In CFDT – le 5 décembre 2013 :
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Tribune parue dans Les Échos du 5 décembre 2013, co-signée par Frédéric Sève (SG Sgen-CFDT), Ivan Béraud (SG F3C), Marie-Odile Esch (SG Interco-CFDT), Bruno Lamour (SG FEP-CFDT).
Les fédérations F3C, Interco, FEP et Sgen syndiquent respectivement les animateurs, les personnels municipaux, les enseignants du privé et ceux du public.
Le débat sur la réorganisation de la semaine scolaire est révélateur de l’incapacité française à construire un dialogue social de qualité, ce que regrette la CFDT. Le goût pour la posture et la caricature, le soin que certains mettent à fausser les termes du débat pour le mener dans l’impasse, révèlent une haute maîtrise collective de l’art de rendre impossible les choses nécessaires.
Car la réforme des rythmes scolaires est nécessaire, elle est même inéluctable, tous les spécialistes et les acteurs de terrain le savent. Pour garantir la qualité des apprentissages, la semaine de l’écolier doit être mieux équilibrée et ses journées se raccourcir.
Par ailleurs, l’évolution des modes de vie et de travail accroît la demande d’accueil périscolaire. Le temps de la prise en charge collective des enfants s’allonge, dans la semaine comme dans la journée. Une modalité a été choisie en 2008 : partager le temps entre l’école (lundi, mardi, jeudi, vendredi), les activités péri-scolaires (mercredi), et les parents (weekend). C’est un échec et une erreur stratégique : chaque acteur social reste séparé des autres. À l’heure où la volonté est de réconcilier la société avec son école, on voit combien il devient important de construire la cohésion sociale dès l’école primaire en montant des projets communs à l’éducation, aux collectivités et aux acteurs de la société civile. C’est le pari qui nous est proposé par la réforme des rythmes. A nous de nous en saisir, tous ensemble !
Le plus ambitieux des projets, et le plus respectueux des besoins des enfants, est de demander aux municipalités et à l’école de coopérer pour se partager la journée, et de bâtir une offre éducative cohérente et de qualité, accessible à tous. Ce choix faisait consensus dès 2011, et il a d’ailleurs été validé lors de l’élection présidentielle. Mais c’est aussi un chantier complexe aux multiples écueils, désormais bien identifiés par les premiers retours d’expérience : organisation et durée de la pause méridienne, transition entre temps scolaires et périscolaires, « saucissonnage » des activités de l’enfant, coordination et formation des personnels, etc. Ce sont ces difficultés qui suscitent aujourd’hui les protestations des personnels. Ils veulent attirer l’attention sur le poids que font souvent peser ces nouvelles contraintes sur leurs conditions de travail.
Ce qui les irrite, c’est leur incapacité à faire entendre, et prendre en compte, leurs légitimes revendications. Et c’est là que parmi les corps intermédiaires français, syndicats et élus politiques, certains sont d’une coupable défaillance. À l’interpellation sur les modalités concrètes d’application de la réforme, ils ne savent, pour la plupart, répondre que par le report ou la réécriture du décret de janvier 2013. Or, ni l’un ni l’autre ne changeront rien au problème : un décret n’expliquera jamais comment se partager l’usage des salles de classes, comment organiser le transfert de responsabilité entre intervenants, comment faire travailler entre elles les différentes catégories de personnels sans dégrader leurs conditions de travail. Plus les difficultés concrètes apparaissent, et plus on y répond par un débat théorique sans issue autre que le passage en force ou l’abandon de la réforme.
Pour sortir de l’ornière, il faut instaurer un dialogue social de proximité, producteur de normes. C’est entre les syndicats de personnels (de tous les personnels), les associations de parents d’élèves et les maires de France que le dialogue doit se nouer dans le cadre des projets éducatifs de territoire (PEDT). C’est à eux de construire, à partir de leurs pratiques locales, une charte nationale d’organisation de l’école, qui recense les problèmes, préconise les solutions possibles et rappelle les conditions du respect de chaque catégorie d’acteurs de l’éducation. Une telle charte serait à la fois un repère pour les personnels dans leurs relations avec les municipalités, une garantie pour les usagers, mais aussi un guide pour les élus dans la construction de ce service public de l’enfance dont ils sont, plus que jamais, partie prenante. Elle constituerait le cadre et le socle d’un dialogue social local qui nous fait si cruellement défaut aujourd’hui.
Si nous n’assumons pas, maintenant, cette responsabilité, si la République renonce à son ambition éducative, alors nous aurons encore dévalorisé l’école et ceux qui s’y engagent, qu’ils soient professeurs, parents d’élèves, personnels municipaux, animateurs ou membres des associations partenaires de l’école et les premiers intéressés au service desquels nous sommes tous : les enfants.