In Educavox – le 12 juin 2014 :
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L’évaluation est au cœur des objectifs de l’Education Nationale
Florence ROBINE, rectrice de l’académie de Créteil, a été nommée directrice générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, lors du Conseil des ministres le mercredi 7 mai. C’est la première fois qu’une femme est nommée à ce poste. Normalienne et agrégée de sciences physiques, âgée de 55 ans, Florence Robine est devenue inspectrice générale en 2004. Jusqu’à cette nomination comme DGESCO, elle était rectrice de l’académie de Créteil, après avoir exercé cette responsabilité en Guyane, puis à Rouen.
C’est par ce communiqué de presse que le Ministère de l’Education Nationale a annoncé la nomination de Florence ROBINE à la DGESCO, en remplacement de Jean-Paul DELAHAYE, démissionnaire qui avait été nommé par le précédent ministre, Vincent PEILLON.
Une femme à la tête de la plus importante direction du Ministère de l’Education Nationale, après la nomination il y a quelques semaines, de Catherine BECCHETTI BIZOT à la toute nouvelle Direction du Numérique pour l’Education, ce n’est bien sûr pas un hasard. L’administration centrale du ministère de l’éducation nationale continue en effet de se féminiser : Catherine GAUDY à la DRH, Catherine MOREAU à la DAJ, Catherine MOISAN à DEPP, Clelia MORALI à la communication, Catherine BECCHETTI BIZOT à la DNE … Sur le terrain par contre , il reste des efforts à faire pour accroitre le nombre de rectrices qui ne sont aujourd’hui que neuf pour trente académies.
La première « marque » de la toute nouvelle directrice en charge d’élaborer la politique éducative et pédagogique du ministère et d’assurer la mise en œuvre des programmes d’enseignement des écoles, des collèges, des lycées et des lycées professionnels, c’est bien dans la circulaire de rentrée que l’on peut la retrouver.
Cette circulaire publiée, chaque année à la même époque, c’est l’occasion, rappelle Benoit HAMON dans la lettre qu’il adresse aux membres de la communauté éducative, « de définir les orientations pédagogiques et éducatives, et les principales mesures de la rentrée scolaire à venir ».
L’évaluation des élèves est un sujet de prédilection pour Florence ROBINE, qui déjà, en 2007 co-signait le rapport de l’Inspection générale sur les livrets de compétence, nouveaux outils pour l’évaluation des élèves .
Si la circulaire de rentrée de l’année précédente, année de transition pour Vincent PEILLON, mettait l’accent sur les grands principes fixés par la loi qui sera votée en juillet 2013, celle que signe son successeur décline plus précisément des modalités d’actions plus précises permettant d’améliorer la réussite de tous les élèves.
Il est vrai que « les dernières études internationales, notamment les résultats PISA parus en décembre 2013, ont montré que notre pays était celui de l’OCDE où l’origine sociale pèse le plus sur la réussite éducative », écrit Benoit Hamon qui ajoute : « l’écart entre la promesse d’égalité de la République et de son École, et la réalité tenace des inégalités en milieu scolaire, est insupportable. ».
Il s’agit bien là de « directives opérationnelles » qui touchent directement l’acte pédagogique et l’accompagnement éducatif avec quatre grands axes :
- accompagner les élèves dans leurs apprentissages et la construction de leur parcours pour une meilleure insertion sociale et professionnelle (I) ;
- combattre les inégalités tout au long de la scolarité (II) ;
- former, soutenir et accompagner les équipes pédagogiques et éducatives (III) ;
- promouvoir une école à la fois exigeante et bienveillante (IV).
La nouveauté c’est ainsi la publication de 19 annexes à la circulaire, qui constituent autant de véritables fiches de travail présentant un panel d’actions possibles. Sur les chantiers aussi divers que complémentaires que sont les programmes avec les travaux du CSP, l’organisation du temps scolaire, la liaison école-collège, l’éducation prioritaire, le continuum bac-3/bac+3, l’apprentissage, l’orientation, la formation continue, la prévention et la lutte contre l’illettrisme, l’inclusion scolaire, le décrochage scolaire ….
Nous reviendrons plus tard bien sûr, sur le volet « numérique » de cette circulaire.
C’est celui concernant l’évaluation des élèves qui retient aujourd’hui notre attention , car il précise opportunément que « la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République appelle à faire évoluer les modalités d’évaluation des élèves vers une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles, pour mesurer le degré d’acquisition des connaissances et des compétences ainsi que la progression de l’élève."
Il s’agit d’un « enjeu déterminant pour la réussite des élèves » .
Particularité de « l’évaluation à la française », qui se transmet de l’enseignant à l’élève devenu professeur, l’erreur se confond à la faute, et ne permet pas de construire un savoir dans la confiance tout en inhibant l’expression de la créativité.
La circulaire dénonce ainsi des pratiques qui doivent changer : Aujourd’hui, de l’école primaire au lycée, certaines pratiques d’évaluation rendent difficilement compte des progrès des élèves et de la nature de leurs erreurs. Elles induisent parfois des classements perçus comme stigmatisants et dévalorisants ; elles peuvent donc porter atteinte à l’estime de soi et générer un découragement face au travail. Cette « pression » est révélée lors des évaluations du programme Pisa : les élèves français ne répondent pas et manquent d’initiative par peur de se tromper et de perdre des points. La notation chiffrée est souvent perçue comme une « récompense » ou une « sanction ». Elle ne renseigne pas l’élève sur ce qu’il sait faire et ne sait pas faire. L’usage courant de moyennes de notes, qui amalgament des données le plus souvent très disparates, ne fait que renforcer ce caractère de « récompense » ou de « sanction ». Afin d’éviter cet écueil, il s’avère nécessaire de qualifier, par des annotations explicatives et une appréciation, les acquis de chaque élève pour lui permettre de progresser. Cette appréciation reprend avec précision les critères énoncés pour signifier le degré de réussite ou d’échec que présente le travail de l’élève au regard des connaissances et des compétences attendues.
Elle donne aux organes pédagogiques de l’Ecole mission de faire évoluer les modalités d’évaluation. Quelle que soit la forme que prennent l’évaluation et sa traduction (notation, validation de compétences, etc.) et quelle que soit la finalité qu’on lui attribue, elle doivent être conçues comme un moyen de faire progresser les élèves, d’analyser les processus d’apprentissage, de les faciliter et de les réguler…. L’évaluation est l’une des problématiques professionnelles incontournables des équipes pédagogiques disciplinaires, interdisciplinaires et de cycle. Au cœur des projets d’école comme des projets d’établissement, c’est l’un des objets de travail principaux des conseils de maîtres comme des conseils pédagogiques, ou des conseils école-collège.
Nombre d’enseignants qui privilégient déjà cette évaluation positive et bienveillante favorisant la réussite de tous les élèves sauront toutefois faire remarquer au Ministre combien les modalités d’organisation et d’évaluation mises en œuvre au Diplôme National du Brevet et surtout au Baccalauréat ne constituent pas des modèles efficients. Les dernières péripéties qui font l’actualité du CSP avec la démission de son Président Alain BOISSINOT et la mise sur la sellette de la raison d’être du DNB et donc sa disparition, montrent bien combien réformer l’Ecole est difficile.
Faut-il en effet évaluer « la maîtrise des programmes et non celle du socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui est, de son côté, évaluée par un livret personnel de compétences (LPC), qui suit l’élève depuis le primaire et consigne au fil des ans ce qu’il sait faire de nouveau. » ?
La cohérence des décisions ministérielles est ainsi à l’épreuve .
Et la lecture de la circulaire de rentrée apporte un élément de réponse : parmi les rôles qu’elle joue, l’évaluation « est au service des apprentissages et doit permettre à chaque élève de progresser par une connaissance objective de ses acquis et aux professeurs de mieux adapter les aides et les approfondissements aux besoins constatés ; elle intervient dans le choix pour chaque jeune de son orientation en fin de troisième. »
Le Mouvement Contre La Constante Macabre qui milite depuis une dizaine d’années afin que de plus en plus d’enseignants mettent en pratique l’Evaluation Par Contrat de Confiance déjà pratiquée par des milliers d’entre eux, tenait son colloque le 4 juin dernier à l’Hôtel de Ville de Paris.
Invitée à cet évènement Florence ROBINE qui apporte à ce Mouvement un soutien appuyé a précisé pourquoi dans une intervention particulièrement appréciée en ajoutant :" Le ministre fera sur ce sujet des annonces très importantes dans les semaines qui viennent." Une Rectrice, pédagogue dans l’âme, qui devient DGESCO cela doit donner de l’espoir aux enseignants.
L’An@é était là pour un reportage et publiera sur Educavox l’interview du Président du MCLCM, le professeur André ANTIBI.
Claude TRAN