime de 1.000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés. Il avait également été prévu d’accélérer le recours à l’apprentissage dans les trois fonctions publiques, sachant que le gouvernement s’est fixé comme objectif d’atteindre les 4.000 apprentis dans la fonction publique d’Etat en septembre 2015 et 10.000 en septembre 2016, contre 700 environ en 2014… Aujourd’hui, les collectivités représentent l’essentiel des 12.300 apprentis recrutés dans les fonctions publiques. Pour cadrer ces nouveaux recrutements d’apprentis dans la fonction publique, François Rebsamen, ministre du Travail, et Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, viennent justement de signer une circulaire qui détaillent les modalités de recrutement, les rémunérations, la désignation des maîtres d’apprentissage, etc.
Plus globalement, le gouvernement s’est assigné un objectif de 500.000 apprentis en 2017 (soit 300.000 de moins que son prédécesseur). Seulement, au lieu d’augmenter, le nombre d’apprentis est en baisse depuis deux ans pour s’établir à 400.000 apprentis en 2014, avec une accélération de la baisse sur les deux premiers mois de l’année 2015 (- 19% en janvier et – 13% en février par rapport à la même période l’année dernière).
Sur ces entrefaites, les partenaires devront tenir compte de la nouvelle aide promise par François Hollande, dimanche 19 avril, lors de l’émission « Le Supplément » de Canal + : une exonération de charges pour les employeurs d’apprentis mineurs.
Un audit sur 26 CFA à la rentrée
Dans ce contexte tendu, les réunions des 7 et 12 mai seront aussi l’occasion pour les régions et le Medef d’accorder leurs violons. Dans un courrier du 20 avril adressé au président du Medef, Alain Rousset, le président de l’Association des régions de France (ARF), se dit en effet « très étonné des propos » que Pierre Gattaz a tenus la semaine dernière « sur l’engagement et le rôle des régions en matière d’apprentissage ».
Lors d’une conférence de presse, mardi 14 avril, le Medef avait pointé la responsabilité des régions. Selon son décompte, 16 d’entre elles présenteraient un budget à la baisse en matière d’apprentissage. Un constat que réfute catégoriquement le président de l’ARF. « Contrairement à ce que vous affirmez, les budgets des régions ont été dans la très grande majorité des cas maintenus voire augmentés », rétorque-t-il. « Globalement, l’ensemble des régions ont accru leurs budgets apprentissage en 2015 par rapport à 2014, hors primes aux employeurs d’apprentis dont vous savez que les règles du jeu fixées par l’Etat ont changé en 2015 et que leur baisse ne saurait être imputée aux régions », développe-t-il.
Alain Rousset reproche par ailleurs au Medef ses déclarations sur la réforme de la taxe d’apprentissage découlant de la loi du 5 mars 2014. Le patronat dénonce le fléchage de 200 millions d’euros au profit des régions – qui ne joueraient pas suffisamment le jeu – ainsi que l’impossibilité pour les entreprises de financer les CFA avec la part barème (hors apprentissage). Cette part, qui représente 23% du produit de la taxe, est réservée aux autres formations (lycées professionnels, universités, grandes écoles…). Un ensemble de mesures qui fragiliseraient la situation financière d’un certain nombre de CFA. « Affirmer que les régions mettent en danger l’avenir des centres de formation d’apprentis alors qu’elles bénéficient d’une part importante de la taxe n’est pas exact », répond Alain Rousset qui, dans son courrier, précise que les régions ont engagé un « plan de modernisation/restructuration » des CFA comme elles l’avaient fait pour les lycées professionnels. Les conseils régionaux se disent cependant « particulièrement inquiets pour l’avenir des CFA interprofessionnels ou consulaires et des petits CFA non affiliés à de grosses branches professionnelles ». A noter qu’un audit du cabinet KPMG portant sur 24 établissements de sept régions (écoles de commerce, d’ingénieurs et CFA) est attendu pour la rentrée. Il permettra d’en savoir plus sur le sujet.
« 94% des entreprises de recrutent pas d’apprentis »
Pour Alain Rousset l’apprentissage ne repartira qu’à deux conditions : « simplification des normes » (réclamée par les chefs d’entreprises et à laquelle a répondu le gouvernement avec la publication le 19 avril de deux décrets sur les travaux dangereux – voir ci-contre notre article de ce jour) et « mobilisation de toutes les entreprises », pas uniquement les artisans et les TPE… C’est là que le bât blesse. Car 70% des chefs d’entreprise n’ont pas l’intention d’embaucher d’apprentis dans l’année qui vient et 58% n’en ont pas accueilli depuis trois ans, d’après un sondage réalisé par Ipsos en mars 2015 pour le compte du Medef. Selon l’ARF, « 94% des entreprises de recrutent pas d’apprentis ». Alain Rousset réclame une accélération des signatures des accords de branches fixant les contreparties au pacte de responsabilité. Il demande que ces accords « prévoient explicitement dans le volet alternance ».
A quelques semaines de ces deux rencontres, le président des régions veut cependant jouer l’apaisement. « Au regard de l’urgence de la situation et de l’impérieuse nécessité de réussir la prochaine rentrée apprentissage, il me paraît plus que nécessaire d’œuvrer dans la même direction », conclut-il son courrier.
Michel Tendil
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