Un coup de pouce en orthographe contre une leçon sur les volcans, c’est le principe des réseaux d’échanges réciproques de savoirs appliqués au collège Bel-Air à Mulhouse, notamment pour l’accompagnement scolaire, en partenariat avec l’association Le Rezo !
Comprendre les algorithmes, améliorer ses bases en français « pour aller chez le docteur » , découvrir l’arabe, ou encore passer maître dans l’art du Rubik’s Cube®… De multiples offres et demandes d’aides apparaissent sur des mémos de couleur. Chacun affiche le sien au tableau et la séance d’échanges réciproques de savoirs peut commencer.
Une pratique inhabituelle, à découvrir lors d’un colloque ce week-end (lire ci-dessous), qui a trouvé sa place au collège Bel-Air de Mulhouse, à l’initiative de Patricia Bleydorn-Spielewoy. Professeure des écoles, en charge de l’UP2A, soit de l’accueil des élèves allophones arrivés depuis peu, elle est aussi animatrice de l’association « Le Rezo ! », avec laquelle l’établissement a noué un partenariat il y a trois ans.
« Les réseaux d’échanges réciproques de savoirs , RERS, dont les principes ont été établis par Claire Héber-Suffrin, partent du postulat que chacun, quel qu’il soit, a des savoirs et des ignorances ». Rien de tel, constate l’enseignante, pour aider des enfants qui ne maîtrisent pas le français à entrer dans les apprentissages. « Ce sont des adolescents qui ont changé de pays, parfois leurs parents ne leur ont rien expliqué et c’est un choc. Certains, qui étaient d’excellents élèves, doivent affronter d’énormes difficultés. Ils le vivent mal, se sentent nuls et peuvent aller jusqu’au décrochage scolaire. »
« Expliquer un devoir permet aussi de mieux comprendre »
Dans sa classe au contraire, Patricia Bleydorn-Spielewoy valorise les compétences des uns et des autres. « Souvent, les jeunes qui viennent d’ailleurs sont très forts en anglais. Ils peuvent aider les nôtres qui sont bons en histoire-géographie. Énormément parlent l’arabe. S’inscrire comme ayant des savoirs joue sur l’estime de soi. » D’autant qu’ « expliquer un devoir à un autre, en dehors du contexte de la leçon, permet aussi de mieux comprendre ».
Une forme d’entraide qui se prête bien également à l’accompagnement personnalisé, proposé les jeudis et vendredis après les cours, avec l’appui attentif et discret de Jérémy Lalaison, en service civique au Rezo !. « On les aide à se lancer, à trouver ce qu’ils peuvent proposer, puis on fait le point en fin de séance » , précise-t-il.
Une heure plus tard, Rana, d’origine afghane, a compris la composition de l’air en sciences physiques, grâce à Elon, du Kosovo qui, lui, a développé son vocabulaire français. « Tu expliques et tu apprends en même temps » , lui sourit Patricia. Flamour, kosovar, a étudié un livre sur les volcans avec Denis, albanais. « C’est plus facile avec lui parce qu’il parle ma langue » , apprécie ce dernier. En France depuis seulement huit mois, il envisage à son tour d’aider son camarade « à lire l’albanais, parce qu’il l’a oublié ».
Kamil, Polonais et champion de Rubik’s Cube® a révisé l’orthographe. La Française Ornella l’a suivi, tout en revoyant les particularités de l’alphabet avec une élève sri-lankaise. « En tamoul, toutes les lettres ont la même hauteur , glisse l’enseignante. Avec moi, ça n’allait pas, là ça a pris dix minutes ! Nous n’avons pas le même langage. Et les élèves savent sur quelles difficultés ils ont buté, alors que nous nous avons oublié. »
Dès lors, des collégiens ont spectaculairement augmenté leurs résultats scolaires. D’autres enseignants sont passés pour se faire une idée des RERS, avant d’en injecter une dose dans leurs cours, à leur manière. « Une collègue de français propose des corrigés collectifs, un prof de maths travaille l’idée de coopération… Cela donne du sens à ce qu’on enseigne. Mais, comme toute pédagogie nouvelle, nous restons à la marge du système » , complète Patricia Bleydorn-Spielewoy.
« Pour les élèves savoir, c’est avoir de bonnes notes. Or, cela n’a rien à voir »
Les plus difficiles à convaincre semblent étonnamment être les élèves eux-mêmes. Le groupe d’entraide attire huit à douze participants selon les séances, et de manière irrégulière. « C’est assez difficile pour eux à cause de l’organisation des emplois du temps , reconnaît l’enseignante. Surtout, il y a le fait qu’ils ont des idées bien arrêtées. Ils pensent ne pas en avoir besoin. Pour eux, savoir, c’est avoir de bonnes notes. Or, cela n’a rien à voir, et c’est quand il s’agit de tout reprendre que cela devient intéressant. »
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