In L’Expresso – le Café Pédagogique – le 28 octobre 2013 :
Accéder au site source de notre article.
Comment se met en place la ségrégation scolaire ? Quelles conséquences a t-elle ? Comment y remédier ? Personne est plus qualifiée qu’Agnès Van Zanten pour traiter ces questions comme elle l’a fait en ouvrant l’Université d’automne du Snuipp.
La ségrégation est une concentration qui produit des effets négatifs, une recherche de l’entre-soi. Elle est souvent assimilée à une ségrégation sociale, concentration de populations en difficultés, ou ethnique ou raciale, avec appartenance culturelle à une communauté. La ségrégation est souvent pensée urbaine, qui s’applique sur l’Ecole et que l’Ecole subit.
Comment se met en place cette ségrégation ? Une des causes de la ségrégation est la stratégie des parents pour le choix de l’école de leur enfant : école privée, demandes de dérogations de secteurs… Agnès Van Zanten précise qu’il y a souvent moins de ségrégation entre écoles que dans l’école elle-même. On y fabrique des classes homogènes dans des établissements où les publics sont hétérogènes. Les établissements maintiennent cette ségrégation, en argumentant « qu’il faut bien proposer des classes de niveau aux classes moyennes de la population si on veut les garder… » Les parents pensent la question des publics comme un fatalisme contre lequel les enseignants ne peuvent rien. Ils ne croient pas en la pédagogie pour faire évoluer la ségrégation. Mais cela dépasse tous les acteurs, c’est une vraie question politique. Dans les territoires, quand on s’interroge sur les dérogations de secteurs par exemple, on se rend compte que la façon dont elles sont traitées par l’administration en fait soit une simple question de gestion d’effectifs, soit une vraie question de société (quelle école on veut).
Quelles conséquences de la ségrégation dans les classes ? On sait que la concentration d’élèves en difficultés n’est pas favorable aux apprentissages des élèves moyens et moyens faibles surtout. Les enseignants ont tendance à s’adapter à leur public d’élèves. Ils enseignent en fonction de ce qu’ils projettent sur leurs élèves… Alors, ils adaptent le programme, les élèves font moins d’exercices, vont moins loin dans les notions. Ils adaptent les connaissances, les présentent de façon très concrète sans donner à réfléchir aux élèves. Ils adaptent les méthodes, font beaucoup moins écrire leurs élèves pour ne pas les décourager. Ils adaptent même les évaluations, ils récompensent l’adhésion à l’ordre scolaire plus que les résultats réels. Les élèves sont donc sur-notés. Ils adaptent les programmes. Ce sont des choses invisibles mais elles montrent que le même programme n’est pas fait partout. Les programmes ne jouent pas tant que ça un rôle régulateur !, dit-elle malicieusement. L’exposition de ces élèves aux temps d’apprentissages n’est pas le même. Les élèves sont occupés, on change souvent d’activités pour les motiver. Sont-ils en train d’apprendre ?
Comment y remédier ? Agnès Van Zanten poursuit en affirmant que cette vision un peu pessimiste peut être contrebalancée par des pistes, des leviers de changement. Elle en propose trois : lever l’opacité de l’école vis-à-vis des parents, travailler en équipe et trouver d’autres modes de fonctionnement des établissements. Elle croit à l’autonomie collective, dans l’établissement, premier des collectifs. En répondant aux questions de la salle, elle précise que la question de la formation de l’encadrement est importante. Le chef d’établissement doit prioritairement avoir des compétences d’animation de ses équipes. Il faut un suivi rapproché, un accompagnement des politiques mises en place, avant même de les évaluer…
Isabelle Lardon