In L’Expresso – le Café Pédagogique – le 11 juin 2014 :
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« Dans le cadre d’une éducation globale aux images, il devient possible de sortir les élèves de leur position de spectateur et de leur permettre d’acquérir des compétences autrefois réservées aux professionnels. » Laurent Tessier, Vice-recteur de l’Institut Catholique de Paris et Directeur du Centre Edouard Branly, évoque la vidéo en ligne à l’occasion de la Journée d’études organisée le 30 juin 2014 au Centre Edouard Branly, Paris. (1)
Quel est l’impact du numérique sur les formes d’acquisition des connaissances, sur les d’apprentissages, sur la transmission, sur la pédagogie et le contenu des enseignements ?
Il est encore difficile de mesurer globalement l’impact des nouvelles technologies sur la pédagogie et les contenus d’enseignement, car dans la plupart des établissements, on est encore dans une phase d’expérimentation. L’impact est global. Deux points me semblent s’appliquer à tous les niveaux (primaire, secondaire, supérieur, professionnel… d’une part le numérique change les attentes et le rapport au savoir des apprenants ; d’autre part, les institutions éducatives doivent donc être capables de penser des pédagogies adaptées à ces nouvelles attentes. À l’exception de quelques geeks (2), les enseignants ne peuvent initier seuls ces changements : ils doivent être accompagné et formés. Or cette dimension de la formation au numérique reste assez pauvre, malgré les effets d’annonce entendus ici ou là.
Les pratiques et les usages de la vidéo sont liés à la montée en puissance des plateformes d’enseignement à distance … expliquez-nous ce que sont les Mooc, et comment ça fonctionne ?
Les Massive Open Online Courses (MOOC), initialement lancés par des consortiums américains, sont des dispositifs techniques qui permettent à un très grand nombre d’étudiants d’accéder, le plus souvent gratuitement, à des cours de haut niveaux délivrés par les institutions les plus prestigieuses (Harvard, MIT, etc.). Je ne suis pas sûr qu’ils constituent en eux même des dispositifs pédagogiques révolutionnaires : celles et ceux qui sont passés par des systèmes de formation à distance dans les dix dernières années y retrouveront les outils classiques de la formation à distance : vidéos, webmédia, forums, QCM, etc. Cependant, les MOOC ont sans aucun doute le mérite d’avoir relancé de manière très forte la dynamique de la formation à distance dans l’enseignement supérieur, et ce au niveau mondial.
En quoi est-ce différent de la bonne vieille radio télévision scolaire de 1950 ?
Vous avez tout à fait raison, il faut toujours réinscrire les innovations techniques dans un continuum historique, pour ne pas se laisser éblouir par d’apparentes nouveautés qui n’en sont pas toujours… Malgré cela, il y a quand même une nouveauté importante dans les MOOC et dans la dernière génération de plate-forme d’enseignement en ligne, c’est la dimension collaborative qu’elles rendent possible et favorisent. Ce qui est nouveau dans le MOOC, ça n’est pas, en soi, la vidéo de l’enseignant que regardent les étudiants : c’est le fait que les étudiants peuvent commenter cette vidéo, échanger entre eux leurs interrogations, partager les réponses qu’ils ont trouvé dans un livre ou sur un site web…
On observe une utilisation renouvelée de l’image en pédagogie. Quelles en sont les caractéristiques principales de cette régénération ?
Je prends un exemple concret. L’un des chercheurs du Centre Edouard Branly, Michael Bourgatte, a travaillé cette année avec des élèves de différents niveaux dans le cadre d’ateliers d’éducation à l’image. Pour cela, il a utilisé un logiciel de montage vidéo qui permettait aux élèves de manipuler par eux-mêmes des extraits de films. Les outils numériques permettent aujourd’hui de mettre en place ce type de dispositif beaucoup plus facilement. Dans le cadre d’une éducation globale aux images, il devient possible de sortir les élèves de leur position de spectateur et de leur permettre d’acquérir des compétences autrefois réservées aux professionnels.
En quoi la vidéo en ligne utilisée par un enseignant permet-elle d’entrer différemment dans la matière du cours ?
C’est justement à cette question que nous allons travailler lors de la journée d’études du 30 juin : à partir d’exemples concrets, présentés par des enseignants, des chercheurs et des techniciens, nous allons voir quels usages pédagogiques pertinents peuvent être faits de ces vidéos : stimulation de l’intelligence collective d’un groupe d’apprenants, modalités d’apprentissage communautaire, techniques d’annotations et de commentaires collectifs des vidéos… Il s’agira de voir comment les enseignants et les apprenants peuvent se saisir d’outils vidéo : soit comme porte d’entrée dans un savoir réputé complexe ou rébarbatif, ou au contraire comme stimulation vers un approfondissement ou un élargissement des perspectives… Mais sans doute pas en « remplacement » du texte. Dans la plupart des usages de la vidéo que nous observons, la question pédagogique centrale est peut-être celle de l’articulation de la vidéo et du texte.
Quels sont les projets du Centre Edouard Branly ?
Nous avons fait le choix de ne pas nous cantonner aux grands discours sur la révolution numérique et de nous concentrer sur l’observation et l’accompagnement des expérimentations qui nous semblent les plus prometteuses. C’est ce que nous allons faire le 30 juin lors de notre journée d’étude consacrée aux usages pédagogiques innovants de la vidéo. Le Centre est en plein développement autour des liens entre éducation et numérique. Nous travaillons avec des enseignants et des chefs d’établissements qui font évoluer leurs pratiques et leurs projets pédagogiques. Par ailleurs, nous travaillons aussi, par exemple, sur la circulation des savoirs sur web avec une équipe de recherche internationale, ou sur les usages pédagogiques du numérique avec le Musée du Louvre ou encore la BnF. Toutes les institutions de transmission sont aujourd’hui questionnées par le numérique… Notre vocation est d’accompagner les processus d’innovations et de créativité qu’ils suscitent.
Propos recueillis par Gilbert Longhi
Notes :
1 -Centre Branly http://branly.hypotheses.org
2 Un Geek (Guik), est un fou d’informatique, un timbré du numérique, un toqué d’Internet … une personne dont la vie est absorbée par les nouvelles technologies. Le geeks ont une culture très affûtée dans leur domaine de prédilection au point que leur imprégnation dans le numérique constitue un mode de vie et une caractéristique identitaire permettant à chacun, grâce aux réseaux sociaux, de nourrir un sentiment d’appartenance à une communauté planétaire.
Pratiques pédagogiques et usages de la vidéo en ligne
Amphithéâtre René Rémond Institut Catholique de Paris, 21 rue d’Assas, Paris, 6°.
Journée d’études ouverte au public dans la limite des places disponibles Lundi 30 juin 2014
10 h: Panel 1 : Circulation des savoirs et usages de la vidéo en ligne. Sylvain Parasie : Les professionnels de la presse en ligne face à l’explosion de la vidéo d’information. Rémy Besson : Les ressources de la vidéo pour l’archivage en ligne. Yannick Prié : Annotations et structuration de la pensée : application aux vidéos pédagogiques. Laurence Allard, Audio-visualisation du savoir et expérience pédagogique.
14:00 Panel 2 : Enjeux politiques et technologiques : les acteurs de la vidéo en ligne. Georgia Sebregondi & Catherine Uhel (Afadec). Antoine Nazaret (Dailymotion). David Blanchard (FranceTV-Education). Anne Boyer (Open UpEd). Alain Roca (Univers Ciné).
16:30 Panel 3 Pratiques innovantes et vidéo dans l’enseignement supérieur. Mélanie Bourdaa : Retour sur l’expérience du MOOC Transmedia : entre intelligence collective et apprentissage communautaire. Olivier Fournout : (Télécom ParisTech), L’usage des films pour enseigner les relations humaines : principes et outils de pédagogie active. Alain Carrou (BnF) : L’annotation de films par les chercheurs : retours d’expériences. Vincent Puig (IRI) : Vidéo contributive et herméneutique numérique à l’âge des datas.